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romeo castellucci

  • D'un retournement l'autre, de Frédéric Lordon

    Lordon.jpg

     

    Il faut avoir confiance en l’offre et la demande,

    Ces choses d’elles-mêmes, sans aucune commande,

    S’ajustent toutes seules, œuvrant pour le meilleur :

    C’est comme une machine programmée au bonheur,

    Un automate à faire de la prospérité.

    Je ne cesse de dire qu’il faut nous y livrer.

    Ajoutez-y parfois quelques innovations,

    Le marché a d’ailleurs de l’imagination,

    Il est à lui tout seul comme une intelligence,

    Disons même le mot : c’est une Providence.

     

    LE PRESIDENT, acte II, scène 1

     

     

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  • Sur le concept du visage du Fils de Dieu, de Romeo Castellucci : un spectacle merdique, littéralement et dans tous les sens... Par Marinette Dozeville

    Castellucci_ Klaus Lefebvre.jpg

    Sur le concept du visage du Fils de Dieu, de Romeo Castellucci

    (c) Klaus Lefebvre 

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  • KLOAC

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    Je livre ici la onzième des douze saynètes de Pour une Culutre citoyenne ! (2006).

    Elle était interprétée, dans le spectacle que nous avons eu la possibilité d’en donner en 2008 par Arnaud Frémont et Emmanuelle Roussel.

     

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  • Inferno, de Romeo Castellucci

    (Article initialement publié sur Ring.) 

     

    Inferno_Castellucci_Etranglement.jpg

    Bien. Je vais vous raconter.

    Il y aura peut-être de petites inexactitudes dans le déroulé. La mémoire…

    Vous voudrez bien noter, au passage, que cet article en désordre réussit au moins cet exploit d’inclure l’intégralité du texte de la « pièce de théâtre » en question, Romeo Castellucci continuant de dire que ce qu’il fait sur la scène est du théâtre.

    Et s’il le dit, c’est que c’est vrai.

    Et ce ne sont pas les spécialistes de la presse nationale, pour l’heure du moins, qui vont le contredire.

    Dans Le Monde, la toujours judicieuse Brigitte Salino titre éloquemment : Castellucci mène « L’Enfer » au sommet.

    Dans Libération, l’illustre René Solis, livrant  un article au titre hautement post-sartrien : L’« Inferno » c’est nous, doublé d’un sous-titre délirant d’éloge : « Théâtre. Romeo Castellucci insuffle à Dante une nouvelle énergie », voit même dans ce spectacle un enchantement : « Tous les vingt ou trente ans, un spectacle réussit l’enchantement de la cour d’honneur. C’est parfois la magie d’un acteur (Gérard Philipe dans son pourpoint de prince de Hombourg), ou l’évidence d’une énergie nouvelle (le ballet de Maurice Béjart). Inferno de Castellucci a cette force-là, qui nettoie le regard, ouvre des chemins, ne vise pas la perfection, et s’intéresse à ceux qui le font. […] Sidération et mélancolie plus que torture ou désolation, Inferno raconte la chute, la tristesse, le plongeon toujours recommencé, la répétition éternelle. La nostalgie de la douceur. »

    Pour insuffler une nouvelle énergie à un immense auteur ancien, il suffit de se passer de son texte. Bref, Dante sans Dante est un enchantement. CQFD.

     

    Cette fois, je raconte.

    La chose se passe, donc, dans la célèbre cour d’honneur du Palais des papes.

    Un type seul entre du fond, au centre du grand plateau presque nu (il y a juste une grosse boîte noire, à Jardin, c’est-à-dire à gauche pour le spectateur), descend lentement vers le public, s’arrête et dit :

    « Je m’appelle Romeo Castellucci. »

    Début de spectacle que notre maître René Solis compare à la première phrase de Moby Dick et  interprète (tout seul) comme signifiant : « Je m’appelle Romeo Castellucci et c’est moi qui ai peur ».

    Ainsi commence Inferno, « libre adaptation » de Dante par Romeo Castellucci, et cette phrase, en somme, sera la seule. Même s’il y en a approximativement quatre ou cinq autres ensuite, dont un chœur qui répète : « Je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime… ».

    Mais bon. Quelqu’un amène au type qui a dit s’appeler Romeo Castellucci une combinaison renforcée, qu’il enfile tandis que sept maîtres-chiens, flanqués de sept bergers allemands, entrent à l’avant-scène Jardin (toujours à gauche, donc, pour le spectateur). Les maîtres-chiens attachent au sol par le moyen de chaînes leurs toutous.

    Puis un berger allemand venu de Jardin entre à toute vitesse, se jette sur le pauvre Romeo, le renverse. Un deuxième chien arrive, à toute vitesse aussi, se jette sur lui. Puis un troisième.

    Romeo est au sol, malmené par les vilains toutous. Pauvre Romeo. La chose dure quelques minutes, dans les hurlements (amplifiés ?) des sept chiens-spectateurs, puis, on ne sait pourquoi, un type à Jardin siffle les trois chiens attaquant Romeo, lesquels chiens obéissent à l’instant.

    Puis les sept maîtres-chiens et leurs chiens quittent à leur tour le plateau. Silence.

    Le pauvre Romeo, si je comprends bien, est laissé là pour mort. Oh, pauvre Romeo.

    Quelqu’un entre, recouvre le corps de Romeo d’une peau de chien, de berger allemand.

    Puis un type presque nu vient à côté de Romeo et prend sur lui la peau de l’animal – c’est l’envol de son âme, explique mon voisin à sa femme.

    Le type presque nu commence d’escalader le haut mur de fond de scène du Palais des papes.

    Il ira jusqu’en haut, trente-cinq mètres, exécutant quelques jolies figures au passage de la fenêtre de l’Indulgence. Brigitte Salino du Monde  voit d’ailleurs dans cette ascension silencieuse « l’une des plus belles chose jamais vues à Avignon ». Tandis que René Solis au regard nettoyé nous précise : « Où est L’Enfer selon Castellucci ? Ici, maintenant, dans les murs du palais des Papes. »

    Vers la fin de son ascension, entre une jeune fille, banalement vêtue, qui bombe très lentement (en fait, tout est très lent) le mur du Palais : JEAN, en lettres capitales. « Un sacrilège, une note d’humour », commente le grand René Solis.

    Puis elle s’éloigne vers le Jardin. « Jean », si c’est bien lui, est arrivé au terme de son escalade, et se tient debout sur le mur, à Cour.

    Tiens, Jean a trouvé un ballon, tout là-haut, un ballon de basket je crois, et il va l’envoyer à la demoiselle, il vise, ça y est, il l’envoie, le ballon tombe, rebondit, rebondit, et la demoiselle l’attrape.

    Et maintenant, elle joue à le faire rebondir.

    Les rebonds sont amplifiés. De plus en plus. La lumière descend. Les rebonds font de plus en plus de bruit. Des nappes sourdes de sons graves envahissent l’espace, les rebonds du ballon assurent la rythmique, il fait sombre, les fenêtres du mur du Palais s’allument, s’éteignent, « on se déplace là-dedans », le bruit encore plus, on se croirait dans un film d’épouvante et c’est très drôle.

    Au bout d’un long moment de ce vacarme à jeux de lumières, entre à Cour une soixantaine de personnes un peu zombies, et lentes, donc.

    Elles tombent une à une, jusqu’à faire une sorte de tapis de corps colorés.

    La jeune fille à ballon de basket tient toujours la place centrale.

    Les soixante corps « roulent en dansant » lentement vers le fond de scène.

    Il y a du silence, à présent. Du calme.

    Un des corps sort du tapis, vient relever la demoiselle gardant le ballon, qui va s’allonger dans le tapis. Puis un autre corps vient relever le releveur, et ainsi de suite. Il y a des gens de tous les âges, des petits enfants, un vieillard.

    Je viens de vous raconter les vingt premières minutes, disons, du spectacle.

    Impressionnant, n’est-ce pas ?

     

    Après quoi je commence à avoir du mal à remettre les choses en ordre. Moments « marquants » :

    Dans un grand cube de verre, des enfants de deux ans, peut-être trois, jouent ; ils sont surveillés par un nounours géant (un adulte). Durée approximative : cinq, six minutes. Palpitant.

    Il y a des gens, avec des enfants, des bébés. A un moment, il y a même deux personnes qui s’approchent, se rencontrent. J’ai même vu une femme danser deux minutes. Si.

    On amène un piano à queue et on le brûle sur la scène (préalablement arrosée).

    Soixante figurants se mettent deux par deux et jouent à s’égorger au ralenti. Mais le vieux monsieur est tout seul, alors il dit : « Où es-tu ?... Où es-tu ?... Je t’implore… » et un jeune gars arrive, ils sont contents de se voir, s’enlacent, puis le jeune gars égorge le vieux monsieur, qu’est-ce que c’est beau, ça en raconte des choses, hein ?

    On fait défiler sur le mur du fond de scène la liste des œuvres d’Andy Warhol, laquelle est interrompue par un hommage aux acteurs morts de la Sociétas Raffaello Sanzio (la compagnie de Romeo Castellucci himself). Pendant ce temps-là, montés un à un sur le cube à gamins, des gens basculent dans le vide et disparaissent.

    Tous les figurants sont d’un côté, et de l’autre, il y a un beau cheval blanc (tiens, l’Apocalypse) : personne ne bouge pendant longtemps. D’une intensité dramatique à faire pâlir William Shakespeare, l’auteur de C’est beau un cheval la nuit (je suis bien sensé vous résumer L’Enfer de Dante, moi).

    Les figurants se déploient au pied des gradins, déplient une immense toile blanche dont ils recouvrent l’intégralité du public. Camping.

    Il y a des moments de silence, et des moments avec beaucoup de son fatiguant.

    Vers la fin, qui n’en finit pas de tarder, on amène une voiture accidentée, brûlée aussi peut-être, et il en sort un clone perruqué d’Andy Warhol qui n’a rien à nous dire. Ici, d’ailleurs, même Brigitte Salino, qui a trouvé sommital tout ce qui précède, émet une réserve à l’emporte-pièce : « Mais on se demande bien pourquoi Andy Warhol occupe la fin de L’Enfer, sautant d’une voiture calcinée. Il y a là vingt minutes inutiles. Elles n’offensent pas le souvenir du spectacle, qui transforme le Palais en une « forêt obscure » où chacun est invité à faire son propre voyage ». 

    Huit ou dix téléviseurs sont apparus aux plus hautes fenêtres du mur de la cour d’honneur ; sur chaque, une lettre ou un écran noir : on peut lire le mot « ETOILES ». Un à un les téléviseurs viennent s’écraser sur la scène, vingt mètres plus bas environ. Reste seulement à lire : TOI. ( – Moi ? Quelle leçon de poésie nous fait-là Dante Castellucci !)

    Et comme dit René Solis : « Si le déploiement des visions n’a rien d’une grand-messe, c’est que tout se déploie avec une fluidité et un souci de la composition qui ne laisse aucune place au solennel. »

    Le solennel, voilà l’ennemi. Mais heureusement, le déploiement se déploie.

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    Ce que j’ai compris de ce spectacle ?

    Eh bien, les gens naissent, les gens meurent, et entre ces deux pôles, ils s’ennuient et font des enfants, mais surtout, ils s’ennuient en spectateurs.

    Génération, corruption, miroir.

    Vous ne me croirez peut-être pas, mais je le savais.

    Si jamais ce que j’ai compris est bien ce que Romeo Castellucci souhaitait que je comprenne, il n’avait qu’à le dire clairement, avec des mots, la chose aurait duré moins longtemps, et ça aurait été plus économique pour tout le monde.

    Ai-je été ému à un quelconque moment ?

    Non. Mais je me suis passablement emmerdé. Et certains sons m’ont agacé les dents.

     

    Ceci dit, Romeo Castellucci m’a tout l’air d’être un honnête « artiste contemporain ». Dans le petit programme remis au spectateur, il y a un court texte du « metteur en scène » joliment intitulé : J’ai quelque chose à dire, dont j’extrais ces quelques phrases :

    « La Divine Comédie est un projet impossible, c’est clair. La grandeur de ce livre excède le littéraire et, en terme de théâtre, elle le fait tourner à vide. Mais c’est alors qu’à travers l’impossible, je peux atteindre tous les possibles. »

    Et un peu plus loin :

    « En ce sens, être Dante. Adopter son attitude comme au début d’un voyage dans l’inconnu. Dire l’œuvre comme si elle n’avait jamais été écrite, jamais dite. Assumer cette responsabilité : prendre le risque de s’exposer totalement au ridicule.

    Il faut faire Dante, être Dante et non son œuvre. »

    Bref, à mission impossible, ridicule accompli.

     

    Mais enfin, soyons charitable, ne tirons pas sur le Dantiste.