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Choses vues, ouïes, dites - Page 13

  • Ethique

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    « Quand on tire, on raconte pas sa vie », dit un personnage d’un célèbre western. Eh bien, quand on écrit, c’est pareil. Et même, on n’est pas obligé de raconter ses lectures, fût-on français. (Je sais, il y a le roman, ah, le roman…) Philippe Sollers, qui est un monstre de fatuité, a dit quelque part, sans doute en pensant à lui-même (quoi d’autre ?), je cite de mémoire : s’il y a quelque part un poète, il s’abstiendra d’écrire de la poésie. Pourquoi pas, en effet ? A ce compte-là, s’il y a quelque part un écrivain, il s’abstiendra de publier des livres… C’est d’ailleurs ce que je me suis dit cet après-midi, en flânant chez des marchands patentés de livres qui débitaient des beigbeders et autres mangas à la chaîne, joyeux Noël avec des femmes puissantes ! Mais je ne vais pas vous raconter ma vie, même si ce blog n’est pas autre chose qu’une poubelle…

     

    En rangeant mon portefeuille, j’ai jeté des tas de tickets de carte bleue. Au dos de l’un d’eux, ces phrases, que je ne me souviens pas avoir écrites. (J’imagine que ça parle sinon des dialogues du moins de mon rapport à eux ; mais c’est reconstruit après coup, incertain, pure hypothèse…)

     

    1. Ne pas mentir. 2. Ne pas chercher à dire la vérité. 3. Etre précis. 4. Remercier.

     

    Remercier est souligné deux fois. Je ne sais plus non plus pourquoi. Je trouve néanmoins que ce billet mérite vachement bien son titre.

     

     

     

     

  • Enfin Jan Fabre vint

    (Article initialement publié sur Ring : ICI)
    Voir aussi : Défendre Jan Fabre.
    Jan Fabre vint.jpg

    Enfin Jan Fabre vint.

    Et il ne vint apparemment pas pour rien.

    Il vint pour achever des beautés qui certes s’étiolaient ; pour les achever non parce qu’elles s’étiolaient, mais parce qu’elles étaient des beautés. Il vint pour défaire la critique et néantiser l’intelligence ; et lorsqu’il arriva elles étaient déjà tellement défaites et néantisées qu’elles lui firent allégeance de toute la bassesse dont elles étaient capables, et elles étaient capables. Il vint pour être lui-même un cadavre – un contemporain. Croyant vaincre, c’est en cadavre qu’il vint. Il s’auto-proclama, mais n’étant rien, il ne proclama rien.

    Et en définitive, il ne vint pas, ne vainquit rien ; mieux, ne fut pas.

    Son néant l’avait dès le départ vaincu tout à fait. C’est en tout cas la seule chose réjouissante qu’on puisse trouver chez Jan Fabre. Que maintenant des fonctionnaires ou assimilés tels, des journalistes de diverses polices, d’autres intrigants et concussionnaires encore, sans oublier la légion des suceurs de néant prétendument artistes lui laissent accroire le contraire est tout bonnement à se tordre de rire.

    C’est bien cela qui tend vers la perfection.

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  • 1. Start me up

     

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    C’était vers minuit dans cette soirée où les jeunes écoutaient de la musique de vieux… Elle avait commencé sèchement par : Tu ne me reconnais pas ? et maintenant qu’elle avait lâché la phrase qu’elle était venue lui dire, il ne voyait plus dans son œil que de la haine et de l’envie. Il se demanda une seconde s’il se pouvait vraiment qu’il eût fait ça. Après tout, des soirées trop arrosées, dont il ne s’était jamais rappelé l’issue, il n’y en avait pas eu tant que ça et ça commençait à remonter à loin. Non, cette fille devait être folle, simplement. Peut-être qu’elle faisait souvent ce coup-là à des types. Alors, il lui dit le plus gentiment possible qu’il la plaignait, et sortit fumer.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    (Disons que c'est le début d'une série d'au moins deux billets)

  • Seuil

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je suis entré dans le café miteux – est-ce que j’ai dit bonjour ? – et elle était là. Une parfaite inconnue, debout au comptoir, un café devant elle. J’ai moi aussi commandé un café. J’ai pris le journal. Elle a demandé une cartouche de cigarettes, réglé le tout, est revenue à son café. Est-ce qu’elle est jolie ? Peut-être même pas ; quoique dire non serait injuste. Je lui donne quatre ans de moins que moi. J’ai repoussé le journal. A un moment donné, un instant, elle m’a regardé. Et elle m’a vu. J’ai vu qu’elle me voyait. Je peux même dire ce qu’elle a lu : Il tient, mais promet plus qu’il ne tient ; utilisable. Puis elle a fini tranquillement son café, est sortie :

    – Au revoir, monsieur.

    Elle a utilisé sa sortie à vérifier son premier regard. C’est ça.

    – Au revoir, madame.

    Elle a vu, et moi rien. Je ne sais quoi penser d’elle. Sinon qu’elle est plus intelligente et va plus vite que moi – pauvre rivalité – et ce n’est tout de même pas tous les jours… Mais je n’aurais pas dû voir qu’elle voyait. Et je l’ai vue me voir. C’est peut-être une faute – sauf si elle a voulu que je la voie me voir…

    Si tu raisonnes un pas de plus, mon gars, tu entres dans la paranoïa… La seule chose que je jurerais, c’est qu’il ne s’agit en rien de séduction : elle travaillait, et moi aussi. Je reprends un café. Je ne demande rien au patron. Des moments comme celui-là, trois minutes au total environ, n’arrivent pas tous les dix ans ; ils se suffisent. Je joue Bach dans ma tête. Elle avait de beaux cernes.