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Fusées - Page 46

  • En passant... géopolitique à la con

    – Quel est le premier travail d’un auteur dramatique, aujourd’hui ?

    – Si l’on ne considère pas que le premier travail aujourd’hui consiste à soigner son réseau, ce qui est aussi imbécile que courant, et conséquemment de se rendre à telle globalisation réticulée qu’il sera de bon ton par ailleurs de faire semblant d’attaquer afin de fourguer à icelle sa camelote, le premier travail d’un auteur dramatique, comme toujours, est de défendre, et partant : de comprendre, si possible au sens étymologique, les plus grands parmi ceux qui l’ont précédé, c’est-à-dire, pour le Français que je suis, les dramaturges du dix-septième siècle français, lesquels quant à leurs sources littéraires renvoient directement aux Grecs et à la Bible pour les tragédies, à Aristophane, Plaute et Terence pour les comédies, quant à leurs sources politiques aux conditions ayant permis l’émergence de l’Etat moderne, celui-là même, démocratie ou pas, qui agonise sous nos yeux. Le second travail, pour anticiper sur une autre question, consiste à repérer, dans d’autres histoires nationales, le sommet théâtral, s’il est, et à tenter également de le comprendre : il y a donc le bref moment grec et le fatras latin duquel émerge en surplus des comiques susmentionnés seulement Sénèque, puis après un grand vide restant à comprendre vraiment, les mystères médiévaux à compter du XII° siècle, le Siècle d’or espagnol, le théâtre élisabéthain – Shakespeare avant son règne planétaire ! – et le dix-neuvième allemand… Pas tant de livres, somme toute. Le cas du XX° siècle est plus épineux, pas seulement parce qu’il est proche : il apparaît déjà très éclaté, s’arrachant des terreaux nationaux pour accéder, de Tchekhov à aujourd’hui (notez le vague), à un mode de rivalité internationale qui va de plus en plus faire fi des singularités poétiques ; c’est aussi, plus clairement, le moment historique de la disparition à vue du poème dramatique chrétien, Pasolini et Genet inclus par exemple, et partant, l’histoire du théâtre européen étant ce qu’elle est, le moment de la disparition du théâtre lui-même (Claudel en ce sens étant l’ultime miracle français) au profit de formes spectaculaires intrinsèquement nihilistes et ne désirant plus que pour elle-même leur folle montée aux extrêmes, au moins pour les pays qu’une telle référence chrétienne indispose fortement, ce qui exclut certainement la Russie et peut-être, mais je suis circonspect, l’idée religieuse n’y étant plus guère qu’une formalité obligée, comme un label apposable sur tout et n’importe quoi, les Etats-Unis… De ce point de vue, le théâtre du XX° siècle – et le XX° siècle avec lui – finit dans les années 1960 et toutes les tentatives depuis, aussi nombreuses soient-elles, sont autant d’échecs à le réanimer, échecs dûs sans doute à la volonté d’inversion généralisée cherchant à utiliser une forme à autre chose que ce pour quoi elle est faite ; d’où vient que l’historiographie « officielle » du théâtre, depuis, ne peut plus guère aligner qu’une légion assez insignifiante de noms de metteurs en scène…

  • Sourire

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il se peut bien, comme d’excellents auteurs déjà l’ont dit, que l’écriture d’une tragédie, pour différentes raisons, dont quelques-unes tiennent à la haute politique – nulle part on ne trouve de souverain, qu’il soit homme ou dieu, réel et commun à représenter avec quelque respect – et les autres à la basse – l’accoutumance que nous avons à des spectacles faibles, préférant tous l’émotion à la raison –, ne soit plus possible aujourd’hui ; mais personne ne veut vraiment entendre ce corollaire, à savoir qu’en l’absence d’un référent également solide à moquer, la comédie non plus, sauf à se tromper d’objet comme on voit à toute heure, n’est pas possible… Pour autant,  il serait évidemment odieux de se rendre, je dis bien : se rendre, à la bouillie ordinaire.

     

    Si les choses ne se peuvent plus d’elles-mêmes soutenir, sans doute les faut-il soutenir de la chose opposée ; ainsi soutenir un commencement tragique d’un filigrane comique permet peut-être, en retournant la pièce, et avec l’avantage de n’en rompre aucunement l’unité, de finir une comédie en dansant sur les cadavres ; de sorte que tout le monde se réconcilie, avec une innocence de pervers, sur un tas de cadavres devenu nécessaire.

     

    Je ne veux point de rires ou larmes sains, mais de hideux sourires sur nos faces de poupons.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Voir aussi : Travails (2) et plus généralement, colonne de droite, la section Notes de travail