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critique - Page 15

  • "Jannick Haenul, roman bref"

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Avertissement. Voici donc une petite farce, point trop méchante j’espère, ni trop bénigne, sans autre prétention que de distraire qui veut bien ; néanmoins, au vu non point de la banale polémique qui sévit ces jours-ci dans les milieux autorisés mais de ce sur quoi elle porte au fond, si rire à ce sujet vous déplaît ou même, plus généralement, si l’humour noir vous indispose, je ne saurais trop vous conseiller de vous dispenser de lire cette tartignolle pochade…

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  • Brève métaphysique de l'ennui

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    C’est un petit bijou. Trois pages, dans mon édition de poche. C’est une saynète impeccable, quoique probablement très difficile à représenter, au dialogue très clair, d’une grande ampleur dans son économie – tonnes de romans pour rien...  ; c’est un poème dialogué, une allégorie. Tout y est très simple à comprendre ; et pourtant… Nous avons sous les yeux tous les éléments du problème et toute conclusion pourtant se dérobe, toute morale semble impossible à décider honnêtement.

     Cela s’appelle Une scène tirée de Faust. L’auteur est Alexandre Pouchkine. 1825. On peut bien sûr, comme le fait dans mon édition le traducteur, Wladimir Troubetzkoy, se demander où s’insérerait dans le Faust de Goethe, mais la saynète est parfaitement autonome – même la référence à Marguerite, simplement évoquée en « Gretchen », se comprend très bien : elle est l’amour perdu de Faust, et cela, ici, suffit.

     

    Faust et Méphistophélès, donc, sont au bord de la mer.

     

    Je m’ennuie, démon.

     

    Telle est la première réplique.

    Le boulevard s’ouvre à Méphistophélès, qui répond que c’est loi commune aux hommes, et que tout le monde s’ennuie. Mais Faust veut de son démon qu’il lui trouve un moyen quelconque pour le distraire.

    Méphistophélès se targue de psychologie, et c’est peu dire en effet ; c’est qu’il connaît son bonhomme de Faust et sait qu’il n’y a qu’à lui dire sa vérité pour le retourner. Et quoi ? On a beau connaître cette logique-là à fond, elle opère néanmoins. Et Méphistophélès de démontrer à Faust, qu’il s’est toujours ennuyé, de l’école au bordel, et jusque dans sa science ; et que sans cet ennui, qu’au début de la réplique il qualifiait de repos de l’âme, jamais Faust ne l’aurait appelé.  Faust évoque alors, mieux que l’insaisissable gloire et la fausse lumière de la connaissance, l’union de deux âmes… Rien n’excite autant l’ironie subtile du démon, qui provoque Faust à exalter son amour perdu, avant de lui rappeler que là aussi, encore dans les bras de Gretchen, déjà, il s’ennuyait. Puis – et c’est un sommet théâtral que de parvenir à faire cela avec autant d’évidence –, Méphistophélès, psychologue absolu, raconte à Faust ce que Faust lui-même pensait à ce moment-là :

     

    Après m’être enivré de jouissance, je considère la victime de mon caprice avec une répugnance insurmontable : ainsi un scélérat, après s’être sottement décidé à une mauvaise action et avoir égorgé dans un bois un pauvre hère, injurie son corps estropié ; ainsi la dépravation, après s’être rassasiée à la hâte sur une beauté vénale, la considère avec crainte…

     

    Voilà ce que sait Méphistophélès qu’a pensé Faust ; et nous ne saurons pas, hélas ! ce qu’avait conclu le démon de ces pensées de Faust car ce dernier, que ce discours insupporte et énerve réellement, empêche le démon de parvenir à sa conclusion, et lui hurle, imagine-t-on (aucune didascalie n’entache ces dialogues), de se cacher, de fuir son regard. Ce que le démon n’accepte qu’à la condition que Faust lui donne quelque chose à faire ; sans quoi, il restera avec lui. Faust aperçoit quelque chose à l’horizon. C’est un vaisseau espagnol, prêt à aborder.

     

    FAUST. – Submerge tout.

     

    MEPHISTOPHELES. – A l’instant.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Elites

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    Comme la plupart des gens, et dans presque tous les domaines de la vie, un trop grand désordre me fait souhaiter davantage d’ordre et de rigueur, un ordre trop pesant davantage de désordre et de fantaisie ; comme s’ils étaient tous deux, ordre et désordre, nécessaires et insupportables. Je suis un partisan du juste milieu et bien sûr, je ne m’y tiens jamais, faute de jamais le reconnaître.

    Notre monde mondial, qui croule sous des kilotonnes de lois et règlements, est en proie au chaos, à la confusion. Certaines idéologies, cyniques et naïves, mais devenues banales, voudraient qu’ultimement les différentes composantes de ce monde se fondent, fusionnent en une seule, qu’elles rêvent ou délirent enfin humaine, et même : humanité. Comme s’il nous fallait en fin finale un monde tout à la fois confus et fondu ; et qu’au surplus, ce gros flou-là nous serve tout uniment d’ordre et de désordre – selon, j’imagine, le réglage de la focale.

    Mais la question demeure, qui peut faire son grabuge, de qui règle la focale.

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  • A quoi sert la critique ? Au Théâtre du Rond-Point

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    Au risque de surprendre mes très fidèles lecteurs, je vais vous avouer quelque chose : j’aime bien Jean-Michel Ribes, actuel patron du Théâtre du Rond-Point, quelque part aux bien nommés Champs-Elysées, à Parmerde. Oui. Et il y a à cela plusieurs excellentes raisons. La première est que je ne le connais pas personnellement. Les seconde et troisième, que je n’ai jamais rien lu ni vu de lui – du moins que je sache. Si donc je puis dire bien aimer Jean-Michel Ribes, c’est essentiellement parce que, vouant à l’humanité en général une espèce de scepticisme parfaitement justifié (et tant pis si « vouer un scepticisme » n’est pas une expression très sensée), je m’astreins, en manière sans doute de compensation, à préjuger toujours favorablement de tout individu dont je ne sais rien, sauf son nom. Bref, si j’aime Jean-Michel Ribes, c’est parce que je ne le connais pas, ni ne sais rien de lui – me refusant à croire, par principe, ce qu’en-dira-t-on que notre époque technoconne a modernisé, c’est-à-dire institué, en mise en réseau ou réticulation, et qui lui doit servir rien moins que d’alpha et d’oméga, amen.

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