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inversion

  • Sentence VI

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    Promenade

    Il est certainement insensé de se réjouir d’une guerre ; aussi ne puis-je trouver aucune satisfaction à cette paix bourbeuse, que les réseaux d’un pouvoir inverti n’ont de cesse de nous vanter, et de nous vendre cher (puisque ce que nous sommes est en définitive le prix à payer), paix qui n’est maintenue qu’en cédant toujours davantage à nos ennemis ; il en ira ainsi cependant jusqu’à ce que ces ennemis aient eux-mêmes pris possession de la grande majorité de ces réseaux enchevêtrés du pouvoir, à l’intérieur desquels, déjà, on ne peut plus trouver trace d’un centre de décision réel, donc unique et censément conscient de la situation d’ensemble ; et en un sens plus profond, il est au fond indifférent de penser que cette paix est perdue déjà, ou sur le point de l’être très bientôt : elle l’a été réellement dès le départ, du jour où, sans pensée ni aucune parole autre que convenue, il a paru préférable de céder, du jour où se défendre réellement (en attaquant, donc) n’a plus effleuré quiconque, dans ces endroits absurdes et criminels où le pouvoir réel est fragmenté, dissipé, vaincu par anticipation ; car en réalité, loin de se défendre et de nous défendre, ces réseaux de pouvoir, dans la croyance qu’ils se défendaient eux-mêmes en ne nous défendant plus, ont commencé de céder le jour où ils nous ont exposés, montrés comme étant, en nous-mêmes, ce sur quoi précisément il devait être cédé aux ennemis ; et c’est ainsi que nous devînmes à la fois des morts et de la fausse monnaie : on ne nous cédait que pour ce que nous avions été et que nous n’étions plus ; et c’est ainsi que principalement, nos ennemis ont cessé de nous être extérieurs et sont devenus d’abord cette réticulation horizontale d’un pouvoir inverti.

     

     

     

     

     

     

  • Chiasme

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     J’entre au café, salue les gens au comptoir d’une poignée de mains. Robert me fait un clin d’œil et un geste de la tête genre : regarde, gamin, ça vaut le coup d’œil. Il y a là aussi deux autres habitués, une toute jeune femme qui vient rarement, un vieux monsieur élevé à l’Assistance publique – c’est ce qu’il est en train de raconter – et son chien qui se promène en liberté dans la salle. Une gêne dont je ne vois pas du tout la cause grandit. Une gêne que le vieux monsieur ne perçoit pas du tout – c’est donc lui qui doit en être la cause. Mais, donc, me demeure inconnue la cause de cette cause. Je commande un demi.

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  • Guerre contre la réalité

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    Il y a une guerre contre l’âge adulte.

    Une guerre gagnée.

    Une guerre qu’il ne faut jamais bien sûr finir de gagner.

    D’éternels adolescents moquent, avec talent parfois, ne soyons pas bégueule, tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à une attitude responsable, consciente des réalités.

    On a tellement dégueulé les réalistes, non sans raison parfois, tant nombre d’entre eux furent médiocres et plats, qu’on en est venu à censurer la réalité elle-même.

    Il faut dire que ça va plus vite, et que nous ne jurons que par la vitesse.

    Cette guerre, évidemment, culmine en infantophilie généralisée.

    En infantomanie.

    Il y a une guerre contre l’âge adulte.

    Une guerre contre la réalité.

    Une guerre rêvée contre la guerre réelle.

    On défendra donc l’enfance, le rêve, l’adolescence, les marginalités, les déviances, la folie, l’utopie…

    Puis, et c’est le point, on les institutionnalisa.

    Voilà le crime.

    Toutes ces choses, l’enfance, le rêve, l’adolescence, les marginalités, les déviances, la folie, l’utopie, elles existent. Elles peuvent tout à fait exister. Qu’elles tombent ensuite, pour certaines, sous le coup de la loi, c’est autre chose. Loi ou non, justice ou pas, elles existent.

    Ce sont des choses qui ne se contestent pas. Contester l’existence de ce qui existe mène également au crime. C’est symétrique.

    Mais pourquoi faire la norme de ces choses qui précèdent, accompagnent ou pourrissent l’âge adulte ?

    Pourquoi les institutionnaliser ?

    Sinon pour défendre – mais pas au sens d’interdire, non – en sous-main, comme malgré soi, le crime ?

    Sinon pour institutionnaliser le crime même ?

    Toujours le même fond de romantisme.

    Avec ses pourritures et ses viscères.

    L’âge adulte est banni.

    Tout ce qui n’est pas lui l’a remplacé.

    Avec lui, la raison est bannie.

    Mise au ban, oui.

    L’épithète raisonnable est devenue infamante.

    Mais ce n’est pas venu comme ça.

    C’était prévisible.

    Des gens d’ailleurs l’avaient prévu, qu’on a fait taire.

    Il y eut d’abord une guerre contre l’idée de Père.

    Si, si, je vous jure.

    De là date sans doute cette inversion de la polarité du monde.

    L’inversion, c’est ce qui a précédé l’invertissement.