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shakespeare - Page 4

  • KLOAC

    The Chiotte of the Culutre.jpg

     

    Je livre ici la onzième des douze saynètes de Pour une Culutre citoyenne ! (2006).

    Elle était interprétée, dans le spectacle que nous avons eu la possibilité d’en donner en 2008 par Arnaud Frémont et Emmanuelle Roussel.

     

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  • A. B. C.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La littérature n’existe pas dans le vide. Les écrivains, comme tels, ont une fonction sociale définie, exactement proportionnée à leur valeur EN TANT QU’ECRIVAINS. C’est là leur principale utilité. Tout le reste n’est que relatif, et temporaire, et ne peut être estimé que selon le point de vue de chacun.

    Les partisans d’idées particulières donneront plus de valeur à des écrivains qui sont de leur avis qu’à des écrivains qui ne le sont pas. Ils attribuent – c’est très souvent le cas – plus de valeur à de mauvais écrivains qui sont de leur parti ou de leur religion qu’à de bons écrivains d’un autre parti ou d’une autre Eglise.

    Mais il existe une base qu’on peut estimer exactement, indépendamment de toute question de point de vue.

    Les bons écrivains sont ceux qui gardent au langage son efficacité, c’est-à-dire ceux qui en conservent sa précision et sa clarté. Il importe peu que le bon écrivain veuille être utile, ou que le mauvais écrivain veuille faire du tort aux gens.

    Le langage est le principal moyen qu’ont les humains de communiquer. Si le système nerveux d’un animal ne transmet plus de sensations ou de stimuli, l’animal dépérit.

    Si la littérature d’une nation décline, cette nation s’atrophie et périclite.

    Votre législateur ne peut inventer des lois pour le bien du peuple, votre chef ne peut commander, votre peuple (s’ils ‘agit d’un pays démocratique) ne peut instruire ses « représentants » de ses besoins, que grâce au langage.

    Le langage nébuleux des escrocs ne sert que les tentatives temporaires.

    Une certaine somme de communication, dans de nouvelles spécialités, passe par une formulation mathématique, par les arts plastiques, par les diagrammes, par des formes purement musicales, mais personne ne propose de substituer ces formes à celles du discours ordinaire, personne ne pense même qu’il soit possible de suggérer une telle chose.

     

     

    Ubicumque lingua romana,

    ibi Roma.

     

    La Grèce et Rome civilisés PAR LE LANGAGE. Le langage est dans les mains des écrivains, dans leur pouvoir.

     

    « Insulter des peuples laids et sans langue »

     

    mais ce langage ne sert pas seulement à enregistrer des hauts faits. Horace et Shakespeare peuvent bien proclamer sa vertu monumentale et mnémonique, cela n’en épuise pas le sujet.

    Rome s’éleva avec la langue de César, d’Ovide et de Tacite. Elle déclina dans un ramassis de rhétorique, ce langage des diplomates « fait pour cacher la pensée », et ainsi de suite.

    L’homme sensé ne peut rester assis tranquillement à ne rien faire quand son pays laisse mourir sa littérature, quand la bonne littérature ne rencontre que mépris, de même qu’un bon docteur ne peut avoir la conscience tranquille quand un enfant ignorant est en train de s’inoculer la tuberculose comme s’il s’agissait simplement de manger des tartes à la confiture.

     

     

    Il est très difficile de faire comprendre aux gens cette indignation impersonnelle qui vous prend à l’idée du déclin de la littérature, de ce que cela implique et de ce que cela produit en fin de compte. Il est à peu près impossible d’exprimer, à quelque degré que ce soit, cette indignation, sans qu’aussitôt l’on vous traite d’ « aigri » ou de quelque autre chose du même genre.

    Néanmoins « l’homme d’Etat ne peut gouverner, le savant ne peut communiquer ses découvertes, les hommes ne peuvent se mettre d’accord sur ce qu’il convient de faire, sans le langage », et toutes leurs actions, toutes les conditions de leur vie sont affectées par les défauts ou les qualités de leur langue.

    Un peuple qui croît dans l’habitude d’une mauvaise littérature est un peuple sur le point de lâcher prise sur son empire et sur lui-même. Et ce laisser-aller n’est en rien aussi simple et aussi scandaleux qu’une syntaxe abrupte et désordonnée.

    Cela concerne la relation entre l’expression et le sens. Une syntaxe abrupte et désordonnée peut être, par moments, tout à fait honnête, et une sentence minutieusement construite peut n’être, par moments, qu’un minutieux camouflage.

     

     

     

    Ezra Pound, A. B. C. de la lecture (1934), début du chapitre III, traduction de Denis Roche.

     

    Ezra Pound 1945 May 26.jpg

     

    Pound, a b c lecture.jpg
  • Deux ans

    leo-strauss.jpg

    Cette idiotie de blog a maintenant deux ans.

     

    (La première année, ce blog m’a permis de ne pas écrire ; la seconde, il m’en a partiellement empêché.)

     

     

    1906

     

    Une phrase

     

    Lorsque je l’ai lue

    Cette phrase m’a immédiatement stupéfié

    Elle m’a arrêté

    Et laissé devant elle idiot, taclé

     

    Savez-vous ce qu’a dit le Christ

    Qui n’a pas fait le déplacement pour rien

    (Comme à propos d’autres tacles disait Thierry Roland)

    Savez-vous, disais-je, ce qu’a dit le Christ en 1906

    Lorsqu’Il est apparu à celui qui sera saint Silouane l’Athonite

    Eh bien Il a dit cela

    Dont on ne fait pas le tour immédiatement

    Et dont d’ailleurs on ne fait pas le tour ensuite non plus

    Du moins me semble-t-il

    Il a dit, le Christ, donc

     

    Tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas.

     

     

     

    La question politique par excellence

     

    La plus grande part de ce que nous lisons, dans la forme exacte que les auteurs lui ont donnée, est, en tant que telle, presque irrémédiablement perdue, oubliée dès que lue. Et cela même dont nous pensons nous souvenir avec exactitude est le jouet des caprices de notre mémoire ; au point que le peu de phrases que nous pensons connaître exactement fait fréquemment l’objet de déformations continuelles, dont on ne prend conscience qu’au moment de revenir au livre en question ; quelle déception parfois ! Point trop gênés, nous avons encore tendance à préférer nos involontaires corrections, qui nous semblent correspondre mieux à notre prétendue pensée, à tel point que nous finirions par reprocher à tel auteur de n’être point aussi brillant que nous-mêmes.

    Ici, plutôt que de vous faire accéder aux déformations aberrantes qu’a conçues tout au long de cette année ma cervelle imbécile et chétive, je préfère revenir à l’original : 

     

    Les œuvres des grands écrivains du passé sont très belles, même de l’extérieur. Et pourtant leur beauté visible est d’une laideur consommée comparée à la beauté de leurs trésors cachés qui ne se dévoilent qu’après un travail très long, jamais facile, mais toujours agréable. Ce travail toujours difficile, mais toujours agréable est, je pense, ce qu’avaient à l’esprit les philosophes lorsqu’ils soulignaient l’importance qu’ils accordaient à l’éducation. Ils sentaient que l’éducation est la seule réponse à la question éternellement pressante, à la question politique par excellence, celle de savoir comment concilier un ordre qui ne soit pas une oppression avec une liberté qui ne soit pas licence.

    Leo Strauss, dernières phrases de « La persécution et l’art d’écrire » dans La persécution et l’art d’écrire (traduction d’Olivier Sedeyn).

     

     

    Message personnel

     

    Une autre phrase, dont je ne me souviens pas du tout de qui elle peut bien être, à tel point qu’il m’arrive sans trop de honte de me l’attribuer, et dont je ne certifierais pas même l’exactitude de l’approximatif alexandrin qu’elle délivre en passant :

     

    Corneille à son sommet passe Shakespeare au sien.

     

     

     

     

     

     

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  • Théâtre des idées

    Pour commencer :

    Je ne suis évidemment pas compétent pour parler de ce dont je parle. J’en ai donc profité pour aller vite, et ne citer précisément personne dans le texte qui suit. Je ne suis pas intellectuellement formé – et aussi, j’ai ce goût stupide pour l’exagération et la caricature –  pour dire mon désaccord avec des esprits incomparablement plus brillants que le mien (ne point lire ici d’ironie), qu’il s’agisse de ce géant de Platon, ou, plus proches de nous dans le temps, de Brecht, Vitez, Bond (Edward, hein, pas James) ou Badiou…et même, quoique nettement moins concerné ici, Ionesco…Puisque j’en suis à nommer de façon pas du tout exhaustive les gens que je ne cite pas, je vais – pour compenser ! – citer deux phrases d’autres excellents auteurs – lesquelles phrases, je l’espère, sembleront à certains d’emblée éliminatoires –, que l’écriture hâtive de mon texte m’a ramenées en mémoire. La première ne se laisse pas épuiser par sa simplicité :

     

    Personne, mieux que Shakespeare, n’a su comment se passe la vie.

    Guy Debord, Panégyrique

     

    …quant à la seconde, plus complexe pour qui n’a pas à l’esprit que pour un chrétien le Christ en sa double nature, homme et Dieu, est la Vérité, et conséquemment que toute autre prétendue vérité…

     

    Si l’on me prouvait que le Christ est hors de la vérité et qu’il fût réel que la vérité soit hors du Christ, je voudrais plutôt rester avec le Christ qu’avec la vérité.

    Fédor Dostoïevski, Lettre à Nathalie Fonvisine, 1854

     

    J’ajoute finalement une troisième citation, de formulation magnifique en sa fin, pour enchaîner sur la précédente et ouvrir enfin sur mon petit texte :

     

    C’est cet imprévisible, cet inconnu de la nature humaine qui est le grand intérêt de Dostoïevski. L’homme est un inconnu pour lui-même et il ne sait jamais ce qu’il est capable de produire sous une provocation neuve.

    Paul Claudel, Mémoires improvisés

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