Pas très loin de la mer, là où commence le désert, pas très loin de la mer, là où pourtant elle n’est plus visible, là où le désert déjà s’étend à perte de vue, et là pourtant où souffle encore une brise marine, là donc, à la tombée du jour, le vieil homme de retour posa soudain son arme, les quelques voyageurs épuisés qui le suivaient s’arrêtèrent, surpris sans doute par ce geste que rien ne semblait avoir préparé, le vieil homme posa son arme, il la laissa tomber mollement sans bruit dans le sable, ceux qui le suivaient ne dirent rien, trop surpris pour parler, surpris sans doute que le vieil homme, malgré dans l’air la proximité sensible de la mer, ne les y mène pas avant que la nuit soit descendue sur la terre, et avec elle le froid redoutable du désert, mais donc les voyageurs se turent, ils avaient grande reconnaissance à leur guide de les avoir menés jusqu’à la mer, presque jusqu’à la mer dont on sentait dans l’air la proximité, et le vieil homme dit : – Asseyez-vous, car je vais vous raconter une histoire. C’est une longue histoire et il ne faudra pas vous endormir tandis que je la raconterai, car celui qui s’endort pendant ce récit ne se réveillera jamais. Chacun s’assit donc, se promettant de ne pas sombrer, y veillant d’autant plus qu’ils étaient épuisés d’un long voyage, chacun s’assit et l’homme commença de raconter l’histoire, mais l’histoire était dans une langue que les voyageurs ne parlaient ni ne comprenaient, et l’histoire était longue et le vieil homme parlait doucement, la nuit et le froid ensemble étaient descendus et l’histoire était longue et les voyageurs l’un après l’autre tombèrent mollement et sans bruit dans le sable, tandis que des larmes roulaient sur les joues du vieil homme qui parlait.