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Fusées - Page 43

  • Regards

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    C’est amusant, à la fin.

    Les images ont tout envahi, semblent évidemment autorisées. On peut tout montrer, fiction ou réalité ; guerres, viols, meurtres, charniers, opérations médicales. La parole en revanche semble presque interdite. Il faut, dès lors qu’on s’attache à certains sujets graves, et la mode peut fort bien réputer grave, à n’importe quel moment, n’importe quel sujet, délaver des euphémismes qu’auront précédés de plâtreuses circonvolutions oratoires.

     

    Badinons donc.

    Il faut bien vivre avec son temps.

     

    La pornographie règne, dans toutes ses dimensions ; non moins qu’elle est indifférente. La parole, elle, n’a jamais été tant crainte ; au point qu’il nous la faut bannir.

    Renouvellement et originalité incessants d’un côté. Identité – dans les deux sens – de l’autre.

    Pouvoir d’un côté. Puissance de l’autre.

     

    Silence.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Non poésie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    De plus en plus souvent, je ne mets pas en ligne des billets écrits, tapés. Je les relis, et puis : à quoi bon ?

    Parfois, aussi, j’ai honte. Ils disent exactement ce que je veux dire, ce que je pense ; et donc, je ne les mets pas en ligne.

    Je me suis bien rendu compte de cela ; aussi ai-je cessé d’écrire des billets.

    La phrase atteint son but et le détruit.

     

    – Qu’est-ce que tu vas écrire, maintenant ? me demande une amie.

    – Je ne sais pas, moi. Des poèmes d’amour.

    Il touche le fond. Je l’ai clairement vu penser ça. Mais elle a juste dit :

    – Je crains le pire.

    Il y a eu un silence.

    – Tu es amoureux ?

    – Pour quoi faire ?

    D’ailleurs, je n’aime pas non plus la poésie.

    Des miniatures comme celle-ci ne méritent pas qu’on passe à les écrire plus de temps qu’à les lire.

     

    Je mens, bien sûr.

    Je sais très bien ce que j’écrirais si j’avais du courage.

  • Bonheur

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Soleil. Piscine. Je suis assis là, mollets et pieds dans l’eau. Le type s’assied à côté de moi, dit :

    – La lâcheté est une des conditions du bonheur, non ?

    Je le regarde. Il a dans les quarante-cinq ans. Je lui réponds :

    – Dans mon cas, ça ne suffit pas.

    Il rit. Moi aussi, du coup.

    Silence.

    Il dit :

    – Peut-être que c’est le bonheur alors qui est prétexte à la lâcheté.

    – Oui. C’est à la lâcheté que servent nos rêves.

    Il m’offre une cigarette. On fume en silence. Le soleil cogne.

    Alors, on n’est pas bien, là ?

  • Piège

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Nous vivions sur de béantes contradictions.

    Il ne s’agissait pas de les résorber, mais simplement de les donner à voir pour ce qu’elles étaient.

     

    Cela n’a pas suffi.

     

    Eclairer l’abîme, peut-être, n’est pas à échelle d’homme.

    – Mais, il n’y a rien à voir…

    – Peut-être, mais c’est cela qu’il faut voir.

    Eh bien, ça ne marche pas.

     

    On se trouve fier du piège, on s’est seulement piégé.

     

     

  • A tout prix

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    Peut-être la pièce ne rencontre-t-elle la tragédie, paradoxalement, qu’en poussant au plus loin la volonté de l’éviter.

     

    Il faut que la pièce finisse bien.

    Même, sinon mieux, il faut à tout prix que la pièce finisse bien.

    Et cet à tout prix-là concasse les hommes.

     

    Et, puisque la comédie ne se définit en bonne règle que de finir bien, la tragédie consiste tout entière dans le fait de vouloir à ce point la comédie.

     

    La tragédie est sa corruption même.