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Le coq

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Les bières étaient presque finies. Il s’était en parlant beaucoup trop découvert. A la question directe, masquant mal une agressivité réelle, qui fusa vers lui, il ne sut que répondre à côté avec un aplomb de forcené. On lui opposa une moue dubitative, puis on pointa vers lui, avec un amusement feint, un index qui voulait l’avertir de revenir bien vite sur cela qu’il avait laissé entendre penser, peut-être croire. Il rit alors un grand coup, un peu trop fort peut-être, plaqua une main qu’on eût dit amicale dans le dos de son interlocuteur et blagua un : Dis donc, t’es de la police, toi ? qui ne retarderait selon toute probabilité que très peu les conséquences de cela même qu’il n’avait pourtant pas franchement avoué. Puis il finit assez vite son verre et sortit fumer sous la neige. Très au loin, des cloches sonnèrent six heures.

 

 

 

– Qu’est-ce que tu veux dire ?

– Eh bien, ça.

– Mais tu ne dis pas de quoi vous parliez.

– Parce que nous n’en parlions justement pas.

– Mais…

– Mais tu as compris ?

– Je crois, oui…

– Alors cela suffit.

– Mais tout le monde ne va pas comprendre.

– Et alors ?

– Alors, « très au loin, des cloches sonnèrent six heures ».

– Salopard.

 

 

 

Je réfléchis à ce qui précède. Je suis un peu en train de vous la faire à la 1984. C’est un problème. La société (appelons-ça comme ça) dans laquelle je vis m’impose-t-elle réellement cet évitement ? Ou bien est-ce un effet de ma lâcheté (que je veux toujours réellement sous-estimer quoique je sache que son aveu public doive in fine ressortir à la coquetterie littéraire) ? Mettons, moitié-moitié (mais déjà je sens bien que je prête beaucoup à la société ; d’un autre côté, on ne prête qu’aux riches et ce on n’empêche pas que cela soit vrai des pauvres, désormais). Je dirais plus volontiers les choses (notez que je ne dis toujours pas lesquelles) si les dire ne devait pas avoir de conséquences réelles ; et si ces conséquences n’étaient pas telles que je ne dusse les craindre (mais peut-être veux-je seulement croire cela). Formulé d’une manière aussi franche que retorse, cela donne : S’il est vrai que la vérité rend libre, je dois convenir alors ne l’être pas. Ce qui est essentiellement mon fait, d’ailleurs. Comme ce n’est évidemment pas très agréable, et que ce que j’écris ici est destiné à être lu par des gens, dans le meilleur des cas, que je ne connais pas, il est préférable que je rejette la responsabilité sur la société (c’est un calcul au moins double, propice à toutes ambiguïtés). Et je finis d’un mauvais rire : Quelle heure est-il, déjà ?

  

 

 

   

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