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angoisse

  • Paroles...

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    – Ils n’ont pas l’angoisse de la page blanche. Tu m’étonnes. Et pire, ils n’ont pas l’angoisse de la page pleine. Ils rêvent de faire du bruit. Que ça fasse du bruit. Dans le monde. Ce qu’ils écrivent. Car ils écrivent pour faire du bruit. Pas de la musique, non. Et le silence est mort. Et quand enfin ils font du bruit, ils font un atroce petit bruit, un grincement de dents chéri qu’ils ont rêvé d’amplifier à en strier le cosmos, un petit bruit dérisoire et strident et cumulé à tant d’autres petits bruits simultanés que simplement il participe du bruit, du bruit incessant, anonyme de la machine, du bruit que rien n’arrête, jamais, mais qu’ils avaient rêvé pourtant d’interrompre, tant ils sont habitués à ce bruit permanent qu’ils ne l’entendaient plus, qu’ils l’avaient pris pour du silence. Dont ils ont peur. A faire du bruit. Tout le temps. Du bruit. A s’en rendre sourds. A en être sourds. A ne pas le savoir. A s’en croire innocents. Petites frappes. Oui. Des petites frappes. Rêveuses.

    – Ta gueule.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Contresens

    Il se rendait compte, maintenant, que ses opinions se délitaient ; il n’en changeait pas, non, comme cela lui était arrivé quelques fois ; il avait la sensation de les regarder, mais de loin, de plus en plus loin, s’effriter, s’écailler comme de la peinture trop longtemps exposée aux intempéries. Et il n’en était nullement soulagé ; il en était effrayé, mortifié. Il assistait corollairement à la raréfaction de sa conversation. Son travail comptable le soulageait grandement, mais la perspective de ses collègues à la pause lui donnait des suées froides. De plus en plus souvent, il se contentait de hocher la tête, non par assentiment réel, mais pour en finir au plus vite. Il aurait voulu ne plus parler du tout, et en même temps, l’angoisse que provoquait cet évanouissement au profit de rien de ses opinions anciennes lui faisait en quelque manière s’accrocher à ces conversations qu’il ne pouvait plus tenir correctement ; il en fit même un ulcère, duquel il put parler tout de même un peu, se laissant même aller parfois à enchaîner plusieurs phrases, cet ulcère ne lui semblant en rien une opinion. Finalement, la douleur l’arrangeait suffisamment pour qu’il s’arrangeât d’elle, l’empêchant de sombrer socialement tout à fait. En même temps, ses interlocuteurs l’engageaient systématiquement à se soigner. Ce qu’il fit après quelque temps, moins pour soulager la douleur que pour s’épargner la réprobation grandissante de son entourage. La douleur disparut. Il eut une crise d’angoisse au volant de sa voiture, sur l’autoroute ; au moment de mourir, il comprit ce qu’il aurait dû faire.