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Bien arrangé, mal arrangé

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Vous ne voyez donc pas, me dit le type accoudé au comptoir, que nous en sommes revenus aux sacrifices humains ? Et je ne parle pas des guerres, hein ; non, je parle d’ici, maintenant, en France et en temps de paix. Enfin, en temps de rien.

Il me sourit dans le miroir en trempant son croissant dans le café.

– Ouais, dis-je par une espèce de lâcheté matinale, on manque peut-être un peu de recul. C’est facile, comment dire ? d’anthropologiser dans le sens qui nous arrange.

– Parce que vous croyez vraiment que ça m’arrange.

D’un autre côté, il a l’air arrangé, le gars. C’est un fou.

 

Moi aussi, je peux faire de la poésie.

Si je veux, quand je veux.

Je fais qu’est-ce que je veux.

Mais ça m’emmerde.

 

Le ciel est blanc, la température à zéro. C’est assez beau. Tout est dans les gris, nuances difficilement soupçonnables.

Je me dis que les meurtriers sont en train de devenir des idoles.

Nos idoles.

Le vieux Malraux notait, je ne sais plus où dans son Miroir des Limbes, que le port du deuil disparaissait, mais qu’un jour sans meurtre à la télévision serait comme un jour sans pain.

 

A l’autre bout de la ville, presque déjà la campagne, une demi-heure après, j’entre dans un café très ancien et très pauvre, un peu sale, éclairé au néon et, ce qui contraste assez, bardé des affiches publicitaires bariolées que fourguent les fournisseurs. Au comptoir, quatre hommes obèses ; de l’autre côté, un patron obèse. Je m’installe en salle, j’ai rendez-vous, je commande un café.

Pourquoi m’a-t-elle donné rendez-vous ici ?

Parce que les choses y ont davantage de consistance. Je ne sais.

Elle est arrivée. On discute de tout et de rien.

– Tu t’es déjà intéressé aux sacrifices humains ? dit-elle.

Tiens donc. Je la regarde replacer sa longue mèche blonde.

– Je ne me suis jamais intéressé à autre chose, je crois.

 

Ah Dieu !  que la guerre est jolie

Avec ses chants ses longs loisirs

 

Disait Guillaume Apollinaire.

On lui en a voulu (les chéris).

Vous n’aimez pas les chants, les longs loisirs.

 

Nous roulons à présent vers la ville de L***.

Elle dit :

– J’ai lu ton texte.

– Lequel ?

– Celui qui dit qu’il n’y a pas de société sans religion.

– Et ?

– Tu dis très bien quelles ne sont pas nos religions…

– Tu veux savoir quelque chose, Iphigénie ?

Silence.

– Non. Finalement, non…

 

Je me souviens de R***, très concentré, jouant Mozart son flingue posé sur le piano.

Il est mort peu après. Le con.

(Ceci est une anecdote amusante.)

 

Ce monde tombe tout seul.

La logique de l’ignorance se déploie. Si les enfants refusent d’apprendre, on interdira les questions.

Votez Mickey Grenelle. Pour la disparition de l’Histoire. Et de la culture générale. Et de la France, ce pauvre vieux pays exténué.

– Qu’est-ce que vous voulez que ça lui dise, de nos jours maintenant, quinze cent quinze à un bachelor ? Peut-être que c’est un score de tennis ? Et d’abord, qu’est-ce qu’il en a à foutre de l’aéroport de Marignane, d’abord ? Bon alors, moi je dis, faut me supprimer tout ça. Ça ne sert à rien dans le rendement, donc c’est de la torture mentale. Surtout que le gars après, il affranchit des timbres et point-barre, même que s’il les met à l’envers c’est pas grave.

Personne, à ma connaissance, n’a remarqué que le français de Mickey Grenelle rappelle de plus en plus celui de Georges Marchais…

 

– Vous ne voyez donc pas, me dit le type accoudé au comptoir, que nous en sommes revenus aux sacrifices humains.

– Si, si, je vois bien. Ils n’avaient pas été interdits ?

– Si, mais cette religion-là a succombé.

C’est le cas de le dire.

Le type dans le miroir bouffe son croissant.

 

J’arrive au bureau. La secrétaire me dit qu’une femme m’y attend. J’entre. Elle est en pleurs. Vous allez voir qu’elle va me raconter pourquoi. (Je censure.)

 

Eclairages de Noël sous la pluie. J’achète une merde à un marchand qui a froid aux mains.

– Ça marche, cette année ?

– Bof bof, dit-il. C’est la crise, pas vrai ?

– Ouais. On va ruiner la consommation. Ce n’est qu’un début, poursuivons le combat.

Il ne rigole pas. Tant pis.

 

La République fait sous elle. Elle se chie littéralement. Trop de démocratie (laxatif bien connu), posologie explosée.

Adios.

 

Mon grand-père vivait dans un monde décent. Il fumait dans le métro, mais n’eût pas supporté qu’on y affichât une gonzesse à poil, par exemple. Même sans poils. Surtout pour vendre des merdes à des guignols.

Le tabac pue. Peut-être. Mais c’est concret. Et d’ailleurs, ça pue moins que l’hygiénisme. Gonzesses sans poils ou pas.

 

J’ai écrit l’autre jour un texte bref intitulé Poétique de l’avortement. Qui causait évidemment de littérature.

Et, donc, un courageux anonyme l’a ainsi commenté d’un hors-sujet magistral :

« Chaque fois que nous allons aux toilettes nous les hommes, des milliers de spermatozoïdes partent afin de laisser place à ceux nouvellement créés. Luttons pour arrêter ce massacre, pour arrêter les gens d’être aussi criminels… »

Je vous jure. J’ai conservé sa syntaxe, qui est très personnelle (c’est bien, chacun sa langue).

D’où, sans doute, l’élégantissime et juvénile expression «  fini à la pisse », genre : « C’est pas vrai, ton père i t’a fini à la pisse, ou quoi ? »

Je ne saurais trop conseiller à ce monsieur, spermatozoïdes pour spermatozoïdes, de pisser dans le con de sa dame, pour voir si ça la chatouille ou si ça la gratouille.

Son commentaire ajoutait, de façon assez peu compréhensible :

« Ne laissez pas vos croyances vous influencer à ce point. »

Merci du conseil.

Merde alors, quelles croyances ?

(Et qu’est-ce qu’il en sait ?)

 

Plus tard, je me suis dit qu’il avait dû comprendre que j’étais contre l’avortement.

Alors que je suis pour. Evidemment. Ça devrait être obligatoire, même.

Surtout post partum.

Et bien au-delà.

 

On n’arrête pas le progrès.

 

On pourrait facturer les balles aux familles, même.

A moins que la Sécu rebouchée ne les rembourse.

Oh, vous savez, ça ou pisser, c’est pareil…

 

– Vous ne voyez donc pas, me dit le type accoudé au comptoir, que nous en sommes revenus aux sacrifices humains ?

– Oh, toi, ta gueule.

Je le regarde bouffer son croissant dans le miroir. Il finit son café.

Tu finiras par causer et rire tout seul, Isaac.

Bien arrangé.

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Y'a quand même le type accoudé sur le poignet du vieux, c'est pas Abraham, là-haut, qu'est contre le sacrifice humain, non ? Mickey Grenelle, il confond les que et les dont, il sait pas accorder un participe, mais moi j'dis qu'il vous emmerde, espèce de pilier de bistrot ! Moi, ma gonzesse, elle a des poils de cul en soie et elle m'offre des montres et des chansons pour se faire pardonner d'avoir montré son cul à tout le monde sur Internet. Votre texte qui causait de littérature soi-disant, avec des trucs qu'ont ni débuts ni fins et qui sont ni faits ni à faire, voulez que je vous dise, moi non plus j'ai rien compris, et Carla non plus, et Xavier à qui je l'ai montré pas davantage. Et là, votre histoire de sacrifice de spermatozoïdes à l'aéroport de Marignane, c'est pareil. Je suis même sûr que Rachida et Valérie le comprendraient de travers tant tout y est tordu. La raie publique, la democrachie, et puis quoi encore !

  • Sans doute que l'indien n'est pas influençable, lui, qu'il pense par lui-même ; quand on est un démoulé de la démocratie éclairante, on a ce privilège.
    Le oueb-commentateur lambda est un libre-penseur, monsieur Adam, vous devriez le savoir.

  • Vraiment bien. J'aimerais lire le avant, et le après.

  • @ Sophie : Comprends pas caisse vous voulez dire ???

  • Je voulais dire qu'il me manque les pages avant le billet et les pages après, bref qu'à lire votre texte, ça me fait comme s' il était tombé dans le feu et qu'en le rattrapant tout soit brûlé sauf ces pages là en plein milieu. Voilà.Faites pas exprès.Je peux expliquer mieux mais ça sera pendant la récréation.

  • Aussi étrange que cela doive vous sembler, Sophie, je vous comprends mieux quand vous vous exprimez clairement. Ce billet n'est pas issu d'un texte antérieur, il n'a ni avant ni après. Il est comme ça. Le reste a dû cramer dans ma tête avant écriture, et je n'ai tiré que ça du feu. Pauvres marrons.

  • Mais je le savais bien qu'il était comme ça ce texte. C'était une façon de dire les choses, que ça m'avait plu, que c'était trop court. Mais je suis tétanisée sur votre blog. Déjà que dans confarf il y a confus ne l'oubliez pas, eh bien ici en plus j'ai peur de tout. Vous allez voir que si je ne suis pas claire dans deux secondes ça va être de votre faute!Ben oui quoi.Enfin non. Enfin moi aussi j'aime mieux quand vous vous exprimez clairement!Parce que des fois j'ai peur de pas comprendre, alors j'ai peur d'avoir l'air bête, alors j'ai peur de votre réprobation, alors j'ai peur d'avoir peur, de toutes façons on est pas sorti de l'auberge, ça c'est clair!

  • Mais non, Sophie, tout va très bien, détendez-vous, prenez donc une coupe de champagne...

  • D'accord.

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