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Lokossou dans ses oeuvres

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Ce qui est formidable, chez Hounhouénou Joël Lokossou, c'est qu'il aime le théâtre, physiquement, concrètement, en chair comme en esprit, et qu'il ne le confond jamais avec la récitation conseillée des opinions à la mode. Voici donc, six ans après sa création, que l'immense Béninois recrée complètement la pièce placidement truculente de Pascal Adam, directement à Avignon, dans un joli théâtre tenu par les cheminots. Il tient toujours le rôle de Rodrigue, chef d'un Etat africain imaginaire, Verlande, et la magnifique Christine Culerier tient celui d'Angèle, chef d'un Etat européen en décapilotade, Cocagne, dont le modèle avoué pourrait bien être la France, puisqu'on y apprend que les canalisations de l'Elysée sont bouchées !

De Cocagne en Verlande, comme on va de Charybde en Scylla, est davantage une pochade qu'une satire et d'emblée, les chefs d'Etat font ce qui ne se fait plus : ils s'écrivent dans un français bancal et soutenu et tournent autour de leurs sentiments, qu'ils ont pour le moins vaches quand ils ne sont pas confus. Puis ils se rencontrent, fort improbablement dans une petite ville posée sur le cercle polaire arctique, règlent des comptes tant politiques qu'intimes, non sans être espionnés par une tierce puissance, mystérieuse et menaçante, non nommée mais qui parle en américain. Nos deux héros, qui passent du banal au sublime sans négliger le ridicule finiront même, au troisième acte, par survivre à leur mort plus qu'étrange ! Le voilà, le théâtre.

Et en effet Christine Culerier et Joël Lokossou, parfaitement accordés l'une à l'autre, nous font l'honneur de s'amuser, et de nous amuser, passant en une réplique de la tragédie à la farce et de la prose au vers, accompagnés en fond de scène par les étonnants instruments Renaissance de Cédric Manfred Costantino, lunaire et délicat, comme par la bande efficace du compositeur Uriel Barthélémi. Le texte résonne avec l'actualité des guerres en cours aujourd'hui, mais toujours légèrement, à la bonne distance; quant aux puissants, qui croient l'être, ils ne savent pas ce qu'ils font. Leur pardonnera-t-on ?

 

 

De Cocagne en Verlande (Arts et Cités - Dayihoun - Passage production). Au Théâtre de la Rotonde, à 18h. Du 6 au 20 juillet 2024, relâche le 14. 

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