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christianisme - Page 9

  • De l'invertissement (ébauche)

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    Ah ! Ah ! Je vais parler contre le suicide. La poésie contemporaine – cet adjectif est disqualificatif, je le rappelle – est devenue une Province de la Technique. On en est arrivé là lentement, de catastrophe en catastrophe, de romantisme triomphant en romantisme honteux. D’extases atroces, mais satisfaites, en atrocités industriées, jugées satisfaisantes dans la réalité – à preuve qu’on les poursuit, reniant chaque fois les précédentes, sur des échelles jamais vues, à des cadences infernales. Le Progrès. Jusqu’à l’humiliation définitive du poète – et peu me chaut qu’on juge immoral qu’après de telles évocations de meurtres de masse je ramène à ma phrase le seul petit poète, innocent amateur dans un monde de victimes toujours plus bankables –, humiliation consentie, quémandée, revendiquée. L’humiliation, hein, pas l’humilité – bien au contraire. Une espèce d’humiliation volontaire, selon le mode inverti qui occupe désormais le monde, dont grassement, avec des vulgarités de maquerelles, nous nous faisons titres de gloire – bons au porteur. Un néologisme pour caractériser cette accumulation-là : Invertissement. (– Tu fais quoi, en ce moment ? – J’invertis, tout bonnement. – Ah, et ça rapporte ?) Les poètes usinent précieusement de petites choses techniques, insensées, démolissent au glaviot la syntaxe. Le fait est qu’ils font des miniatures, point d’épopées ; mais des miniatures de quoi, je voudrais bien le savoir. On ne reconnaît rien, jamais. Il faut deviner ! Et lire encore n’importe quoi, en bons devins, dans les entrailles fétides de la modernité. Je suis sans doute bouché, je n’augure rien, et surtout rien de bon dans les cadavres… Ces poètes-là réputent donc leurs tristes messages encodés, encodés de ce pauvre code qu’ils seraient en définitive eux-mêmes, ces infatués du néant, et qui ne se communique pas. (– Qu’as-tu fait de ton Talent ? –  Eh bien, vois comme je suis vertueux, mais je lui ai chié dessus tout le long de la vie ! pour le protéger hein, et mes lecteurs éventuels se doivent d’être avant tout fouille-merde…) Ils ravagent le champ même de la langue, au nom que chacun fait la sienne ; et tous en font finalement une seule, et qui comme telle n’est pas. (Et je vous interdis ici de songer même à la Babel de la Bible ; les fameux Dalton de Lucky Luke, creusant pour s’évader de la même cellule du même pénitencier chacun leur propre trou exactement identique, et identique car différent, est une image bien plus juste.) C’est leur propre écrabouillis chaque fois qu’ils écrasent sur la page. Ils sont passés dessous la parole, sont retournés aux animaux en se prenant pour de petits dieux lares, et ça ne suffira pas, techniquement, de foutre à homme une majuscule de pure forme. Oh, ce n’est pas simplement un échec ou une impasse, moins encore quoi que ce soit qu’on puisse banaliser et ramener à tel ou tel particulier, et pas davantage ce n’est une aporie, non, c’est une extermination qui voue chaque langue à sa disparition paradoxale, ensevelie sous des mégatonnes de discours secondaires. Il faut désormais des tombereaux de citations ineptes, généralement de philosophes ou assimilés, ces favorites tarifées du tyran, lesquelles élèvent avec une candeur trafiquée de pervers sexuel leur athéisme au rang d’acquis social, pour défendre dans le vide de petits monceaux de syllabes qui font regretter de ne pas s’être plongé plutôt dans un magazine féminin, par exemple, ou dans un merveilleux roman – contemporain lui aussi. Les poètes dont je parle ce soir sont de droit, et tels sont aussi bien n’importe qui, et j’appelle donc ici poète exactement n’importe qui – l’invertissement toujours –, non qu’il se soit agi jadis de naissance mais bien plutôt d’une élévation et finalement d’une noblesse, en aucun cas d’un droit ; et voilà bien ce qui effraie ma chronique. Ils sont n’importe qui, dis-je, et l’époque recrute large, arguant d’une clause égalitaire qui justifie les abrutis, n’admettant de les discriminer que pour les propulser à d’inenvisageables sommets (mais que sont-ils vraiment, ces sommets de l’invertissement ?). Ils sont n’importe qui, ils parlent n’importe comment pour dire n’importe quoi, et ils s’en contrefoutent eux-mêmes, pourvu que ça serve, que ça invertisse et donc rapporte. Oui, je parle aussi, dans ce toujours même paragraphe, de l’argent, mais pas seulement ; je parle de son mode de collusion avec cette espèce de post-nazisme qui ne menace guère de submerger les basses terres de notre époque, parce qu’elles sont déjà intégralement noyées sous lui. Et je vais pour finir vous dire ce qu’ils font, ces poètes qui n’en sont aucunement, faute d’œuvre, eh bien c’est pourtant simple, comme ils peuvent, avec leurs pauvres moyens d’impuissants et leur nombre de plus en plus élevé, ils ne font rien moins que désincarner le Verbe (y parviennent-ils vraiment ?). Et le plus affligeant, et le plus amusant aussi, c’est qu’ils ne me contrediront pas. Ils sourient, même, flattés sans doute de cette reconnaissance. Et moi aussi, je souris – en me posant cette navrante question : qui ai-je donc imité ?

    Je crois que maintenant, vous devriez lire ce texte.

  • Lettre au Cardinal Fornari, par Juan Donoso Cortès

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    513745771.jpgCe petit livre est tellement passionnant, instructif, et visionnaire, qu’il serait tentant de le citer tout entier… On se le procurera donc aux éditions L’Age d’Homme, collection Le bruit du Temps, s’il n’est pas épuisé. L’Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, seule autre œuvre publiée en français du penseur espagnol peut être trouvé aux confidentielles éditions Dominique Martin Morin. Juan Donoso Cortès est né en 1809 à Valle de la Serena et mort en 1853 à Paris. Sa lettre au Cardinal Fornari, est de 1852. Son propos est celui-ci : « Parmi les erreurs contemporaines, il n’en est aucune qui ne se ramène à une hérésie ; et parmi les hérésies contemporaines, aucune qui ne se ramène à une hérésie plus ancienne, de longtemps condamnée par l’Eglise. »

     

     

    Après avoir considéré les principales erreurs de ce temps, et démontré dûment que toutes tiraient leur origine de quelque erreur religieuse, j’estime non seulement opportun, mais aussi nécessaire de descendre à certaines applications qui montreront encore plus clairement la dépendance dans laquelle se trouvent toutes les erreurs politiques et sociales vis-à-vis des erreurs religieuses. Il me semble, par exemple, ne faire aucun doute que tout ce qui affecte le gouvernement de Dieu sur l’homme affecte de même et dans la même mesure les Gouvernements qui régissent les sociétés civiles. La première erreur religieuse de ces derniers temps a été le principe de l’indépendance et de la souveraineté de la raison humaine. A une telle erreur dans l’ordre religieux correspond dans l’ordre politique celle qui consiste à affirmer la souveraineté de l’intelligence ; de là que la souveraineté de l’intelligence soit devenue le fondement universel du Droit public dans les sociétés ébranlées par les premières révolutions. C’est d’où sont nées les Monarchies parlementaires, avec leur cens électoral, leur division des Pouvoirs, leur presse libre et leur tribune inviolable.

    La deuxième erreur concerne la volonté ; sur le plan religieux, elle consiste à affirmer que la volonté, étant droite par nature, n’a nul besoin pour incliner au bien de l’appel ni de l’impulsion de la grâce. A cette erreur dans l’ordre religieux correspond dans l’ordre politique celle qui consiste à affirmer que, puisque toute volonté est droite, on ne doit prétendre en diriger aucune, mais bien les laisser toutes diriger. C’est sur ce principe que se fonde le suffrage universel, de lui que tire son origine le système républicain.

    La troisième erreur a trait aux appétits ; sur le plan religieux, elle consiste à affirmer que, compte tenu de l’immaculée conception de l’homme, les appétits de ce dernier sont excellents. A cette erreur dans l’ordre religieux correspond celle qui consiste à affirmer que les Gouvernements, quels qu’ils soient, doivent être tous ordonnés à une seule fin : la satisfaction de toutes les concupiscences. C’est sur ce principe que reposent tous les systèmes socialistes et démagogiques qui se battent aujourd’hui pour la domination et qui un jour ou l’autre l’obtiendront, pour peu que les choses suivent la pente naturelle sur laquelle elles vont.

    Voilà comment la néfaste hérésie qui consiste, d’un côté, à nier le péché originel, et de l’autre, à nier que l’homme ait besoin d’une direction divine, conduit à affirmer en premier lieu, la souveraineté de l’intelligence, puis la souveraineté de la volonté, et, enfin, la souveraineté des passions ; soit trois souverainetés grosses, chacune, de désordre.

     

  • Il n'y a personne dans les tombes, de François Taillandier...

     

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    … est le troisième des cinq romans qui composent La grande Intrigue. Après Option Paradis et Telling, nous retrouvons les cousins Louise et Nicolas, leurs aïeux et descendants. Cet ensemble romanesque est une fresque morale, au sens où elle décrit en détail et sans jugement apriorique, l’immense changement dans les mœurs survenu en France, en un siècle. Récit au demeurant bien peu balzacien dans sa forme, tant la digression – alerte et fine – y tient lieu de fil conducteur, promenant son lecteur à travers les époques et les lieux, du XIX° siècle à l’Afrique, de la Province française qui va mourir à Paris, espace urbain hygiénisé plutôt que ville.

    Un monde meurt, on le voit, et la vie grouille, anarchique, sur son cadavre. L’autorité des règles anciennes a disparu. Elles éclairaient l’homme non moins qu’elles lui donnaient une ombre… Tout à présent est davantage libre et cru, comme de partout également éclairé, et l’homme a perdu son épaisseur et son mystère.

     

    Au centre de ce troisième volume, « mise en abyme » se trouve la préface à l’œuvre en cours, la préface à La grande Intrigue. Il y est essentiellement question des Evangiles, et d’un certain tombeau, demeuré vide. Il y est question de ce que c’est que le Christianisme, et de comment il autorise notre façon, ici, très simplement, de raconter.

    Au centre de ce troisième volume, au centre aussi, donc, des cinq volumes dont deux demeurent à paraître, il est question de la Résurrection.

    Et donc, de l’Espérance.

     

    Dans ce roman, tout est simple, léger, intelligent – et noir.

    Mais la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne la peuvent point comprendre.