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poésie - Page 15

  • La Chanson d'amour de Judas Iscariote, de Juan Asensio

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    Il nous paraîtrait lourdement préférable, pour différents motifs qui ne lésinent pas à se contredire entre eux, de ne pas parler de ce livre. Témoigner de la lecture de ce livre, si c’est bien cela qu’un critique doit faire, nous obligerait à admettre d’emblée que nous ne pouvons honnêtement témoigner, ou pour le dire autrement, d’une manière apparemment paradoxale, que notre lecture est incapable de témoigner d’elle-même ; pire, que notre lecture avoue seulement que nous ne savons pas lire. Ce qui n’est pas chose très plaisante. Nous allons donc, en assumant notre peu reluisante malhonnêteté, ne surtout pas nous demander en quoi ce livre pourtant lu nous ferait admettre que nous ne savons pas lire, et banaliser, comme on dit badiner, c’est-à-dire parler à côté, ne serait-ce que pour le plaisir pervers, qui ne compense au fond rien, qu’une critique, même débile, en existe quand même. Il ne s’agit bien sûr, de façon passablement ordurière, par un tel exercice, que de faire porter au livre en question le chapeau de notre incapacité, de reporter sur lui notre entière responsabilité. Le silence, donc, eût été préférable. Mais banalisons, donc. Et poussons notre évidente lâcheté jusqu’à mettre en situation, à notre convenance, notre propre lecteur, c’est-à-dire : vous.

     

     

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  • Dramaturgiques 1-3, précédé de Couple avec interrupteur hystérique #1

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    En guise d’amuse-gueule, d’abord ce texte poétique écrit pour « illustrer » une œuvre d’art contemporain de l’Américain Jerome Jeden dans un luxueux catalogue à paraître :

     

     

     

     

    COUPLE AVEC INTERRUPTEUR HYSTERIQUE #1

     

    Il est là, elle l’engueule, le méprise, l’humilie ; il n’est pas là, elle pleure, vacille, s’effondre ; elle le rappelle et il revient. Il est là, elle l’engueule, le méprise, l’humilie ; il n’est pas là, elle pleure, vacille, s’effondre ; elle le rappelle et il revient. Il est là, elle l’engueule, le méprise, l’humilie ; il n’est pas là, elle pleure, vacille, s’effondre ; elle le rappelle et il revient. Il est là, elle l’engueule, le méprise, l’humilie ; il n’est pas là, elle pleure, vacille, s’effondre ; elle le rappelle et il revient. Il est là, elle l’engueule, le méprise, l’humilie ; il n’est pas là, elle pleure, vacille, s’effondre ; elle le siffle, il revient.

     

     

    *

    Je ne saurais trop prier ceux de mes chers lecteurs qui pourraient s’accorder à ne point trouver trop futiles les petits travaux que j’ai pris l’habitude de leur présenter ici même, de porter une bienveillante attention aux trois petits dialogues qui suivent, modestement intitulés Dramaturgiques 1-3, et se trouvent être en abrégé le fruit de mes travaux dramaturgiques (donc) de ces dernières années…

     

     

     

     

     

     

     

    DRAMATURGIQUES 1-3

     

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    Tous les arts contribuent au plus grand de tous les arts, l’art de vivre. 

    Brecht

     

    1.

    L’homme. – Je cherche une occasion de mourir ; donnez-moi le prétexte.

    La société. – Pourquoi te donnerais-je cela ?

    L’homme. – Je n’ai pas peur de me battre.

    La société. – Ah, tu veux servir.

    L’homme. – Disons ça, alors.

    La guerre éclate. Issues également incertaines.

     

    2.

    L’homme. – Je cherche une occasion de mourir ; donnez-moi le prétexte.

    La société. – Pourquoi te donnerais-je cela ?

    L’homme. – Je n’ai pas peur de me battre.

    La société. – Je t’interdis de te battre.

    L’homme se tue. La société meurt.

     

    3.

    L’homme. – Je cherche une occasion de mourir ; donnez-moi le prétexte.

    La société. – Pourquoi te donnerais-je cela ?

    L’homme. – Je n’ai pas peur de me battre.

    La société. – J’aime la paix.

    L’homme attaque la société. Issues également incertaines.

     

    *

     

    Commentaires

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    Il est extrêmement agréable, lorsque l’on ne sait pas trop quoi écrire et que cette oisiveté même nous presse, de se livrer brièvement, volontairement à l’imbécillité la plus crasse.

    L’imbécillité consiste ici à fabriquer récréativement quelques dialogues faussement intelligents, profonds comme un trompe-l’œil, contrefaçon dégueulasse et méprisant la vie, et dont je puis seulement souhaiter, avec une pédagogie de carnaval, qu’ils servent à démasquer ceux de mes contemporains criminels qui les pratiquent sérieusement, appuyant leurs crevures ineptes d’un vernis propagandiste quand il n’est pas philosophe, sinon pire (ici, Brecht)…, lesquels contemporains sont ordinairement, mais cette fois dans la vie, de très jolies ordures, ce qui leur permet donc de très artistement se pavaner et de prendre de haut l’ordinaire péquin n’entendant fort logiquement rien à leurs carabistouilles à la con. Fabriquer ces trois dialogues idiots m’a pris exactement douze minutes, saisie incluse.

    Quant à la première pièce, Couple…,  elle m’a pris beaucoup moins de temps encore ; elle signale d’un dièse bienvenu son exemplaire modernité et devrait en droit être accompagnée d’une citation de Freud ; Jerome Jeden, lui, n’existe carrément pas.

     

     

  • Printanière poésie couleur femme

    (Billet initialement paru sur Ring : ici)

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    Quand une amie, en voiture l’autre jour, m’a annoncé en rigolant franchement que le thème du Printemps des Poètes de cette année était Couleur de femme ou Couleur femme (elle ne savait plus trop, et je ne puis point lui en vouloir, l’expression ne pouvant être réputée poétique que de n’avoir aucun sens précis) et que la manifestation débutait le 8 mars, date de la Journée de la Femme (qui est celle aussi, du coup, de la très justifiée Blague misogyne), j’ai d’abord émis l’hypothèse improbable mais drôlatique (enfin, relativement) qu’il y avait là une coquille (au sens de la typographie, pas de l’œuf) et qu’il devait être en réalité question de je ne sais quelle Coulure de femme (c’est de l’humour à la mode non point machiste mais féministe, me justifié-je illico, songeant avec nostalgie à cet ancien journal féministe intitulé Le Torchon brûle, revue menstruelle) et, bref, nous avons bien rigolé tous les deux.  

    Plus tard, je me suis renseigné sur internet. C’était bien Couleur femme. Le titre était emprunté au recueil de poèmes d’une dame nommée Guénane Cade. Le site officiel du Printemps des Poètes donne un extrait de sa poésie (sans préciser d’ailleurs si elle vient bien de ce recueil-là, mais bon) ; je ne crains pas de le recopier ici :

     

    « Ouvre la fenêtre

    les yeux les bras

    tout est ici

    ici-bàs

    ici bat la poésie

    d’autre monde il n’y a pas.

     

    Être Poète

    c’est prendre les mots

    par la main

    pour craindre moins

    d’avancer

    seul

    au cœur des masques collés

    sur la vie.

     

    Être poète

    c’est percer une fenêtre

    quand le mur n’en a pas. »

     

    C’est beau, hein ?

    Puissant, profond, simple, pigeable illico, archi-rabâché, pétri de lieux communs. (J’ai même recopié les coquilles : « ici-bàs » ; avec les poètes on ne sait jamais.)

    Il dit d’ailleurs la vérité, ce poème, quoique bien malgré lui : dans ces temps pourris de transparences diverses et d’assauts répétés contre le dernier mur en carton-pâte séparant le privé du public, il n’y plus guère partout que d’immenses baies vitrées dans lesquelles il serait parfaitement crétin d’aller percer des fenêtres. « A quoi bon des poètes par temps de fenêtres ? », comme ne disait pas Hölderlin.

     

    Mais peu importe, cela m’a donné envie.

    Oui. Pourquoi ne serais-je point poète, moi-z-aussi ?

    Quitte à rajouter un e à mon prénom, afin de bénéficier des privilèges idiots qu’on accorde aux poètes femmes cette année (en contrepartie de quoi, d’ailleurs – je pense vraiment qu’il faudrait un peu se poser la question ?).

    C’est vrai, quoi. Il suffit de revenir fréquemment à la ligne, en somme de tronçonner sa banale phrase en morceaux pour la tartiner tranquillement sur la page en espérant que ce douteux artifice lui donnera la profondeur dont elle manque d’évidence. Yapluka. D’autant qu’on peut dire ce qu’on veut comme on veut, et de préférence n’importe quoi n’importe comment.

    (Je m’étonne toujours, à cette heure sinistre où le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, que mes amis écologistes bon teint ne tonitruent pas davantage contre les poètes gaspilleurs de papier qui passent leur temps à foutre sur une page pleine ce qui aurait pu tenir en trois lignes franchement pas indispensables. Oui, ces baratineurs de long de poètes printaniers qui bouzillent des forêts à la moindre renécharade que leur esprit flatule, il n’en est jamais question sur vos tracts en papier recyclé de campagne électorale, amis écologistes.)

    Pourquoi s’emmerder, hein ? Devenons poète à notre tour et perçons une salutaire fenêtre dans la baie vitrée (je trouve l’image moins éculée que le sempiternel enfonçage de portes ouvertes – merci Guénane Cade).

     

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