Je ne diffère pas tellement du vomi
M’a-t-on appris à l’autre école
Il faut bien que je me cherche là-dedans
Pour devenir célèbre
Si vous pensez que je ne sais pas que je commence mal…
Dites vous que ce foutage de gueule est un concert, avec… je ne sais pas, moi, un côté vraiment rock, grand-guignol hérité droit des Grecs, hémoglobine, adrénaline, testostérone, quelque chose comme cela, ce que vous voudrez. Des lumières architecturées rococo balaient une rognure humaine encore debout – votre serviteur – et merci la coco. De l’autre côté des grilles, des gueules qui s’y écrasent. Les rangers des mecs font floc-floc dans ce qu’ont dégouliné les groupies et c’est bon. Un son à réveiller l’enfer – vide, lui aussi. Des tranches de transe vendues en numérique, le disque à fond dans la bagnole juste avant l’accident, extase finale. Par exemple.
Pour avoir l’air cultivé, je voudrais placer ce concert en cuir d’homme sous le signe d’un poète. J’ai donc pris un vers dans un livre allemand, mais je ne sais plus lequel – et peu importe – mais je vous jure que c’est putain de profond.
LA RUDE MONNAIE DES RËVES SONNE A PRESENT SUR LES DALLES DU MONDE
C’est toujours bien, non, de citer un poète ? Salut, les filles ! Oh, les jolis petits trous !...
Soyons romantique un peu, merde, et concédons de vaines paroles à la baudruche. Et surtout, singeons-nous. Soyons comique. Vous ne mesurez pas l’effort. Il y a un troupeau à faire rire. Disons n’importe quoi. Soyons démocratique. Parlons plutôt d’amour. Sketchons la lettre.
Mon amour
– virgule –
Tu es mon amour
– point –
Et mon amour pour toi
Est infini
– virgule –
Mon amour
– point –
Mon amour
– virgule –
Je te porte en moi
– point –
Donc
– virgule –
Tu es mon amour pour toi
– point-virgule –
Et moi
– virgule –
Dans de salopes délices
– hoquet –
Je me suis arraché l’infini
Pardon, je reprends, vous épargne la technique ou la rend invisible, affleurant dessous, portant ces maigres mots rabâchés, cette banalité à scruter des visages bordant leurs larmes – mais pourquoi. Respirons autrement – slogan écolopoétique –, nous aurons mieux l’air d’avoir pensé. Le cynisme montré est moins cynique que la sincérité crue. Car enfin, il faut que l’on y croie. Par ici la monnaie. Singeons mieux. Je n’ai de toute façon pas d’autre but ici que de placer à destination d’un lecteur idéal une phrase potable dans une océan de rinçures croupies – démerdez-vous.
Mon amour
Tu es mon amour
Et mon amour pour toi
Est infini
Mon amour
Mon amour
Je te porte en moi
Donc
Tu es mon amour pour toi
Et moi
Dans de salopes délices éphémères
Je me suis arraché l’infini
Alors
Quoi est le reste
Rien
Enchaîné, aux ordres, je ne me sentais pas responsable de nos massacres pieux – mon bras, pourtant – et ta gloire tout de même pleuvait un peu sur mes épaules. Depuis, mon vieux maître de paix, et pour ma liberté, je me suis déchaîné. Je goûte à présent tes viscères, bois le sang de mes frères. Je suis en liberté. Comment se pourrait-il que l’on n’enviera pas ma sagesse, puisque j’ai su tout perdre ? Un vrai dieu – rire – si le premier de ces trois termes ne pourrit pas d’oxymore les suivants…
Sous les rires et les huées de mes pairs, je chante ma gloire et te défèque, ô mon vieux maître. Comment se pourrait-il que l’on n’enviera pas cette communion, puisque je me baigne dans du fric ?
Dans des cauchemars éclatants de lumière, parfois, je supplie un tas d’excréments qu’il me rende neuves mes chaînes métaphysiques rompues, mais je ne puis parler ni entendre, les testicules racornis et sanglants de mes frères humains me servent de bubble-gum, de boules quiès… Comment se pourrait-il que l’on n’enviera pas mes rêves, puisqu’ils tournent en boucle sur tous écrans ?
Je sais bien que ma parole est une bouillie informe, fraîche de millions d’enfants à naître passés au mixeur. Car ceci est mon sang, que vous buvez à chaque instant, sans prendre la peine même de le savoir. Comment se ferait-il que l’on ne m’aimera pas, puisque c’est parfaitement indifférent ?
Note : Le vers en lettres capitales est en effet le dernier du poème « Marianne » de Paul Celan, dans Pavot et mémoire.