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jésus-christ

  • A Léon Bloy

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    SAINT GRAAL

     

    Parfois je sens, mourant des temps où nous vivons

    Mon immense douleur s’enivrer d’espérance.

    En vain l’heure honteuse ouvre des trous profonds,

    En vain bâillent sous nous les désastres sans fonds

    Pour engloutir l’abus de notre âpre souffrance,

    Le sang de Jésus-Christ ruisselle sur la France.

     

    Le précieux Sang coule à flots de ses autels

    Non encor renversés, et coulerait encore

    Le fussent-ils, et quand nos malheurs seraient tels

    Que les plus forts, cédant à des effrois mortels,

    Eux-mêmes subiraient la loi qui déshonore,

    De l’ombre des cachots il jaillirait encore.

     

    Il coulerait encor des pierres des cachots,

    Descellerait l’horreur des ciments, doux et rouge

    Suintement, torrent patient d’oraisons,

    D’expiation forte et de bonnes raisons,

    Contre les lâchetés et les « feu sur qui bouge ! »

    Et toute guillotine et cette Gueuse rouge ! ...

     

    Torrent d’amour du Dieu d’amour et de douceur,

    Fleuve rafraîchissant du feu qui désaltère,

    Fût-ce parmi l’horreur de ce monde moqueur,

    Source vive où s’en vient ressusciter le cœur

    Même de l’assassin, même de l’adultère,

    Salut de la patrie, ô sang qui désaltère !

     

     

     

     

    Poème de Paul Verlaine, tiré d’Amour.

     

    Dessin : Bloy par Vallotton.

  • Un conte de Noël : Zen U 20

     ... de chrétien zélé que j’avais été, j’étais devenu un esprit fort, c’est-à-dire un esprit faible. 

    Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Livre V, chapitre 15

     
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    Prologue

     

    L’histoire idiote que je vais vous raconter n’est pas vraie. J’en veux pour preuve qu’elle se passe dans le futur. Dans les années 2052 après Jésus-Christ, environ.

    Personnellement, je l’ai écrite cette semaine, dans un bar, en fumant de criminelles et « pornographiques » cigarettes…

    Mais peu importe. Puisque selon Boileau, le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable, reste à espérer que le vraisemblable, à son tour, ne devienne pas vrai.

    Je n’aime pas beaucoup la science-fiction, mais pour compenser : j’aime bien me foutre de la gueule du monde.

     

     

    Chapitre 1

     

    Je m’appelle François Dupin. Je n’ai jamais rien aimé de ce qui dure. J’ai toujours été contre les traditions abjectes. Toute ma vie, j’ai dégueulé mes pères. Je n’ai jamais cru à rien. Mais ce n’est pas cela que je voulais vous dire…

    Je m’appelle François Dupin. Je suis vieux. Je vais mourir. Ici, dans cette vieille ville de Lyon. En l’an 1430 de l’Hégire.

    Je m’appelle François Dupin. A moins que je ne sois déjà mort. A tout le moins, rêve ou réalité, je me vois mourir. Je suis sur ce lit électrique, à l’hôpital, métissage de crasse et d’hygiène où la mort sent le propre chimique et la vie, je ne sais pourquoi, la merde… et quoiqu’il n’y ait personne à mon chevet, je parle à la petite caméra fixée au montant métallique qui me fait face. C’est à cette minuscule saloperie technologique reticulée au monde entier, ou à ce qui désormais en tient lieu, que je lance d’une voix faible mes dernières et vaines phrases.

    Elles ne sont pas, d’ailleurs, celles que j’aurais souhaitées :  

    – Alors ils remplacèrent le mot Bible, qui signifiait Livre, par le mot Média, qui signifie Moyen.

    Et il y eut partout des médiathèques.

    Et il n’y eut plus nulle part des bibliothèques

    Puis vous vîntes.

     

     

    Chapitre 2

     

    Et il mourut, « vieux et pourri », ainsi que le dit, en français, pour s’amuser, Naïma, sa petite fille.

    Et voilà.

     

    (– Et alors ?

    – Alors, ses petits enfants n’avaient rien compris à ses dernières paroles. Il faut dire à leur décharge, que le son de la communication, on ne sait pourquoi, n’était pas terrible.

    – Oui ?...

    – Et il faut dire encore que le « vieux et pourri » avait parlé en français, et que ses petits-enfants (enfin, les quelques-uns d’entre eux qui avait assisté en ligne à sa mort) ne parlaient pas patois. Ils s’étonnaient tout de même que la dernière phrase – trois mots – leur demeurât incompréhensible à ce point.

    – Attends… Il a combien de petits enfants, le « vieux tout pourri » ?...

    – Mettons quatre. Ou quinze. Ou vingt-trois. Peu importe. Dont deux seulement assistent à sa mort en ligne.)

     

    Naïma, toutefois, accorda quelques minutes de son temps précieux à cette « chose », qu’elle réfléchissait dans sa langue maternelle, métissage citoyen de mauvais arabe dialectal et de français de collège du vieux temps (« Mon granpér é 1 vieucon mai mintnan il é crévé inchallah », écrivit-elle en s’appliquant dans son journal intime électronique). Puis elle mit en veille l’ordinateur, enveloppa soigneusement sa chevelure dorée dans un hijab Gucci fort seyant et se rendit à son cours de philosophie politique à la TRU (Tariq Ramadan University), dans l’Est de Lyon.

    Son cousin Nasser, à cent cinquante kilomètres de là, traduisit dans son globish natal l’ultime et incompréhensible phrase de son grand-père (elle lui semblait, du seul fait de ses qualités sonores, pouvoir faire l’objet d’un refrain dans une des chansons qu’il écrivait pour son « groupe » - il était seul dans son groupe et travaillait les divers instruments sur son ordinateur. Comme il était artiste, il entretenait divers engagements politiques, militait notamment dans une association qui lui avait passé commande d’une chanson : le MSDVRTSQOLDDFPD ou Mouvmen Sitoyen pour la Dépennalization des Viol en Réunions ou Tournante Si Quyz Ont Lieu Dans Des Filles Pas Déscente).

    « Zen U 20. »

     

    (– Ce qui veut dire ?

    – Eh bien, mais c’est sa traduction :

    Zen You Twenty.

    Then You Twenty.

    Puis vous vîntes.)

     

  • Prière pour mon lecteur, par saint Irénée de Lyon


    Je m’adresse à Toi, Seigneur,

     

    Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac,

    Dieu de Jacob et d’Israël,

    Toi le Père de notre Seigneur Jésus-Christ.

     

    Dieu qui dans la surabondance de ta miséricorde,

    T’es complu en nous, pour que nous te connaissions ;

     

    Toi qui as fait le ciel et la terre,

    Toi qui domine toute chose,

    qui es le seul et vrai Dieu,

    au-dessus de qui il n’est pas d’autre Dieu ;

     

    Toi qui, par notre Seigneur Jésus-Christ,

    donne aussi la force de l’Esprit Saint ;

     

    Donne à tous ceux qui liront cet écrit

    de reconnaître que tu es le seul Dieu,

    d’être fortifiés en Toi

    et de se garder de toute doctrine hérétique,

    athée et impie.

     

    (Sources : Irénée de Lyon, Contre les hérésies III, 6, 4. Texte trouvé sur le beau site Patristique.org.)