Il y a des faussetés déguisées qui représentent si bien la vérité que ce serait mal juger que de ne s’y pas laisser tromper.
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Il y a des faussetés déguisées qui représentent si bien la vérité que ce serait mal juger que de ne s’y pas laisser tromper.
– Ils n’ont pas l’angoisse de la page blanche. Tu m’étonnes. Et pire, ils n’ont pas l’angoisse de la page pleine. Ils rêvent de faire du bruit. Que ça fasse du bruit. Dans le monde. Ce qu’ils écrivent. Car ils écrivent pour faire du bruit. Pas de la musique, non. Et le silence est mort. Et quand enfin ils font du bruit, ils font un atroce petit bruit, un grincement de dents chéri qu’ils ont rêvé d’amplifier à en strier le cosmos, un petit bruit dérisoire et strident et cumulé à tant d’autres petits bruits simultanés que simplement il participe du bruit, du bruit incessant, anonyme de la machine, du bruit que rien n’arrête, jamais, mais qu’ils avaient rêvé pourtant d’interrompre, tant ils sont habitués à ce bruit permanent qu’ils ne l’entendaient plus, qu’ils l’avaient pris pour du silence. Dont ils ont peur. A faire du bruit. Tout le temps. Du bruit. A s’en rendre sourds. A en être sourds. A ne pas le savoir. A s’en croire innocents. Petites frappes. Oui. Des petites frappes. Rêveuses.
– Ta gueule.
– Vous vous rendez compte que vous écrivez pour des gens qui n’existent pas ?
– Oui.
– C’est ce que je craignais.
– Ecrivez un roman, plutôt. Vous en lisez ?
– Trois ou quatre par ans.
– Et l’envie ne vous vient pas d’en faire ?
– Je n’ai aucune envie de rallumer ma télé. Et déguiser ma vie me désolerait.
– Forcez-vous, non ?
– C’est une tentation, savez-vous, à laquelle je m’efforce de ne pas céder.
– Vous n’aimez pas les romans ?
– Si. Pour ce qu’ils sont.
– Ah ? Et que sont-ils ?
– La forme la plus haute du journalisme, la forme la plus basse de la littérature.
– Que voulez-vous dire ?
– Ça ne se tait pas assez. Et…
– Et ?
– Se taire ne suffit sans doute pas.
–… Ne suffit pas à quoi, exactement ?