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Choses vues, ouïes, dites - Page 12

  • Chiasme

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     J’entre au café, salue les gens au comptoir d’une poignée de mains. Robert me fait un clin d’œil et un geste de la tête genre : regarde, gamin, ça vaut le coup d’œil. Il y a là aussi deux autres habitués, une toute jeune femme qui vient rarement, un vieux monsieur élevé à l’Assistance publique – c’est ce qu’il est en train de raconter – et son chien qui se promène en liberté dans la salle. Une gêne dont je ne vois pas du tout la cause grandit. Une gêne que le vieux monsieur ne perçoit pas du tout – c’est donc lui qui doit en être la cause. Mais, donc, me demeure inconnue la cause de cette cause. Je commande un demi.

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  • Elites

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    Comme la plupart des gens, et dans presque tous les domaines de la vie, un trop grand désordre me fait souhaiter davantage d’ordre et de rigueur, un ordre trop pesant davantage de désordre et de fantaisie ; comme s’ils étaient tous deux, ordre et désordre, nécessaires et insupportables. Je suis un partisan du juste milieu et bien sûr, je ne m’y tiens jamais, faute de jamais le reconnaître.

    Notre monde mondial, qui croule sous des kilotonnes de lois et règlements, est en proie au chaos, à la confusion. Certaines idéologies, cyniques et naïves, mais devenues banales, voudraient qu’ultimement les différentes composantes de ce monde se fondent, fusionnent en une seule, qu’elles rêvent ou délirent enfin humaine, et même : humanité. Comme s’il nous fallait en fin finale un monde tout à la fois confus et fondu ; et qu’au surplus, ce gros flou-là nous serve tout uniment d’ordre et de désordre – selon, j’imagine, le réglage de la focale.

    Mais la question demeure, qui peut faire son grabuge, de qui règle la focale.

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  • 23. Génie imbécile

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Cet homme voulut inventer une nouvelle forme de la distance, qu’il serait capable de conserver au cœur même de la tâche la plus ingrate.

     

    Ce que sa femme attendait de lui, finalement, ne devait pas être décemment nommé ; de ne pouvoir l’être qu’en d’anachroniques termes de chevalerie qui l’eussent elle-même irritée.

     

    Seul le silence alors pourrait leur épargner ce double ridicule de la situation présente, selon lui, et de la pensée désuète, selon elle.

     

    Il se disait qu’il devait – mais à qui ? – être le protecteur silencieux de leur égalité affichée, et que leur commun silence là-dessus lierait plus fortement encore ces deux fictions contraires.

     

    Il se tut donc, et la laissa parler de tout et rien.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Je suis un menteur

    Et je le prouve.

     

    Ce jour-là, j’étais en train d’écrire dans mon bistrot de quartier, tournant légèrement le dos à la salle quasi-vide.

    Je n’entendis pas entrer mon amie F., qui, me voyant au travail, me photographia à deux reprises avec son téléphone portable.

    Puis elle vint me saluer et me montra les deux photographies qu’elle venait de prendre. Je lui demandai si elle avait moyen de me les envoyer par e-mail.

    – Oui, quand j’aurai retrouvé le cordon reliant mon téléphone à mon ordi.

    Ce qui peut prendre du temps.

    Une autre fois, peut-être un mois plus tard, je lui demandai si elle avait retrouvé ce foutu cordon.

    Non.

     

    Et puis, au tout début de cette année 2010, le 3 janvier pour être précis, je reçois un e-mail de F. auquel sont jointes ces deux photos :

     

     

    Je les regarde et me demande ce que je pouvais bien être en train d’écrire ce jour-là. C’est une question que je me pose souvent en regardant des photos d’écrivain en train d’écrire – sauf si elles sont vraiment trop « posées ». Quel livre ? ou quelle lettre ? Mais surtout, plus précisément, quelles phrases ?

    Je renvoie donc un e-mail à F. en lui demandant si elle a moyen – par son téléphone ou son ordinateur, donc – de connaître la date de ces photographies.

    La réponse est : le 16 octobre à 15 h 48 min 25 s et 15 h 48 min 53 s.

     

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    Je préfère la seconde, prise de plus près, et moins floue :

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    Voilà.

    Qu’est-ce que je pouvais bien écrire le 16 octobre 2009, dans mon petit café de quartier toujours plus vide que plein ?

    Je me le demandais vaguement lorsque j’eus l’idée – ce qu’on est con, parfois – de regarder sur mon propre blog – celui-ci, oui – si je n’avais pas, par le plus grand des hasards, une publication en date du 16 octobre.

    Si.

    C’est celle-ci.

     

    Point de salon, ni personne.

    Je suis donc bien un menteur.

     

     

  • Divorcez, divorcez, il en restera toujours quelque chose

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    C’était une fin de soirée pas mal arrosée et je ne sais plus du tout de quoi nous parlions, mais ce qui est certain, c’est que j’ai cité cette phrase de Kafka, aussi célèbre que difficile, et que ça a déclenché quelque chose :

    « Dans le combat entre toi et le monde, seconde le monde. »

    Et J., qui était là, a lancé joyeusement :

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