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poésie - Page 17

  • Cras mane

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il la regarde plutôt que le frigo

    Et elle par la fenêtre le ciel.

     

    Elle dit une chose banale

    Du café ?

    Dont son esprit est à mille lieues

    Puis elle lui sourit

    Attendant sinon sa réponse

    Sa voix.

     

    Lui songe à ce rêve qu’il a fait

    Au-dedans un secret

    Dont il ne parlera jamais

    Puis il lui répond

    Avec des mots banals

    Les mêmes.

  • Pendant ce temps, les ânes gueulent en massacrant des harpes

    Qui sages est nel deit celer,

    mais pur ceo deit son sen monstrer

    que, quant sera del siecle alez,

    en seit puis toz jours remembrez.

    Si danz Homers et danz Platons

    et Virgiles et Citherons

    lor sapence celasant,

    ja ne fut d’els parlé avant.

    Por ce ne voil mon sen taisir,

    ma sapience retenir,

    ainz me delite a conter

    chose digne de remembrer.

    Tous se taisent cil del mestier

    si ne sont clerc ou chivalier :

    ensement poent escouter

    come li asnes a harper.

     

    Celui qui est sage ne doit pas le cacher,

    mais doit au contraire montrer son savoir

    pour que, quand il aura quitté ce monde,

    on se souvienne toujours de lui.

    Si maître Homère et maître Platon,

    et Virgile et Cicéron

    avaient caché leur sagesse,

    jamais depuis lors on n’aurait parlé d’eux.

    Qu’ils se taisent tous, ceux de ma profession,

    s’ils ne sont clercs ou chevaliers :

    ils sont tout aussi capables de m’écouter

    qu’un âne de jouer de la harpe.

     

    Anonyme, Le Roman de Thèbes, vers 1 à 16, milieu du XII° siècle.

    Traduction de Francine Mora-Lebrun

     

    Roman de Thèbes.jpg

     

    Quatrième de couverture :

    « Libre adaptation de La Thébaïde de Stace – épopée latine qui raconte le conflit fratricide des deux fils d’Œdipe – composé vers le milieu du XII° siècle, Le Roman de Thèbes est le tout premier roman rédigé en français. Il a sans doute vu le jour à la cour brillante de Henri II Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine, qui était alors le centre cultivé le plus attractif de tout l’Occident. Le clerc cultivé qui en est l’auteur, en pratiquant un anachronisme concerté, nourri notamment par des souvenirs de la Première Croisade, s’efforce de faire revivre l’Antiquité dans les consciences médiévales. Encore tributaire à certains égards des chansons de geste, et surtout de La Chanson de Roland à laquelle il se réfère plusieurs fois, il procède aussi à leur remise en question en élaborant les principes d’une nouvelle écriture narrative, la « mise en roman ». »

     

  • Un poème de la modernitude

    Courte et triste est notre vie ;

    il n’y a pas de remède lors de la fin de l’homme

    et on ne connaît personne qui soit revenu de l’Hadès.

    Nous sommes nés du hasard,

    après quoi nous serons comme si nous n’avions pas existé.

    C’est une fumée que le souffle de nos narines,

    et la pensée, une étincelle qui jaillit au battement de notre cœur ;

    qu’elle s’éteigne, le corps s’en ira en cendre

    et l’esprit se dispersera comme l’air léger.

    Avec le temps, notre nom tombera dans l’oubli,

    nul ne se souviendra de nos œuvres ;

    notre vie passera comme les traces d’un nuage,

    elle se dissipera comme un brouillard

    que chassent les rayons du soleil

    et qu’abat sa chaleur.

    Oui, nos jours sont le passage d’une ombre,

    notre fin est sans retour,

    le sceau est apposé et nul ne revient.

     

    Venez donc et jouissons des biens présents,

    usons des créatures avec l’ardeur qui sied à la jeunesse.

    Enivrons-nous de vins de prix et de parfums,

    ne laissons point passer la fleur du printemps,

    couronnons-nous de boutons de roses avant qu’ils ne se fanent,

    qu’aucune prairie ne soit exclue de notre orgie,

    laissons partout des signes de notre liesse,

    car telle est notre part, tel est notre lot !

    Opprimons le juste qui est pauvre,

    n’épargnons pas la veuve,

    soyons sans égard pour les cheveux blancs chargés d’années du vieillard.

    Que notre force soit la loi de la justice,

    car ce qui est faible s’avère inutile.

    Tendons des pièges au juste, puisqu’il nous gêne

    et qu’il s’oppose à notre conduite,

    puisqu’il nous reproche nos péchés contre la Loi

    et nous accuse de péchés contre notre éducation.

    Il se flatte d’avoir la connaissance de Dieu

    et il se nomme enfant du Seigneur.

    Il est devenu un blâme pour nos pensées,

    sa vue même nous est à charge ;

    car son genre de vie ne ressemble pas aux autres

    et ses sentiers sont tout différents.

    Nous comptons pour lui comme de la fausse monnaie,

    et il s’écarte de nos chemins comme d’impuretés.

    Il proclame heureux le sort final des justes

    et il se vante d’avoir Dieu pour père.

    Voyons si ses dires sont vrais,

    expérimentons ce qu’il en sera de sa fin.

    Car si le juste est fils de Dieu, Celui-ci l’assistera

    afin de connaître sa douceur

    et d’éprouver sa résignation.

    Condamnons-le à une mort honteuse,

    puisque, à l’entendre, il sera visité. 

     

    Ce poème fut écrit en grec dans la première moitié du premier siècle avant Jésus-Christ, probablement à Alexandrie.

    Son auteur nous est inconnu.

    On peut lire l’intégralité de ce poème dans la plupart des Bibles chrétiennes. Il a pour titre Sagesse de Salomon (chez les Grecs), ou simplement Sagesse (liber sapientiae, selon la Vulgate). Il ne figure pas dans l’Ancien Testament des juifs, les protestants en font un apocryphe.

    La présente traduction est celle d’Emile Osty et Joseph Trinquet (Bible Osty).

    Quant au passage cité, il est introduit ainsi :

     

    Mais les impies appellent la mort du geste et de la voix ;

    la tenant pour amie, pour elle ils se consument,

    avec elle ils font un pacte,

    dignes qu’ils sont de lui appartenir.

     

    Car ils disent entre eux, dans leurs faux calculs :

     

    Le premier passage cité ici relate donc la parole de ces impies ayant fait un pacte avec la mort.

    La modernité n’est pas du tout récente ; c’est une très ancienne saloperie.

    Et rien ne la contient plus.