– Ils n’ont pas l’angoisse de la page blanche. Tu m’étonnes. Et pire, ils n’ont pas l’angoisse de la page pleine. Ils rêvent de faire du bruit. Que ça fasse du bruit. Dans le monde. Ce qu’ils écrivent. Car ils écrivent pour faire du bruit. Pas de la musique, non. Et le silence est mort. Et quand enfin ils font du bruit, ils font un atroce petit bruit, un grincement de dents chéri qu’ils ont rêvé d’amplifier à en strier le cosmos, un petit bruit dérisoire et strident et cumulé à tant d’autres petits bruits simultanés que simplement il participe du bruit, du bruit incessant, anonyme de la machine, du bruit que rien n’arrête, jamais, mais qu’ils avaient rêvé pourtant d’interrompre, tant ils sont habitués à ce bruit permanent qu’ils ne l’entendaient plus, qu’ils l’avaient pris pour du silence. Dont ils ont peur. A faire du bruit. Tout le temps. Du bruit. A s’en rendre sourds. A en être sourds. A ne pas le savoir. A s’en croire innocents. Petites frappes. Oui. Des petites frappes. Rêveuses.
– Ta gueule.