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christianisme - Page 8

  • Israël

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    La création du monde commençant à s’éloigner, Dieu a pourvu d’un historien unique contemporain, et a commis tout un peuple pour la garde de ce livre, afin que cette histoire fût la plus authentique du monde et que tous les hommes pussent apprendre par là une chose si nécessaire à savoir, et qu’on ne pût la savoir que par là.

     

     

    Blaise Pascal, Pensées, fragment 439, édition Le Guern

     

     

     

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    Images: Moïse par Michel-Ange

  • Une cuite de Pentecôte

    Le dogme du christianisme s’effrite devant les progrès de la science.

     

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    Allez, je vous colle trois morceaux de textes ici, à peine dégagés de leur prise de notes ; je torche, quoi. Qu’est-ce que ça peut faire, n’est-ce pas ? Ce monde est une poubelle et ce blog lui appartient en plein. Aussi.

    Whisky.

    Il est tard, et je suis fatigué. Et je ne suis pas certain que nous méritions le moindre égard. Et si ce moindre égard devait néanmoins avoir lieu, il serait de haute nécessité qu’il ne soit pas pure forme.

    Comprend qui peut, comme disait en gros saint Augustin. Mais lui parlait de la Trinité. Alors que je me confine à mes peu ragoûtantes anecdotes, à chacun selon ses moyens, etc…

     

     

     

    1

    C’est le même programme par le haut et par le bas, finalement, dans ce qu’ils appellent encore la culture. Détruire tout à fait la simple capacité, voire même : la possibilité, de clairement exprimer l’obscurité de l’époque. Détruire l’ambiguïté. En fourguant du trash imbécile ou du rêve mol. Respectivement. Mais toujours de l’inarticulé ; c’est là que culmine aujourd’hui le romantisme post-hitlérien. Toujours en passant en-deçà du langage. Soit en développant artificiellement – hors sol – les anciennes formes culturelles populaires que le peuple a lâchées pour de nouveaux écrans, soit en développant des tas de saloperies prétendument élitistes ne concernant, n’intéressant que ceux-là mêmes qui les produisent. Cette destruction permanente, presque unique tant elle est continue, ils lui ont donné le nom inverse et inverti de création. Entendez-moi : ils multiplient les créations. Tout ce qui se torche est création, et c’est pléthore. C’est du créationnisme à l’état sauvage, parfaitement insu de lui-même (et imbu, aussi) ; ce sont aussi, peut-être, les fondements d’une religion de merde, celle de l’homme standardisé carburant à la science et déshumanisé.

    Prenez par exemple un bouquin de théâtre d’il y a cinquante, soixante, ou même : quarante ans ; vous avez de grandes chances, dans les premières pages, d’y lire ceci : la pièce fut représentée pour la première fois le tant, dans tel théâtre, dans une mise en scène (ou une régie, s’il s’agit de Vilar) de Untel, des décors (pas question de pompeuse scénographie) ; après quoi la liste des personnages sera doublée de celle des acteur ayant tenu leurs rôles… En somme, il ne sera pas question de création, mais de représentation. L’artiste n’est pas d’abord un créateur, il est un interprète. Quant à l’auteur, c’est un écrivain.

    Désormais le premier trou du cul venu, capable de pianoter sur un ordinateur, prétend au démiurgique statut de créateur, cite Artaud et Deleuze, ou Heidegger et Sloterdijk, quand ce n’est pas le bon docteur Lacan, dans ses dossiers de production, et bazarde allègrement des « créations », donc, lesquelles ne demandent pas objectivement le niveau intellectuel d’un élève de CM2 de 1950.

    Mais ce n’est pas du tout de cela que je voulais vous entretenir ce soir, non.

     

     

     

    2

    J’ai discuté l’autre soir avec le jeune S. Tranquillement. En buvant une bouteille de Chianti. Je vais essayer de vous retranscrire son parler bizarre. Déstructuré un peu dans l’expression, et bizarrement pas trop encore quant au fond…

    Or, je jeune S. était allé à la messe. Pas par conviction personnelle, non ; par devoir. Enfin, c’est ce qu’il m’a dit.

    – Donc ouais, j’ai assisté à une messe l’autre jour, enfin, un dimanche. Bien. Je dis assisté, parce que moi, ce que je fais, on ne peut pas dire que c’est participer ou je ne sais quoi, hein. Parce que le grand-père, le dimanche, il faut qu’il y aille, lui, à la messe des vieux. Alors avec mes cousins, on se relaye pour l’y emmener, même que c’est assez chiant, mais bon. Une fois, j’ai essayé de me défiler, passer mon tour, mais mes cousins après ils m’ont pourri la tête alors, donc, parce qu’eux non plus, ils aiment pas ça et ça leur casse les rouleaux les conneries de bondieuserie. Quand le grand-père sera mort, plus personne de la famille n’ira et cette histoire-là sera enfin finie pour nous. Mais bon, ce n’est pas ça que je voulais vous dire… Donc, avec le grand-père, on était là, à la messe, et il fallait encore, des fois, que je l’agenouille parce qu’il n’y arrive pas tout seul et qu’il ne veut pas rester debout comme les jeunes pour prier, bref, on était là, des fois j’écoutais et des fois pas, l’attention vaquait quoi, hein, et à un moment donné, le curé il lit des textes, eh bien là, il se met à en lire un sur Adam et Eve, et tout ça. Ça devait être le premier dimanche de Carême ou un machin comme ça, et je ne sais plus de quoi parlaient les autres lectures, bref, après quoi le curé fait un machin, une homélie peut-être, bref un genre de sermon qui ne sermonne personne et rien, et voilà tout à coup que ce curé tient un discours vachement intéressant. Voilà ce qu’il dit, c’est un peu un vieux gars le curé, pas un jeune novateur, non, pire, un vieux novateur, il a un poil la tremblote dans les cordes vocales et voilà tout à coup ce qu’il balance, le gars : « J’espère que parmi vous il n’y a pas, comme on voit souvent chez les Américains, je veux dire, chez les protestants américains, ce qu’on appelle des créationnistes ; que vous êtes tout à fait au clair avec le fait, je dis bien le fait, que tout le début de la Genèse est une métaphore et que, vous le savez peut-être, c’est à partir seulement d’Abraham que les personnages de la Bible sont historiques. On ne peut pas croire, aujourd’hui, en 2008, que Dieu a réellement créé le monde en six jours, avec un septième en plus pour se reposer. L’Eglise catholique ne conteste pas du tout le darwinisme. Ce à quoi donc nous devons réfléchir, frères et sœurs, etc. etc. »

     

    Je rigole.

    Difficile de savoir, dans son récit, ce qui dans la formule tient au curé, ce qui tient à S.

    Pas seulement relativiste, l’Eglise catholique : auto-relativisée aussi.

    En clair : Tout le monde dehors !

    Et la Résurrection aussi, c’est une métaphore, non ?

    On va continuer, donc, d’insister sur la Passion.

    Si j’étais catholique, je deviendrais orthodoxe.

    Eux au moins ne lâcheront pas la Résurrection.

    – « Le dogme du christianisme s’effrite devant les progrès de la science », dis-je, solennellement.

    S. rigole.

    – C’est de qui ?

    – Hitler.

    Silence.

    Bien.

    Il reprend.

     

    – Mais, justement, et c’est ça que je voulais vous dire donc, alors la messe continue, j’essaie de ne pas trop somnoler, j’aide le grand-père à se lever, s’asseoir, s’agenouiller, tout ça, et paf ! à un moment, c’est normal d’ailleurs dans le déroulé des trucs et des machins, le cureton darwinien en arrive au Credo, Je crois en dieu, créateur du ciel et de la terre… Pas gêné, le type, pas même un sourcillement vague, et pourtant je le scrute, bref, dieu est une métaphore, le ciel et la terre aussi, et même si tout le monde a le droit de le penser, hein, vu aussi qu’on a parfaitement le droit aussi bien de penser n’importe quoi, même si tout le monde le pense, voilà que ce cureton diabolique le balance en plein office, ça m’a sidéré. Merde. Quand même. Ce connard a dézingué sa propre religion, jusqu’au Symbole même des apôtres, ou au Symbole de Nicée (325 et 381), comme ça, l’air de rien, en plein office, il a néantisé tout d’une pauvre phrase sur le darwinisme Rex. Ce catholique-là a pulvérisé d’une phrase ou deux tout ce en quoi justement il est censé croire, faisant de tous ces mots une pure forme, bulle de néant, que dalle moderne. L’air de rien. J’ai regardé l’assemblée, rien n’a bougé sur leurs visages, des cadavres, des cadavres…

     

    L’air de rien…

     

     

     

    3

    Et voilà qu’une philosopheure (allons-y) de fin de soirée, passablement abrutie –j’espère – par deux trois verres de rosé bas de gamme, s’avise de me demander, dans des formulations à rallonge, avec le sourire narquois de l’enseignant qui attend la bonne réponse, ce que je pense de la querelle des querelles, de la querelle, bref, qui opposa, au XX° siècle, partisans et détracteurs du sujet ; la question, au fond, n’est rien moins qu’inquisitoriale et vise à savoir, pour aller vite, si je suis de bon côté, c’est-à-dire du sien, mais pas seulement, lequel bon côté sans le moindre doute se trouve du côté des détracteurs et déconstructionnistes (pas destructeurs, hein, la déconstruction est bien évidemment une création) tant la philosopheuse en question s’exprime en terme structuralo-derridiens, c’est vous dire si on se marre… Je lui réponds assez franchement, en distillant les grossièretés, que je n’ai strictement rien à foutre de sa putain de querelle de merde – ce qui la désarçonne et l’effraie quelque peu… Et que tous ces connards de merde de pinailleurs qui pinaillent dans le néant se démerdent un peu avec leurs petits montages conceptuels à la con, je veux dire avec leurs méprisables fictions intellotes imbéciles qu’ils ne cherchent d’ailleurs pas tant à imposer par la rigueur de leur pensée que par le jeu d’occupation des places universitaires et des réseaux politico-philosophico-merdiques. Et encore que leurs fictions anorexiques et illisibles ne sont méprisables que de vouloir passer pour la Vérité même, sans l’ombre d’un doute…

    Je fais une pause pour allumer une cigarette et reprends de plus belle – moi aussi, je suis un peu désinhibé, rapport sans doute à une quelconque prise massive d’alcool, comme disent nos bergers allemands…

    – La seule chose qui m’intéresse, d’ailleurs, c’est de faire causer des putains de personnages, c’est-à-dire des salopards et des menteurs, et aussi, sous couvert de candeur, des pervers. Et encore de les foutre dans des situations ambiguës, inextricables, auxquelles la morale ne peut rien, ce qui présuppose néanmoins qu’il y en ait une, tu piges ? Et pour faire ça, vois-tu, j’utilise un truc-machin super, qui s’appelle la langue française, avé sa grammaire, laquelle veut que chaque sujet soit le sujet d’un verbe. Le reste, c’est de la branlette. C’est pas clair, ça ?

    Apparemment, non.

    Mes yeux s’égarent dans le décolleté de la ridicule.

    – Là, je crois quand même que tu tires un peu sur le côté théologique de la chose, assure-t-elle, avec une finesse de gorette.

    J’explose de rire dans mon whisky, ce qui le fait ressortir de ma bouche dans des éclaboussures dorées qui viennent consteller le visage de la demoiselle.

    – Le côté théologique ? Quel côté théologique ? Que le sujet dans une phrase ne soit sujet que de l’être d’un verbe, c’est de la théologie ? Merde alors ! C’est pour ça qu’on n’apprend plus la grammaire aux gosses, dans une merdocratie laïque et n’importe quoi. On rimbaldise, ah ah ! Je est un autre, ah ah ! Dieu suis un Je, quoi ! Tout s’explique ! C’est formidable, en fait, tu as raison. Je fais de la théologie sans le savoir. Je suis Monsieur Jourdain. Une phrase en français et vous croyez en Dieu… Pire, vous voilà théologien ! Et comme selon le révérend père Lacan, il n’y a d’athée que les théologiens… Il vaut bien mieux qu’on ne trouve plus ni athées théologiens, ni grammairiens qui font vivre le Seigneur, ni langue française pour écoliers citoyens, langue qu’on a qu’à déconstruire, détruire et truire…

    Je suis hors sujet.

    Complètement hors sujet.

    Evidemment. Je sais.

    Mais bon.

    Elle est vaguement inquiète, ne sait plus comment s’en aller. Je vais l’aider.

    – Moi par exemple, en ce moment, je suis le sujet du verbe niquer. Alors, si tu avais un quart d’heure à me consacrer, ou même cinq minutes…

    Elle est partie en piaillant. D’autant que j’ai dit ça en glissant doucement, discrètement un doigt (l’index, tout de même) dans son décolleté…

    Ce que je peux être de mauvaise foi, tout de même.

    Tout cela n’est pas très élégant, j’en conviens.

    Pas de quoi être fier. Ça me fait rire quand même.

    Saloper sa réputation est un luxe, après tout.

    Cigarette.

  • Théâtre dans le théâtre

    Le théâtre n’est jamais si intéressant que lorsqu’il se méfie de lui-même ; que, pour être davantage précis, lorsque son écriture même est en lutte contre sa représentation, quoiqu’elle ne la veuille interdire. Le sommet du théâtre français est ce moment classique des grands dramaturges français : Corneille, Molière, Racine. Et Rotrou.

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    Oui, je sais. Sans doute paraît-il considérablement abruti, en ce début de XXI° siècle, de prétendre aimer et défendre le théâtre et de refuser, comme dans le même mouvement, de faire cas des spectacles – ou du moins, de refuser intellectuellement leur primauté quand leur domination semble tellement assurée.

    Mais je prétends également trouver là position saine et solide, fondée en somme, ne cédant pas aux modes diverses de l’époque – lesquelles, avec une forfanterie de plouc ignare, se prétendent elles-mêmes iconoclastes quand elles ne cherchent pourtant rien d’autre, par des images, qu’à nous rendre idolâtres –, et ne voulant rien moins que défaire, fût-ce par l’échec…, l’espèce de journalisme universel par quoi, avec quoi et en quoi se dissout l’Occident.

    Cette position pourtant n’est pas neuve. René Girard, dans l’impressionnant essai Shakespeare, les feux de l’envie, la résumait ainsi : « Les grands auteurs dramatiques, y compris Molière et Racine, ont plus d’affinités pour les ennemis du théâtre que pour ses défenseurs. Leur génie implacable rejette les platitudes de l’idolâtrie culturelle. Le très grand théâtre n’a jamais fleuri que dans les périodes où il provoquait méfiance et ostracisme. »

    Mais rien n’exprime cela, au fond, comme le Saint Genest de Rotrou.

     

    Les expériences du théâtre dans le théâtre sont nombreuses : on en trouve maints impressionnants exemples chez Shakespeare – d’Hamlet au Songe d’une nuit d’été –, Rostand, Tchekhov ou Pirandello, etc., mais toujours ou presque, elles sont épisodes. Chez Rotrou seul, le théâtre dans le théâtre est la pièce entière ; chez Rotrou seul, on pousse la logique aussi loin, jusqu’à son complet retournement, au point que la réalité même, finalement, semble sortir du théâtre… ; chez Rotrou seul le Verbe a cette puissance avouée (nonobstant les faiblesses mêmes de l’écriture) mais éminemment paradoxale.

     

    Pour fêter les noces de Valérie, fille de l’empereur Dioclétien, et de Maximin, jeune pâtre élevé en récompense de ses exploits guerriers à la haute dignité de co-empereur, les concernés font donner un spectacle représentant la mise à mort du chrétien Adrien par Maximin lui-même. Le plus formidable comédien de l’époque, un nommé Genet, doit tenir le rôle d’Adrien.

    Tel est, grossièrement résumé, le premier acte de ce Véritable Saint Genest, comédien païen et martyre, que l’on tient souvent, étant pure invention de Rotrou, pour inintéressant. Ce qu’il n’est pas.

    Dans le second acte, le théâtre – spectateurs inclus – se met en place : on voit Genest disputer avec son décorateur, puis répéter son rôle – interrompu toutefois par une voix, lorsque le ciel (celui du décor ?) s’ouvre avec des flammes : « Poursuis, Genest, ton personnage ; / Tu n’imiteras point en vain ; / Ton salut ne dépend que d’un peu de courage. / Et Dieu t’y prêtera la main. » –, la représentation commencer…

    Dans le troisième acte, alors que Maximin spectateur est doublé d’un Maximin de théâtre joué par le comédien Octave, on voit Adrien joué par Genest affronter ce dernier, Nathalie découvrir à son Adrien de mari, comme saint Paul ancien persécuteur récemment converti, qu’elle aussi, en secret et depuis la naissance, est chrétienne…

    Dans le quatrième acte enfin, Genet investi des paroles d’Adrien sort de son rôle, au grand trouble de ses comédiens, et commence de parler en son nom et d’avouer publiquement que lui aussi devient chrétien… Mais personne ne comprend. Le désordre dans la pièce d’Adrien est à son comble, quand Dioclétien l’interrompt :

     

    DIOCLETIEN. – Votre désordre enfin force ma patience :

    Songez-vous que ce jeu se passe en ma présence ?

    Et puis-je rien comprendre au trouble où je vous vois ?

    GENEST. – Excusez-les, Seigneur, la faute en est à moi ;

    Mais mon salut dépend de cet illustre crime :

    Ce n’est plus Adrien, c’est Genest qui s’exprime ;

    Ce n’est plus un jeu, mais une vérité

    Où par mon action je suis représenté,

    Où moi-même, l’objet et l’acteur de moi-même,

    Purgé de mes forfaits par l’eau du saint baptême,

    Qu’une céleste main m’a daigné conférer,

    Je professe une loi que je dois déclarer.

     

    Au cinquième acte, on retrouve Genest enchaîné, la comédienne Marcelle tentant vainement de le ramener à la raison (notons ici qu’à la différence de la femme d’Adrien, Marcelle ne songe nullement à suivre Genest mais, plus réalistement, poursuit d’obscures perspectives de carrière), et les noces de Valérie et Maximin achevées les comédiens suppliant Dioclétien d’épargner Genest ; mais l’empereur est inflexible et Genest meurt dans les tortures ; quant au mot de la fin, il revient à Maximin s’adressant à son épousée :

     

    Ne plaignez point, Madame, un malheur volontaire,

    Puisqu’il l’a pu franchir et s’être salutaire,

    Et qu’il a bien voulu par son impiété,

    D’une feinte en mourant faire une vérité.

  • Mettre les voiles, Alina

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    On n’a pas si souvent l’occasion de rigoler, comme dit l’autre. D’autant que l’humour s’effondre avec le reste, principalement avec la langue française. Mais quand même. Il reste les catholiques. Enfin, certains catholiques. Lesquels, d’ailleurs, n’ont plus grand-chose de catholique. Ce sont ce que j'appelle des catatholiques. Alina Reyes, par exemple. Elle ne brille pas par son humour, la pauvre, et c’est précisément cela qui est drôle. Elle ne brille pas davantage par l’orthodoxie de son catholicisme, et en définitive, elle ne brille pas du tout, ce qui confine à l’hilarant. Si donc vous avez l’envie de rigoler, parce que, comme dit l’autre, on n’en a pas si souvent l’occasion, allez donc faire un tour sur le blog de cette légère Alina, les illuminations fusent de toutes parts, un vrai régal. Par illuminations, je veux juste dire que la dame, en fait de mystique à deux sous, est tout simplement, et comme dit ce même autre, bien allumée. Il y a son article intitulé « Je suis la foi », qui est une vraie merveille d’aberration imbécile (et, dans sa façon de gentiment balayer le Credo, d’hérésie ? – ce qui ne gênera personne) ; et surtout sa défense d’un quarteron de catholiques bien-pensants ayant adressé à Benoît XVI, depuis le charmant site Oumma.com cher à Tariq Ramadan et aux Frères musulmans, une critique bécassement neuneu pour avoir osé baptiser (alors qu’il n’est que Pape), à Pâques, un homme né musulman et qui, semble-t-il, ne goûte guère sa religion maternelle (oui, comme on dit : langue maternelle) – sans doute parce qu’il la connaît mal, lui… Ces braves gens semblent en effet dire au Saint Père, je traduis : « – Merde alors, Très Saint Père ! A quoi ça sert qu’on se beurre la raie à tours de bras, nous autres catatholiques de l’Oumma, si c’est pour que ce soit vous qui convertissiez des musulmans, et non point eux qui nous pénètrent, et soumettent, et remettent… » Un pur moment de bonheur. De bonheur catatholique. Mais si.

    Il m’était arrivé, il y a quelque temps, d’appeler – oh, par jeu… – Alina Reyes Alina Rayée. Je pense qu’Alina Voilée serait aujourd’hui bienvenu. J’ai également émis l’idée (que j’ai alors placée dans la bouche du brave Mickey Grenelle) d’une symétrie possible entre l’exhibition des chairs où l’Occident en touriste se complaît et prélasse, et l’intégralité de la disparition du corps féminin derrière des linges atroces que revendique avec une suffisante légitimité quelques allumés de l’islam intégral. – Alors que faire, Alina ? Ouvrir une boucherie catatholique-hallal au cœur des Pyrénées ?

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    J’espère que Yannick Haenul, s’il a vraiment plagié Alina Voilée, va perdre son procès (si procès il y a) : parce que c’est illégal, et parce que c’est stupide ; et aussi parce que, ce faisant, il a prouvé son peu de goût.

  • Malraux est grand et BHL n'est pas sur la photo

    En réponse à une internaute, suite à mon billet sur ce brave BHL :

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    Chère madame,

    Vous me dites que j’exagère. Sans doute.

    Mais c’est BHL, et non pas moi, qui, au moment de dire que la laïcité n’est pas une religion, trouve judicieux d’intituler son article : Les dix commandements de la laïcité.

    A titre d’exercice, prenez les Dix Commandements de la Bible, notez-les, puis rayez ceux qui déjà n’ont plus du tout cours, ou ont tellement d’exceptions qu’ils sont sur la voie de la pure et simple caducité.

    L’idée me vient d’ailleurs en vous répondant que peut-être la République ne veut pas autre chose – l’ignorerait-elle (et certes il ne faut pas compter sur des vendus à la BHL pour chasser les temples du marché, sans parler même de l’inverse…) – que la fabrication d’un grand marché global (à l’américaine) où toutes les soi-disant religions, ramenées toutes à leur plus petit dénominateur commun et toutes égales entre elles, sinon pas identiques, formeraient ensemble, et sous couvert de laïcité donc, un nouveau polythéisme – athéisme et agnosticisme inclus – s’hybridant sans cesse, dont les piliers seraient les anciens monothéismes relativisés et, comme je le disais hier, « démilitarisés ». Les fidèles, plutôt attachés à telle divinité, pourraient de temps en temps, selon les occurrences, dont certaines seront bien vite festivement et œcuméniquement conseillées, voire imposées, faire appel (ou rendre grâce ou ce que vous voulez) à telle autre n’appartenant pourtant pas à leur confession d’origine.

    Un nouveau paganisme, en somme.

    Lequel se trouve être, selon moi, le fantasme originel de la prétendue laïcité. La République nous revient tout droit de la Rome païenne, et la démocratie de la Grèce polythéiste (dont je ne nie bien évidemment pas les apports immenses par ailleurs). Il s’était agi, en somme, et ce mouvement avait innocemment débuté à la Renaissance, de revenir avant le christianisme…

    Fantasme qui, au vu de notre époque merveilleuse, est devenu déjà son utopie, puis son idéologie, et dont la réalisation désastreuse semble en cours.

    Le retour en somme de Fabre d’Eglantine et de son calendrier révolutionnaire débile, version XXI° siècle.

    Et certainement aussi, de la Terreur.

    Car bien sûr rien de tout cela ne tiendra.

    Toute considération partisane à part, la République est bien trop faible pour tenir dans la réalité son fantasme.

    1606362721.jpgOui, Malraux avait raison, qu’il ait effectivement dit cette phrase ou non : « Le XXI° siècle sera religieux ou ne sera pas ». Mais je suis tenté d’entendre religieux ici au sens de René Girard, pour qui le christianisme justement est une sortie de la religion, c’est-à-dire au sens du religieux archaïque et de la violence mimétique, de la montée aux extrêmes et de la réconciliation de ces extrêmes sur un bouc émissaire ; religieux au sens de ce qui, paradoxalement, niant la Révélation déclenche l’Apocalypse.

    Religieux au sens de pas chrétien. Au sens : d’échec de la Paix.

    Le XXI° siècle (après Qui ?), en somme, est religieux et il ne sera pas.

     

    Cordialement, etc.