Pas très loin de la mer, là où commence le désert, pas très loin de la mer, là où pourtant elle n’est plus visible, là où le désert déjà s’étend à perte de vue, et là pourtant où souffle encore une brise marine, là donc, à la tombée du jour, le vieil homme de retour posa soudain son arme, les quelques voyageurs épuisés qui le suivaient s’arrêtèrent, surpris sans doute par ce geste que rien ne semblait avoir préparé, le vieil homme posa son arme, il la laissa tomber mollement sans bruit dans le sable, ceux qui le suivaient ne dirent rien, trop surpris pour parler, surpris sans doute que le vieil homme, malgré dans l’air la proximité sensible de la mer, ne les y mène pas avant que la nuit soit descendue sur la terre, et avec elle le froid redoutable du désert, mais donc les voyageurs se turent, ils avaient grande reconnaissance à leur guide de les avoir menés jusqu’à la mer, presque jusqu’à la mer dont on sentait dans l’air la proximité, et le vieil homme dit : – Asseyez-vous, car je vais vous raconter une histoire. C’est une longue histoire et il ne faudra pas vous endormir tandis que je la raconterai, car celui qui s’endort pendant ce récit ne se réveillera jamais. Chacun s’assit donc, se promettant de ne pas sombrer, y veillant d’autant plus qu’ils étaient épuisés d’un long voyage, chacun s’assit et l’homme commença de raconter l’histoire, mais l’histoire était dans une langue que les voyageurs ne parlaient ni ne comprenaient, et l’histoire était longue et le vieil homme parlait doucement, la nuit et le froid ensemble étaient descendus et l’histoire était longue et les voyageurs l’un après l’autre tombèrent mollement et sans bruit dans le sable, tandis que des larmes roulaient sur les joues du vieil homme qui parlait.
Commentaires
Un jour, un colporteur arriva dans un village.
Il devint l’ami de tout le monde parce qu’il savait raconter mille et une histoires.
Une nuit un orage éclata, et dura des jours et des jours et alors le colporteur raconta
que c’était la fin du monde,
la fin du monde.
Mais le soleil revint enfin et les habitants du village chassèrent le colporteur.
Ce colporteur, c’était qui...???
Tiens c'est vrai ce que dit Sophie: c'est très beau Pascal...
Et comme vous le disiez je ne sais qu'en penser, ce qui ne gâte rien.
Bon Dimanche.
@ Joseph V. : Tiens, vous ici (dans les commentaires, veux-je dire). Le devin, dans Astérix ?
@ Tang : C'est un court texte de 2004. Vous me l'avez rappelé, finalement... Content que vous y réagissiez.
Je ne saisis que maintenant l'incongruité de la situation : Joseph Vronsky n'existant que sous votre plume si bien trempée dans le flacon de la lucidité, et bien qu'est-ce-qu'il fout là... Passons.
Avant sa conspuation de ce petit village, le colporteur ajouta :
Le plus éphémère des instants possède un illustre passé mais pourtant : il me faut une journée pour faire l’histoire d’une seconde. Il me faut une année pour faire l’histoire d’une minute. Il me faut une vie pour faire l’histoire d’une heure. Il me faut une éternité pour faire l’histoire d’une heure.
Bref. On peut tout faire, excepté l’histoire de ce qu’on fait.
lu, imprimé, scotché à mon bureau !
vraiment très beau merci
Ce colporteur, c'était l'Espoir.
Il a baissé les bras.
@ Joseph : Attendez, attendez, il a baissé les bras ou on l'a chassé? Ce n'est pas la même chose, tout de même?
@ Pascal: C'est Sophie qui me fit venir ce jour là... Et de fait j'ai trouvé cela beau et à la fois j'étais incertain comme j'aime à l'être en lisant un texte...
Ah tiens oui la fin du texte ici... C'est donc suite à ce petit texte sur la feuille qui tombe? Tenez, la vieillesse depuis un moment me touche au delà de bien des choses, au delà peut-être de la beauté de certaines femmes... J'espère bientôt vous envoyer un texte un peu long (mais pas trop) là dessus, mais j'aimerai d'abord finir de le reprendre (j'ai promis de même à certaine charmante confarfe, d'autres il est vrai ont reçu l'objet du délit malgré ses imperfections)