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Fusées - Page 49

  • Un conte

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pas très loin de la mer, là où commence le désert, pas très loin de la mer, là où pourtant elle n’est plus visible, là où le désert déjà s’étend à perte de vue, et là pourtant où souffle encore une brise marine, là donc, à la tombée du jour, le vieil homme de retour posa soudain son arme, les quelques voyageurs épuisés qui le suivaient s’arrêtèrent, surpris sans doute par ce geste que rien ne semblait avoir préparé, le vieil homme posa son arme, il la laissa tomber mollement sans bruit dans le sable, ceux qui le suivaient ne dirent rien, trop surpris pour parler, surpris sans doute que le vieil homme, malgré dans l’air la proximité sensible de la mer, ne les y mène pas avant que la nuit soit descendue sur la terre, et avec elle le froid redoutable du désert, mais donc les voyageurs se turent, ils avaient grande reconnaissance à leur guide de les avoir menés jusqu’à la mer, presque jusqu’à la mer dont on sentait dans l’air la proximité, et le vieil homme dit : – Asseyez-vous, car je vais vous raconter une histoire. C’est une longue histoire et il ne faudra pas vous endormir tandis que je la raconterai, car celui qui s’endort pendant ce récit ne se réveillera jamais. Chacun s’assit donc, se promettant de ne pas sombrer, y veillant d’autant plus qu’ils étaient épuisés d’un long voyage, chacun s’assit et l’homme commença de raconter l’histoire, mais l’histoire était dans une langue que les voyageurs ne parlaient ni ne comprenaient, et l’histoire était longue et le vieil homme parlait doucement, la nuit et le froid ensemble étaient descendus et l’histoire était longue et les voyageurs l’un après l’autre tombèrent mollement et sans bruit dans le sable, tandis que des larmes roulaient sur les joues du vieil homme qui parlait. 

     

     

     

     

     

  • Position politique

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    Le misérable théâtre de notre époque ne s’aventure que rarement à représenter le pouvoir et les hommes qui l’exercent.

     

    Le théâtre est politique quand il représente le pouvoir ; pas quand il exprime les opinions personnelles de l’auteur.

    Sophocle a occupé de hautes fonctions politiques. Les historiens, partant de ses pièces, sont incapables de comprendre quelles étaient ses idées. Le fait est qu’écrivant du théâtre, il se situait au-dessus de celles-ci mêmes.

     

    Représenter le pouvoir tient en la description la plus active et impartiale possible des forces historiques en conflit – et par cette dernière expression je n’entends pas les dernières fadaises politiciennes ou sociétales – deux barbarismes – à la mode dans la bouillie journaliste.

    Cela seulement peut dire la hauteur ou la bassesse d’une époque, et conséquemment l’exalter ou lui nuire.

     

    Voilà bien pourquoi tout ce qui, dans la culture, n’est pas réellement théâtral reçoit aujourd’hui les plus vifs encouragements.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    (Voir aussi : Note de travail (2))

     

     

     

  • Adresse

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le spectacle pourrait commencer comme ça.

     

    L’acteur entre en scène, s’assoit au bord du plateau et dit gentiment au public :

     

    – Vous êtes venus écouter ce que je dis, mais ce n’est pas à vous vraiment que ce que je vous dis pourtant s’adresse ; ce que je vous dis est indifférent à qui vous êtes, individuellement ou collectivement – je ne vous connais pas et j’aurais dit à d’autres exactement la même chose ; et non plus ce n’est pas à moi que ce que je dis s’adresse. Ce que je dis, par ailleurs, n’est pas de moi. Alors quoi ?

     

     

     

     

     

     

  • Bien arrangé, mal arrangé

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    Vous ne voyez donc pas, me dit le type accoudé au comptoir, que nous en sommes revenus aux sacrifices humains ? Et je ne parle pas des guerres, hein ; non, je parle d’ici, maintenant, en France et en temps de paix. Enfin, en temps de rien.

    Il me sourit dans le miroir en trempant son croissant dans le café.

    – Ouais, dis-je par une espèce de lâcheté matinale, on manque peut-être un peu de recul. C’est facile, comment dire ? d’anthropologiser dans le sens qui nous arrange.

    – Parce que vous croyez vraiment que ça m’arrange.

    D’un autre côté, il a l’air arrangé, le gars. C’est un fou.

     

    Moi aussi, je peux faire de la poésie.

    Si je veux, quand je veux.

    Je fais qu’est-ce que je veux.

    Mais ça m’emmerde.

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