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christianisme - Page 5

  • Paysage

     

     

     

     

     

     

     

    Je suis plutôt contemplatif, comme garçon ; mais la contemplation ne se dit pas en mots.

     

    Le monde a besoin de se soûler de mots ; et il fait ce qu’il faut pour ruiner ma contemplation.

     

    J’oscille alors entre effondrement et colère, préférant la colère que je ne quitte qu’effondré.

     

    La contemplation, vrai repos, moment volé au monde, souvent la nuit, quand la technique a fini ses hurlances.

     

     

     

     

     

     

     

     

    Emitte Spiritum tuum, et creabuntur : et renovabis faciem terrae. Alleluia.

     

     

     

     

  • Succès du Mystère

    La pièce s’appelle d’abord Elckerlijc.

    Elle est écrite en néerlandais ; vers 1470. Imprimée pour la première fois en 1495.

    Elle est un Mystère ; pire, une moralité. Elle emprunte à la chanson de geste.

    Elle rencontre le succès.

    Un détail : elle est attribuée à un certain Pieter van Dienst.

    Cela pourrait s’arrêter là.

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  • Respublica Nostra

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    Mais qu’importe aux serviteurs de ces misérables divinités, passionnés imitateurs de leurs crimes et de leurs débauches ; qu’importe à de tels hommes la corruption, la honte de la République ? Qu’elle soit debout, disent-ils, florissante par la force de ses armées, par l’éclat de ses victoires, ou mieux encore par la sécurité et la paix, il suffit ; que nous importe ? ou plutôt, il nous importe que chacun augmente ses richesses pour suffire aux prodigalités journalières, pour réduire le faible à la merci du puissant ; que le besoin soumette le pauvre au riche, et que le patronage de l’un assure à l’autre une tranquille oisiveté ; que les riches abusent des pauvres, instruments d’une fastueuse clientèle ; que les peuples applaudissent, non pas aux ministres de leurs propres intérêts, mais aux pourvoyeurs de leurs plaisirs ; que rien de pénible ne soit ordonné, rien d’impur défendu ; que les rois ne s’inquiètent pas de la vertu mais de l’obéissance de leurs sujets ; que les sujets obéissent aux rois non comme leurs directeurs de mœurs, mais comme arbitres de leurs fortunes, comme intendants de leurs voluptés, et que cet hommage trompeur ne soit que le criminel et servile tribut de la crainte ; que les lois protègent plutôt la vigne que l’innocence de l’homme ; que nul ne comparaisse devant le juge, s’il n’a entrepris sur le bien ou la vie d’autrui, s’il n’a été malfaisant et nuisible par violence ; mais que des siens avec les siens, avec quiconque le voudra souffrir, il soit permis de tout faire ; que les courtisanes abondent, au gré de qui veut jouir, et de qui surtout ne peut entretenir de concubine ! Partout des palais somptueux ! partout de splendides festins ! partout, à votre fantaisie, où vous pourrez, jour et nuit, fêtez le jeu, la table, le vomitoire, le lupanar ! Partout le bruit de la danse ! partout que le théâtre frémisse des clameurs d’une joie dissolue et des émotions de toute volupté cruelle ou infâme ! Que celui-là soit ennemi public à qui telle félicité complaît ! Que si, pour la troubler, quelque citoyen s’élève, que la libre multitude sans l’entendre le repousse, qu’il soit chassé, qu’il soit proscrit ! Qu’il n’y ait de dieux véritables que les auteurs et les protecteurs de cette félicité ! Qu’on les honore à leur volonté, qu’ils demandent tels jeux qu’il leur plaise, qu’ils les obtiennent avec ou de leurs adorateurs ! Qu’ils veillent seulement pour que ni la guerre, ni la peste, ni aucun désastre n’altère tant de prospérité ! Est-ce là, je le demande, à tout homme en possession de la raison, est-ce là l’Empire romain, ou plutôt n’est-ce pas le palais de Sardanapale, cet ancien roi, esclave des voluptés, qui fait graver sur son tombeau qu’il n’emporte rien dans la mort que ses débauches n’aient englouti pendant sa vie ? Ah, que nos adversaires ne jouissent-ils d’un tel roi, si complaisant à leurs désirs, et que nul vice ne trouve sévère ? A lui, de plus grand cœur que les Anciens à Romulus, ils consacreraient un temple et une flamine.

     

    Saint Augustin, La Cité de Dieu, livre II, § XX

     

     

     

    50 ans environ avant la chute de l’Empire romain d’Occident, en 476.    

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  • Du Jour des Morts comme point de départ...

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    De profundis clamavi ad te, Domine : Domine exaudi vocem meam.

     

    *

     

    Théâtre.

     

    La tragédie a basculé tout entière dans la comédie.

    Laquelle, considérablement surchargée, s’est effondrée sur elle-même.

    Restent ces ruines d’époques mêlées, qu’on industrie à tout va, pour personne, et que ça se vende ou pas.

     

    Alors ? Alors il y a ce qui, aujourd’hui, d’une façon ou d’une autre, est interdit :

    La farce aristophanienne, c’est-à-dire le pamphlet le plus violent.

    Le mystère médiéval, tout à réinventer.

    Deux choses peu solubles dans le cinéma, et tant mieux.

     

    J’appelle ça faire le point (au moins le mien).

    Whisky. Clope.

     

    *

     

    En guise de dessert, ce passage de Bloy, auquel ma note, étrangement, m’a fait songer :

     

    Laissez-moi donc tranquille ! criait-il à Clotilde, qui ne le tourmentait guère, pourtant, il n’y a que deux philosophies, si l’on tient absolument à ce mot ignoble : la spéculative chrétienne, c’est-à-dire la théologie du Pape, et la torcheculative. L’une pour le midi, l’autre pour le nord.

    Léon Bloy, La femme pauvre

     

     

     

     

     

     

  • Génie de Molière (en passant)

    (…)

    DOM JUAN. – Tu te moques : un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d’être bien dans ses affaires.

    LE PAUVRE. – Je vous assure, Monsieur, que le plus souvent je n’ai pas un morceau de pain à me mettre sous les dents.

    DOM JUAN. – Voilà qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins. Ah, ah ! je m’en vais te donner un louis d’or tout à l’heure, pourvu que tu veuilles jurer.

    LE PAUVRE. – Ah, Monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché ?

    DOM JUAN. – Tu n’as qu’à voir su tu veux gagner un louis d’or ou non. En voici un que je te donne, si tu jures ; tiens, il faut jurer.

    LE PAUVRE. – Monsieur !

    DOM JUAN. – A moins de cela, tu ne l’auras pas.

    SGANARELLE. – Va, va, jure un peu, il n’y a pas de mal.

    DOM JUAN. – Prends, le voilà ; prends, te dis-je, mais jure donc.

    LE PAUVRE. – Non, monsieur, j’aime mieux mourir de faim.

    DOM JUAN. – Va, va, je te le donne pour l’amour de l’humanité. (…)

     

    Molière, Dom Juan, acte III, scène 2.

     

    Molière à 35 ans, par Roland Lefèbvre.jpg

     

    Pas moins que les fustigations complémentaires des femmes savantes, ou encore des précieuses ridicules, et de ce cochon d’Arnolphe, la scène où Dom Juan ordonne au mendiant de jurer aurait dû suffire à faire comprendre, après qu’il avait moqué Tartuffe et qu’il aura moqué Alceste, que Molière, loin de chercher à insulter vraiment qui que ce soit, loin aussi de s’engouffrer dans un quelconque parti, tenait simplement, ainsi que René Girard le dit de la Passion du Christ controversée de Mel Gibson (1), « la tendance héroïque à mettre la vérité au-dessus même de l’ordre social », vérité qui, même sans mentir, tant la question de la sincérité est une bulle de néant, ne peut pas être dite – le principe conflictuel propre au théâtre laissant seulement s’exprimer, dans la dimension même du dialogue, tout ce qui précisément n’est pas elle ; toutes choses que ne contredit pas, bien au contraire, la remarque fameuse de La Flèche, adressée sans doute à la totalité dans la suite des temps des avares dans l’ordre de l’esprit : « Qui se sent morveux, qu’il se mouche. »

    On s’est beaucoup mouché, en effet, dans les « papiers » (2) de Monsieur de Molière ; c’est sa gloire – notons que seules l’instrumentalisation et l’incompréhension, en dépit qu’on en ait, lui assurent aujourd’hui encore sa grande renommée. 

     

     

    (1) J’ai trouvé très amusant, dans un billet d'exactement deux phrases sur Molière, de glisser en surplus de celui de Girard le nom de Mel Gibson.

    (2) On ne dispose d’aucune ligne autographe de Molière. Certaines personnes sérieuses imputent à Corneille la paternité des quatorze pièces en vers et de deux en prose (Dom Juan et L’Avare). L’hypothèse, vraie ou pas, est de toute façon intéressante ; et pour qui s’intéresse aux œuvres plus qu’aux biographies, elle suppose autant que l’inverse que Molière ait écrit tout Corneille ; et invite au moins à les relire ensemble.