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Seuil

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis entré dans le café miteux – est-ce que j’ai dit bonjour ? – et elle était là. Une parfaite inconnue, debout au comptoir, un café devant elle. J’ai moi aussi commandé un café. J’ai pris le journal. Elle a demandé une cartouche de cigarettes, réglé le tout, est revenue à son café. Est-ce qu’elle est jolie ? Peut-être même pas ; quoique dire non serait injuste. Je lui donne quatre ans de moins que moi. J’ai repoussé le journal. A un moment donné, un instant, elle m’a regardé. Et elle m’a vu. J’ai vu qu’elle me voyait. Je peux même dire ce qu’elle a lu : Il tient, mais promet plus qu’il ne tient ; utilisable. Puis elle a fini tranquillement son café, est sortie :

– Au revoir, monsieur.

Elle a utilisé sa sortie à vérifier son premier regard. C’est ça.

– Au revoir, madame.

Elle a vu, et moi rien. Je ne sais quoi penser d’elle. Sinon qu’elle est plus intelligente et va plus vite que moi – pauvre rivalité – et ce n’est tout de même pas tous les jours… Mais je n’aurais pas dû voir qu’elle voyait. Et je l’ai vue me voir. C’est peut-être une faute – sauf si elle a voulu que je la voie me voir…

Si tu raisonnes un pas de plus, mon gars, tu entres dans la paranoïa… La seule chose que je jurerais, c’est qu’il ne s’agit en rien de séduction : elle travaillait, et moi aussi. Je reprends un café. Je ne demande rien au patron. Des moments comme celui-là, trois minutes au total environ, n’arrivent pas tous les dix ans ; ils se suffisent. Je joue Bach dans ma tête. Elle avait de beaux cernes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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