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christianisme - Page 7

  • Castellucci dans le programme

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    Le programme du Festival d’Avignon est décidément très instructif.

    Il est placé, pour une grande part, sous le signe de Dante. Et de la Divinna Commedia.

    Apparemment, du moins.

    Car c’est Romeo Castellucci qui s’en charge.

    L’Enfer (Inferno) et Le Purgatoire (Purgatorio) donneront lieu à deux spectacles, Le Paradis (Paradiso) à une installation.

    Tout ceci, selon la formule, « librement inspiré de La Divine Comédie de Dante ».

    Oui, oui, librement inspiré.

     

    Les travaux de l’« artiste » Castellucci, pardon : les créations, sont présentés dans ce programme par le « critique » Antoine de Baecque (car nous vivons dans le monde merveilleux où les critiques acceptent de rédiger les programmes, où l’éloge a priori est le ciment de l’approbation de ce qui est…).

     

    Extrait de la présentation du projet général :

    « Si La Divine Comédie est un texte qui accompagne Romeo Castellucci depuis son adolescence, il n’en propose pas une « adaptation » littérale. Son travail est inspiré par ce texte, comme il l’écrit dans ses notes de travail : « Lire, relire, dilater, marteler et étudier à fond La Divine Comédie pour pouvoir l’oublier. L’absorber à travers l’épiderme. La laisser sécher sur moi comme une chemise mouillée. » »

     

    Comme c’est beau.

    L’inspiration est donc l’action de faire disparaître les textes.

    Notre époque est inspirée et Castellucci est son symptôme.

    Castellucci a bien sniffé toutes les lignes de Dante, et il va nous expirer deux spectacles et une installation.

     

    Notre valeureux critique poursuit ainsi :

    « Mais il [Castellucci, hein, pas Dante] vise surtout à « devenir » Dante. »

    Et le tour est joué. Voilà, ça y est. Fastoche, pour lui.

    Et il n’y a même pas à en douter ! C’est beau, la critique, tout de même.

     

    Vous aussi, cher lecteurs, devenez Dante ! Voici la recette :

    1. Lisez La Divine Comédie.

    2. Ensuite relisez-la (c’est pourtant simple).

    3. Dilatez-la (démerdez-vous, soufflez dedans, par exemple).

    4. Martelez-la (avec un marteau post-« nietzschéen », par exemple).

    5. Etudiez-la à fond (s’il en reste).

    6. Et maintenant que vous avez étudié à fond, hop, vous pouvez oublier La Divine Comédie.

    On étudie pour oublier, bien sûr. On fait disparaître. Mieux : étudier à fond, c’est oublier.

    Comment ? Mais enfin, 7. absorbez-la à travers l’épiderme, La Divine Comédie, voyons. Et en même temps, 8. laissez-la sécher (oui, voilà, comme une chemise mouillée).

    C’est difficile ? C’est que vous n’êtes pas Romeo Castellucci, tiens.

    Vous ne pourrez donc pas devenir Dante.

     

    Trêve de plaisanterie :

    Vous croyiez naïvement que Dante, c’était La Divine Comédie ?

    Eh bien, non.

    Quand Romeo Castellucci lit La Divine Comédie, il « incorpore » Dante jusqu’à le devenir. (Vous vous trouviez moderne, de ne pas croire à la transsubstantiation ? Vous l’aurez quand même, sauce Castellucci, et fourrée à la merde.)

    Après quoi, évidemment, il peut se passer de « son » texte, puisque chacun de ses gestes est un geste de Dante.

    On pourra donc voir cet été, à Avignon, deux spectacles et une installation de Dante lui-même. (Evidemment, il faut y croire. Vous vous croyiez aussi débarrassé de la croyance ?)

    Parce que si Dante revenait aujourd’hui, il ne passerait pas sa vie à écrire La Divine Comédie, non, il nous torcherait ça vite fait, en réalisant des spectacles vivants à grands frais, des créations, même, au Festival d’Avignon. D’ailleurs, il s’appellerait Romeo Castellucci. En toute simplicité. (Et la réincarnation, vous y croyez, non ?)

    Dieu aussi, d’ailleurs, s’appelle Castellucci.

    Par bonheur, il y en a plein, des dieux, de nos jours.

    Il y a aussi Jan Fabre, par exemple. Entre autres, là aussi.

    On peut choisir. Selon les travaux et les jours, les heures et les humeurs.

    C’est l’avantage du néopaganisme.

    Je suis un homme de peu de foi.

     

    J’attends le retour des sacrifices.

    Humains, tant qu’à faire.

    Avouez que ça aurait de la gueule, quand même, un sacrifice humain.

    Un bébé, par exemple.

    Dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, au hasard.

    Quelle subversion.

    Non mais.

     

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  • Tu ne transmettras point (ébauche)

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    – Comprenez-nous bien, camarades. Quand ce vieux monde en proie aux démolitions et déprédations tremble, nous disons tout bêtement qu’il bouge, dans le but de faire croire qu’il avance ; et lorsqu’un quelconque de ses pans s’effondre, nous hurlons au génie et à la subversion ; car ce vieux monde, qui ne le voit ? nous ne le remplacerons par rien, simplement parce que construire aujourd’hui quelque chose pourrait peut-être nous donner quelque chose à conserver demain, et que nous nous refusons tout net à cet régression-là. Nous allons tout simplement faire beaucoup mieux : nous allons détruire ce monde, et puis l’abandonner. Oh, nous n’éviterons pas, sans doute, la barbarie, mais que voulez-vous ? c’est l’autre face du progrès. Disons, sa face réelle ; l’autre versant de l’utopie, comme toujours. Cette recette, si vous me passez l’expression, est certes historiquement éprouvée, mais pourquoi croyez-vous que nous éradiquons l’Histoire après que nous l’avons comme une déesse antique hissée sur piédestal ? « Du passé faisons table rase, le monde va changer de base », disait la chansonnette entêtante. Et en fait de base, camarades, croyez-moi, il y aura ce qu’il y aura quand tout sera détruit, même les ruines, et il n’y aura de fait rien qu’on puisse précisément nommer. Car voyez-vous, et c’est le point, détruire l’Histoire nous permet paradoxalement de la remonter, d’en remonter le cours, de remonter le temps, d’entrer, dans la vie même, à l’intérieur de ces mythes anciens que notre époque exténue – et de les démolir dans ce sens-là aussi… Ce dont plus personne ne devra avoir connaissance, chacun le vivra sans conscience, dans une vie animale, comment dire ? purement béatifique ; ou pour le moins : extatique. Car en vérité je vous le dis, c’est au profit de la vie, camarades, que nous détruisons la connaissance, j’aimerais ce soir vraiment vous en persuader. En réalisant l’homme, l’homme sans transcendance ni médiation, en faisant simultanément de lui un dieu, c’est-à-dire la référence suprême, et un animal, car la science ne nous révèlera jamais que de la matière et donc, au sens propre, ne nous révélera rien, nous évacuons l’homme, tout l’homme, nous évacuons dans le blabla l’hypothèse que sa parole est autre chose que l’information qu’elle émet. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », a dit jadis un humoriste oublié. Mais nous, si nous sommes là, c’est avant tout pour ruiner l’âme jusqu’à faire disparaître ce mot ; à quoi alors pourrait bien nous servir une quelconque conscience ? Nous travaillons à l’homme nu, à l’homme enfin débarrassé des objections ; nous travaillons pour le néant, et il n’y a rien à faire alors que dé-réaliser dans la réalité la Genèse : car nous remontons, mais dans la vie même et non pas dans son texte, un à un ses versets, et les faisons disparaître ; jusqu’au moment glorieux, qui vient mes camarades, qui vient, où elle ne pourra plus nous servir, même négativement, d’aune. « La terre était vide et vague. » Toute la Création, selon le mythe juif, avait été faite à coups de séparations successives, de discriminations. Ce grand diviseur de Dieu séparait, simplement en nommant, ceci de cela, puis de cela un autre ceci encore, jusqu’à faire, assez mauvaisement, sortir de l’homme la femme. Nous remontons réellement tout cela, et, soyons grossier puisqu’il le faut ! nous recollons tout ce qui avait été séparé, et parce que tel est notre seul outil, nous recollons tout cela à l’oubli. Nous les recollons une à une, ces séparations imbéciles, peut-être même pas dans l’ordre exact des versets, d’ailleurs, ni dans son ordre inverse, nous sommes plus chaotique que cela, et je vais vous dire pourquoi : parce que la destruction ne s’embarrasse pas des plans de l’architecte. Nous ramènerons Dieu même à son néant, et son Verbe avec lui, et l’Incarnation de son Verbe avec lui. Il n’y a plus le choix, notre volonté propre n’y sera même pour rien, car elle aussi, avec tout son fatras de péché et de libre-arbitre, nous la faisons disparaître au chaos. Qui ne voit que déjà, nous avons dépassé sans retour le moment de la première tentation, et de l’Arbre de la Connaissance du bien et du mal, sans parler même du premier meurtre, c’est-à-dire du premier parricide ? Laissez-nous rire. Qui ne voit que cette destruction que nous parons chaque jour des délices supposées de la création et du progrès ne nous mène aux contrées de l’innocence primordiale, édénique ? Et l’on viendra encore nous dire que je ne suis pas un garçon tout ce qu’il y a de plus pacifique. Oh, je sais bien qu’aucune civilisation jamais n’a pu se passer de ce que les hommes, depuis peu – et devinez grâce à qui ? appellent une religion, et qui leur fut la Vérité. Mais enfin, si l’on a pu lui inventer son aune, à celle-là, sans doute est-ce qu’elle n’était pas absolue… Mais que l’on se rassure, une autre vient, plus jeune, plus forte, une vérité intangible qui ne se soutient pas de l’esprit mais de la lettre pure, bornée. Mais chut… Regardez-moi bien, regardez. Je n’existe même pas, mes paroles flottent seules dans l’air vicié de vos villes, à moins que ce ne soit en vos cerveaux qui déjà me sont acquis, et il n’est pas certain que vous les oyiez vraiment, et vous-même, peut-être n’êtes-vous tout simplement pas là, faute de là ?

  • Vengeance

     

     

    Te voilà empêtré dans tes contradictions, crois-tu. Regarde-toi. Comment peux-tu désirer une chose, et en même temps ne pas l’aimer ? On dirait une vengeance.

    L’étrange machine mauvaise que tu es – aussi. A ton insu ? Vraiment ? Mais tu ne veux pas savoir, n’est-ce pas ?

    Tu te venges. Par le désir. Tes contradictions sont en tas, maintenant. Elles ne formeront pas un édifice présentable.

    Mais tu n’es pas tout le temps bête. Parfois, pour un moment plus ou moins bref, tu te rends compte, et te vois. Puis ta main chasse d’un revers cette grâce. Pauvre fou.

    Tu n’aimes pas, mais voudrais posséder. Vanité. Et ta vengeance n’aboutit pas, ne venge rien, se dissout au néant. Tu es un insensé.

    Tu es un assassin rentré. Un insensé. Un impuissant. Un possédé.

    Les horizons te bouffent. Tu désires et voudrais posséder. Tu veux te venger de toi, petit d’homme ? Mais ton action, avant même d’être, est celle du monde contre toi.

    Tu n’es jamais tant pire que lorsque tu désires du bien. C’est une misère d’arrangement. Pour te supporter. Regarde-toi, ce n’est encore pas toi que tu verras, salopard.

    Tu ne sais pas te voir seul.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Un retour...

    Je roule lentement au travers de la forêt immense tandis que la radio crache des appels rythmés au meurtre de flics. Je descends maintenant vers ma ville et elle n’est pas encore à feu et à sang ; j’arrête la radio. Je me souviens brutalement du crucifix taggé, tout à l’heure, dans les vignes. Les temps vont concorder bientôt, parfaitement, dans le chaos. Du moins, il m’est loisible de l’espérer. Quand j’ouvre les yeux, je comprends que je me suis arrêté et allongé au bord de la route. J’entre enfin dans ma ville, le long d’interminables barres d’immeubles, en écoutant L’art de la fugue. Pluie fine, à présent. Ensuite, j’ai gardé quatre jours cette musique en moi, et l’ai beaucoup fredonnée.

    C’est la guerre…déjà. Contrairement aux apparences, je n’exagère jamais. Mais chut…

  • A Léon Bloy

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    SAINT GRAAL

     

    Parfois je sens, mourant des temps où nous vivons

    Mon immense douleur s’enivrer d’espérance.

    En vain l’heure honteuse ouvre des trous profonds,

    En vain bâillent sous nous les désastres sans fonds

    Pour engloutir l’abus de notre âpre souffrance,

    Le sang de Jésus-Christ ruisselle sur la France.

     

    Le précieux Sang coule à flots de ses autels

    Non encor renversés, et coulerait encore

    Le fussent-ils, et quand nos malheurs seraient tels

    Que les plus forts, cédant à des effrois mortels,

    Eux-mêmes subiraient la loi qui déshonore,

    De l’ombre des cachots il jaillirait encore.

     

    Il coulerait encor des pierres des cachots,

    Descellerait l’horreur des ciments, doux et rouge

    Suintement, torrent patient d’oraisons,

    D’expiation forte et de bonnes raisons,

    Contre les lâchetés et les « feu sur qui bouge ! »

    Et toute guillotine et cette Gueuse rouge ! ...

     

    Torrent d’amour du Dieu d’amour et de douceur,

    Fleuve rafraîchissant du feu qui désaltère,

    Fût-ce parmi l’horreur de ce monde moqueur,

    Source vive où s’en vient ressusciter le cœur

    Même de l’assassin, même de l’adultère,

    Salut de la patrie, ô sang qui désaltère !

     

     

     

     

    Poème de Paul Verlaine, tiré d’Amour.

     

    Dessin : Bloy par Vallotton.