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académie française

  • Printanière poésie couleur femme

    (Billet initialement paru sur Ring : ici)

    cochons.jpg

    Quand une amie, en voiture l’autre jour, m’a annoncé en rigolant franchement que le thème du Printemps des Poètes de cette année était Couleur de femme ou Couleur femme (elle ne savait plus trop, et je ne puis point lui en vouloir, l’expression ne pouvant être réputée poétique que de n’avoir aucun sens précis) et que la manifestation débutait le 8 mars, date de la Journée de la Femme (qui est celle aussi, du coup, de la très justifiée Blague misogyne), j’ai d’abord émis l’hypothèse improbable mais drôlatique (enfin, relativement) qu’il y avait là une coquille (au sens de la typographie, pas de l’œuf) et qu’il devait être en réalité question de je ne sais quelle Coulure de femme (c’est de l’humour à la mode non point machiste mais féministe, me justifié-je illico, songeant avec nostalgie à cet ancien journal féministe intitulé Le Torchon brûle, revue menstruelle) et, bref, nous avons bien rigolé tous les deux.  

    Plus tard, je me suis renseigné sur internet. C’était bien Couleur femme. Le titre était emprunté au recueil de poèmes d’une dame nommée Guénane Cade. Le site officiel du Printemps des Poètes donne un extrait de sa poésie (sans préciser d’ailleurs si elle vient bien de ce recueil-là, mais bon) ; je ne crains pas de le recopier ici :

     

    « Ouvre la fenêtre

    les yeux les bras

    tout est ici

    ici-bàs

    ici bat la poésie

    d’autre monde il n’y a pas.

     

    Être Poète

    c’est prendre les mots

    par la main

    pour craindre moins

    d’avancer

    seul

    au cœur des masques collés

    sur la vie.

     

    Être poète

    c’est percer une fenêtre

    quand le mur n’en a pas. »

     

    C’est beau, hein ?

    Puissant, profond, simple, pigeable illico, archi-rabâché, pétri de lieux communs. (J’ai même recopié les coquilles : « ici-bàs » ; avec les poètes on ne sait jamais.)

    Il dit d’ailleurs la vérité, ce poème, quoique bien malgré lui : dans ces temps pourris de transparences diverses et d’assauts répétés contre le dernier mur en carton-pâte séparant le privé du public, il n’y plus guère partout que d’immenses baies vitrées dans lesquelles il serait parfaitement crétin d’aller percer des fenêtres. « A quoi bon des poètes par temps de fenêtres ? », comme ne disait pas Hölderlin.

     

    Mais peu importe, cela m’a donné envie.

    Oui. Pourquoi ne serais-je point poète, moi-z-aussi ?

    Quitte à rajouter un e à mon prénom, afin de bénéficier des privilèges idiots qu’on accorde aux poètes femmes cette année (en contrepartie de quoi, d’ailleurs – je pense vraiment qu’il faudrait un peu se poser la question ?).

    C’est vrai, quoi. Il suffit de revenir fréquemment à la ligne, en somme de tronçonner sa banale phrase en morceaux pour la tartiner tranquillement sur la page en espérant que ce douteux artifice lui donnera la profondeur dont elle manque d’évidence. Yapluka. D’autant qu’on peut dire ce qu’on veut comme on veut, et de préférence n’importe quoi n’importe comment.

    (Je m’étonne toujours, à cette heure sinistre où le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, que mes amis écologistes bon teint ne tonitruent pas davantage contre les poètes gaspilleurs de papier qui passent leur temps à foutre sur une page pleine ce qui aurait pu tenir en trois lignes franchement pas indispensables. Oui, ces baratineurs de long de poètes printaniers qui bouzillent des forêts à la moindre renécharade que leur esprit flatule, il n’en est jamais question sur vos tracts en papier recyclé de campagne électorale, amis écologistes.)

    Pourquoi s’emmerder, hein ? Devenons poète à notre tour et perçons une salutaire fenêtre dans la baie vitrée (je trouve l’image moins éculée que le sempiternel enfonçage de portes ouvertes – merci Guénane Cade).

     

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  • La République contre le français ?

    Information trouvée sur L’annexe, le blog de Jean-Jacques Nuel :

     

    *

     

    (Cette déclaration a été votée à l'unanimité par les membres de l'Académie française dans sa séance du 12 juin 2008).

     

    Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé la France. Par un juste retour, notre Constitution a, dans son article 2, reconnu cette évidence : « La langue de la République est le français ».

    Or, le 22 mai dernier, les députés ont voté un texte dont les conséquences portent atteinte à l’identité nationale. Ils ont souhaité que soit ajoutée dans la Constitution, à l’article 1er, dont la première phrase commence par les mots : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », une phrase terminale : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».

    Les langues régionales appartiennent à notre patrimoine culturel et social. Qui en doute ? Elles expriment des réalités et des sensibilités qui participent à la richesse de notre Nation. Mais pourquoi cette apparition soudaine dans la Constitution ?

    Le droit ne décrit pas, il engage. Surtout lorsqu’il s’agit du droit des droits, la Constitution.

    Au surplus, il nous paraît que placer les langues régionales de France avant la langue de la République est un défi à la simple logique, un déni de la République, une confusion du principe constitutif de la Nation et de l’objet d'une politique.

    Les conséquences du texte voté par l'Assemblée sont graves. Elles mettent en cause, notamment, l’accès égal de tous à l'Administration et à la Justice. L'Académie française, qui a reçu le mandat de veiller à la langue française dans son usage et son rayonnement, en appelle à la Représentation nationale. Elle demande le retrait de ce texte dont les excellentes intentions peuvent et doivent s'exprimer ailleurs, mais qui n'a pas sa place dans la Constitution.

     

     

     

    Voir aussi, à propos de l’Académie française, le billet titré 1984 ; et sur (pour partie) l’article 2 de la Constitution, le billet titré Du devoir d’insubordination.

  • 1984

     

    J’aurais certainement pu expliquer, mais par l’exemple seulement hélas, que parler des hommes préhistoriques inclut les femmes, tandis que parler des femmes préhistoriques exclut les hommes. Et j’aurais ajouté, trop brutalement sans doute, que le féminin était, au moins en grammaire, le genre même de la discrimination – laquelle, je le précise, au-delà de toute provocation, n’est pas par nature criminelle et est même souvent, en nombre de cas où elle permet de distinguer les choses entre elles, parfaitement fondée.

    Au résultat, parce que la mode est à la confusion entretenue des genres grammaticaux et naturels, mes propos se seraient retournés contre moi. – Qu’elle soit volontaire ou subie, cette confusion des genres grammaticaux et naturels relève exclusivement de la superstition : exactement comme si l’on cherchait à « déduire » les opinions politiques d’un boxeur du fait que sa droite est meilleure que sa gauche – ou l’inverse – et du nombre de combats qu’il gagne ; puis à faire de cette « déduction » une prétendue « loi universelle » applicable à coup sûr à tout cas.

    Car tel est bien le point de destruction de la logique auquel nous voilà parvenus.

    *

    L’idée soudain m’effleure vaguement qu’il pourrait apparaître à quelques cervelles modernes réactionnaire, ringard ou je ne sais quelle autre infâme bondieuserie de citer cette institution forcément obsolète qu’est l’Académie française.

    Plus personne, évidemment, n’a besoin d’apprendre – je ne parle pas même de se souvenir – qu’il existe en grammaire française un genre marqué et un genre non marqué, lesquels sont ordinairement nommés, respectivement, féminin et masculin.

    Plus personne, évidemment, n’a besoin de savoir quoi que ce soit sur sa langue maternelle, puisqu’il est exactement recommandé par certaines autorités en charge de l’éducation, de parler comme des porcs.

    On se demande même par quelle intervention de la Providence, ces « éducateurs » d’un genre assurément nouveau n’ont pas eu l’idée, au moment d’en finir avec la langue française, d’asséner qu’elle était en réalité paternelle, et conséquemment, criminelle, coupable et condamnée…

    A l’époque de cette déclaration remarquable, la France vivait donc sous la Présidence de François Mitterrand, et poussait même l’âge d’or jusqu’à connaître un troisième gouvernement Mauroy.

    Il est ainsi possible de voir et de comprendre très manifestement la provenance des saloperies qui, plus de vingt ans après, continuent d’échoir sur nos gueules d’ahuris ; et comment la « femellisation » de la langue, s’il est permis de néologiser au moment de citer l’Académie, est en réalité une volonté de retourner la langue contre elle-même, et de l’ « auto-détruire » (on dit bien de certaines personnes qu’elles ont été suicidées).

    Quant au mot de « femellisation » que je viens d’employer, il est l’ennemi – au moins dans mon esprit – de toute féminité. Je tenais à le préciser.

    Féminisation

    (Déclaration de l’Académie française, 14 juin 1984)

    L’Académie a appris par la presse l’existence d’une Commission de terminologie, créée à l’initiative du Gouvernement (décret du 29 Février 1984), « chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes ».

    Le décret précise que « la féminisation des noms de professions et des titres vise à combler certaines lacunes de l’usage de la langue française ».

    On peut craindre que, ainsi définie, la tâche assignée à cette commission ne procède d’un contresens sur la notion de genre grammatical, et qu’elle ne débouche sur des propositions contraires à l’esprit de la langue.

    Il convient en effet de rappeler qu’en français comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le genre naturel.

    Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés « masculin » et « féminin ». Ces vocables hérités de l’ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué.

    Le genre dit couramment «  masculin » est le genre non marqué, qu’on peut appeler aussi extensif en ce sens qu’il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l’un et l’autre genre. Quand on dit « tous les hommes sont mortels », « cette ville compte 20 000 habitants », « tous les candidats ont été reçus à l’examen », etc..., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l’opposition des sexes n’est pas pertinente et qu’on peut donc les confondre.

    En revanche, le genre dit couramment « féminin » est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est privative. Elle affecte le terme marqué d’une limitation dont l’autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux être animés, institue entre les sexes une ségrégation.

    Il en résulte que pour réformer le vocabulaire des métiers et mettre les hommes et les femmes sur un pied de complète égalité, on devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit « féminin »- en français, genre discriminatoire au premier chef - soient évités ; et que, chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations professionnelles le genre non marqué.

    Seul maître en la matière, l’usage ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Quand on a maladroitement forgé des noms de métier au féminin, parce qu’on s’imaginait qu’ils manquaient, leur faible rendement (dû au fait que le cas non marqué contenait déjà dans ses emplois ceux du cas marqué) les a très vite empreints d’une nuance dépréciative : cheffesse, doctoresse, poétesse, etc. On peut s’attendre à ce que d’autres créations non moins artificielles subissent le même sort, et que le résultat aille directement à l’encontre du but visé.

    Il convient enfin de rappeler qu’en français la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales... Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le désordre dans un équilibre subtil né de l’usage, et qu’il paraîtrait mieux avisé de laisser à l’usage le soin de modifier.

    *

    C’était donc, comme par hasard – et cela ne me dérange en rien que l’on entende dans le « comme » l’annulation déjà du mot « hasard » –, en 1984 qu’un gouvernement socialiste, comme par hasard – idem –, inaugura la novlangue de merde que nous sommes aujourd’hui contraints d’animalement éructer, sous peine d’une mise au ban qui pour paraître effectivement chaque jour plus désirable n’en est pas moins extrêmement difficile à assumer.

    (Et bien sûr, ce sont les mêmes salopards qui à la fois imposent cette « femellisation » de la langue, et interdisent de fait, et prétendraient-ils le contraire –, par des mesures propres à faire passer leur ancêtre Tartuffe pour un authentique Père de leur Eglise d’abrutis, l’enseignement jadis exigeant, et fondé seulement sur une autorité de compétence, de la langue française.)

    Cette novlangue est un forçage autoritaire – au sens le plus moderne et dévoyé du mot – et totalitaire de la langue française : l’usage y est défini par l’abus.

    Et comme j’imagine que l’image parlera à des gens qui veulent à toute force faire coïncider exactement genres grammaticaux et naturels – et aussi parce que je sais que la position que je tiens ici est par avance perdue –, je dirai que cette novlangue est un viol du français.

    Car la langue était vivante ; et elle était un corps en vie. Et la voilà violée maintenant ; et la voilà comme morte. De mauvais esprits voudront peut-être noter que je parle d’un viol de la langue pour illustrer la manifestation tyrannique de sa femellisation obligatoire, c’est-à-dire : la volonté autocratique d’exclure un genre grammatical masculin incompris, puisque ramené sans logique au genre naturel. J’espère seulement qu’il restera à ces mauvais esprits assez de logique (et de courage, aussi) pour comprendre qu’il s’agit là à la fois d’une métaphore et d’un euphémisme.