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assouline

  • Des livres ou des Lettres

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    Ce blog étant une simple poubelle, j’y publie ce jour une coupe faite dans un autre texte, au départ brève parenthèse qu’à force de corriger j’ai fini par enfler trop considérablement, et jusqu’à l’annoter.

     

     

     

    (La prétention quelque peu surannée, au moins depuis que la production de livres est un secteur comme un autre du marketing global*, à être critique littéraire vit presque nécessairement de cette idée rarement justifiée et touchant fréquemment au délire, que le critique surplombe, même d’un rien, la production de son temps ; et qu’il est donc fondé, par la parole ou le silence, à lancer depuis son Olympe autoproclamée, qu’entretiennent il est vrai de patentés marchands de merde, ses foudres en carton-pâte sur tel ou tel des livres qu’il aura, ou non, lus. A l’inverse, le même présupposé, souvent insu et en tout cas jamais avoué, de fictif surplomb du critique veut que tout livre, lu ou non, qui lui semblera ou lui devra sembler d’essence supérieure soit en quelque sorte ramené au niveau de ce critique soi-même et donc, dans le cas où le livre serait effectivement remarquable, ravalé, rabaissé et finalement banalisé à cet étage de médiocrité satisfaite où se goberge un tel pitre. C’est ainsi que d’un même allant, le critique professionnel, point trop sourcilleux sur le changement d’objet, aux deux extrêmes de son obscur travail, étrille un livre qu’il a trouvé mauvais ou tape dans le dos de l’auteur d’un livre qu’il a trouvé, ou doit trouver, remarquable. Aussi nécessaire soit-elle, la liberté de blâmer ne garantira jamais qu’un éloge soit flatteur, ce qui n’a d’importance que d’entregent, ni juste – ce qui est plus grave, quoique tout le monde s’en tamponne, devrais-je préciser que je parle moins ici de justice que de justesse. Car finalement, ce que le critique en sa fiction faussée de l’objectivité à géométrie variable feint toujours de surplomber, c’est sa propre lecture, et les conditions de celle-ci, souvent misérables, parfois corrompues, toujours contingentes ; face à tel livre qu’il trouve on ne sait finalement pourquoi d’essence supérieure, il n’admire pas ; non, ne se déparant jamais de son merdeux surplomb, il trouve admirable, et c’est très différent.)

     

     

     

    (*) On peut comprendre ainsi que le célèbre titre du blog critique « La République des livres » du petit monsieur Assouline** signe simplement une soumission au diktat de la marchandise, au tout-venant de la production d’objets de consommation prétendument culturels, et désigne par le fait exactement le contraire de ce que fut, de la Renaissance à une période très récente, quoique nous en soyons déjà formidablement éloignés, la République des Lettres, la substitution du mot livres à celui de Lettres*** pervertissant au passage le beau mot de République, le privant en quelque sorte d’être entendu dans son sens métapolitique, celui pour aller vite d’une Europe de l’esprit, et le faisant descendre non seulement à l’idée du régime politique, qui eut sa grandeur et sa mystique, mais à ce qu’elle est aujourd’hui devenue, une idée démocratique quelque peu fictionnelle où l’on sait seulement qu’au mieux, tout devrait valoir tout et qu’il faut donc tendre à ce mieux – ce qui revient en somme, concrètement, à écrabouiller toute possibilité d’une critique qui ne serait pas du semblant pour simplement informer les gens de ce qu’ils doivent ou peuvent, sinon penser, du moins lire.    

     

    (**) Je ne cite ce nom que parce que le titre de son blog est exemplaire, mais cela vaut aussi bien pour un très grand nombre de ses confrères « prescripteurs ».

     

    (***) En un sens, il est arrivé bien pire encore à la belle dénomination des « Arts et Lettres », dont on fait encore, et le mot est désormais à se pisser dessus, des Chevaliers**** : on ne l’a pas changée.

     

    (****) Je t’en foutrai, moi, une chevalerie de cet acabit.  

     

     

     

  • A quoi sert la critique ? Au Théâtre du Rond-Point

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    Au risque de surprendre mes très fidèles lecteurs, je vais vous avouer quelque chose : j’aime bien Jean-Michel Ribes, actuel patron du Théâtre du Rond-Point, quelque part aux bien nommés Champs-Elysées, à Parmerde. Oui. Et il y a à cela plusieurs excellentes raisons. La première est que je ne le connais pas personnellement. Les seconde et troisième, que je n’ai jamais rien lu ni vu de lui – du moins que je sache. Si donc je puis dire bien aimer Jean-Michel Ribes, c’est essentiellement parce que, vouant à l’humanité en général une espèce de scepticisme parfaitement justifié (et tant pis si « vouer un scepticisme » n’est pas une expression très sensée), je m’astreins, en manière sans doute de compensation, à préjuger toujours favorablement de tout individu dont je ne sais rien, sauf son nom. Bref, si j’aime Jean-Michel Ribes, c’est parce que je ne le connais pas, ni ne sais rien de lui – me refusant à croire, par principe, ce qu’en-dira-t-on que notre époque technoconne a modernisé, c’est-à-dire institué, en mise en réseau ou réticulation, et qui lui doit servir rien moins que d’alpha et d’oméga, amen.

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  • Picouly, c'est la classe

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    Peut-être vous souvenez-vous de cette émission de FR3, diffusée à 20 h entre 1987 et 1994, intitulée La Classe, véritable Comique Académie avant l’heure,  présentée par un (pré)nommé Fabrice, laquelle émission a gratifié notre beau pays d’une pleine génération de comiques pas drôles, dont à peine s’excipe un Bigard, apparemment chargé de faire consister dans la réalité même l’invention idéologique du « beauf » en lui servant de miroir et partant, d’influer jusque sur la façon dont parle le chef de l’Etat – lequel, ordinairement pas plus drôle que Dieudonné, peut en conséquence également prétendre au titre envié de comique.

    Quel rapport avec la rentrée littéraire (sic), me direz-vous ? Aucun, sinon qu’attrapant l’autre soir par l’internet l’émission intitulée Café Littéraire en date du 17 octobre 2008, sur France 2, j’ai tout de suite pensé à La Classe, émission que je n’aimais guère et que je ne regardais, en fin d’adolescence, que pour fuir la demi-heure de propagande n’importe-quoïste de prétendus journaux télévisés. La différence, toutefois, tient à cela que si La Classe, bourrée de comiques, m’arrachait parfois, à grand-peine, un sourire, l’émission Café littéraire de cet excellent Picouly m’a littéralement fait pleurer de rire, ce qui n’est tout de même pas si fréquent.

     

    Il faut dire que cet animateur de salle des fêtes avait su s’entourer d’une kyrielle de comiques involontaires assez performante.

    Un premier « salon », appelons ça comme ça, réunissait, outre un Picouly parfait dans son rôle de naïf prompt à s’émerveiller de n’importe quelle broutille imprimée, Michel Onfray et François Bégaudeau. Le premier, sûr de lui, teigneux, intolérant, ne doutant pas de ses effets ni de son talent – ce qui, déjà, est à se tordre –, vantant la prétendument érotique Shiva contre saint Paul, réduisant par de pompières outrances le christianisme à la seule mortification, balançant je ne sais combien de fois, pour désigner tout ce qu’il n’aime pas, le mot de catastrophe, et présentant son catastrophique Souci des plaisirs. Face à lui, excellent en roquet hystérique, vivante publicité pour la destruction de toute intelligence, frôlant le miracle en parvenant à donner chair à la vacuité même, cirant atrocement les pompes de son vis-à-vis avant de se retourner contre lui pour une affaire de basse police éditoriale, François Bégaudeau, venu vendre son Antimanuel de littérature, lequel n’est certainement rien d’autre qu’un prétentieux manuel d’anti-littérature, cet auteur étant à la littérature ce que Rocco Siffredi est au septième art. C’était beau, déjà.

    Mais Picouly, pas trop avare d’effets comiques voyants, fit alors entrer sur le plateau l’inénarrable Pierre Assouline, blogueur de son état, étrangement drapé d’une sorte de dignité sans doute taillée pour l’occasion, venu défendre son dernier livre en date, Brèves de blog, dans lequel, si j’ai bien compris, se trouvent quelques paroles peu amènes évoquant notre brave Bégaudeau. L’échange, entre Assouline (le critique sans critique) et Bégaudeau (le BHL nouveau est arrivé et nous en avons pris pour trente ans au bas mot), de morceaux disparates de phrases convenues concernant le point de savoir ce qu’est la critique littéraire, fut un grand moment d’anthologie. Le non-sens le disputait à l’odieux. C’était vraiment très drôle. Ne fallait-il pas, d’ailleurs, en termes de mise en scène, pour qu’Assouline parût digne, que Bégaudeau redoublât de bassesse, tâche dont il s’acquitta en surpassant quelque peu ses propres capacités, bassesse dont Assouline se vengea amphigouriquement en défendant l’ « érotique » Onfray sinon sur ces conceptions de la laïcité (ne nous mouillons pas), du moins sur les tempêtes bloguesques qu’elles déclenchaient dans un verre d’eau virtuel…

    La scène fut interrompue avant l’enlisement définitif par la décision de Picouly d’aller dans un autre salon interviouver un dénommé Grangé, grand vendeur de bouquins. La séquence fut décevante (à moins qu’il ne faille penser que Picouly sait ménager ses effets, alternant temps forts et temps faibles). Grangé, en effet, est un garçon tout ce qu’il y a de plus normal, et dépourvu, malgré les millions d’exemplaires de romans ratés que débite son éditeur, de toutes prétentions farfelues. Il ne prétend pas, en somme, faire autre chose que ce qu’il fait, id est des livres de divertissement. Il acheva de me décevoir, et perdit ainsi toute chance d’être promu à la haute dignité de comique, lorsque, mis par Picouly face à une critique pour le moins assassine de son dernier bouquin, il répondit simplement que, publiant des livres, il se savait exposé à la critique. Cette honnête sobriété d’artisan à l’ancienne est, je trouve, du plus mauvais aloi.

    Picouly revint au premier « salon », dans lequel l’attendait un duo de choc composé du vieil Ormesson et de la toujours improbable Josyane Savigneau. L’ex-terroriste en chef du Monde des livres (sic) me surprit par sa modestie rigoureusement calibrée, laquelle me sembla adoucir son visage que j’avais jusque là toujours trouvé quelque peu calviniste, en admettant être journaliste et non pas écrivain, ce qui est pour être exact n’en est pas moins navrant, tandis qu’Ormesson, en laissant entendre avec une fausse modestie éculée qu’il était, lui, écrivain et non pas journaliste, parachevait un mensonge plus vieux que Philippe Sollers (cette phrase finit étrangement, je sais).

    Il s’ensuivit (comme si c’était logique) la retransmission d’une interviou d’un Salman Rushdie enfin libéré de ses gardiens, revenant brièvement sur un islam jadis tolérant, et visant même le Nobel (double syndrome de Stockholm?). Montage étrange. Quelques phrases sur son dernier salmigondis romanesque – la globalisation version XVI° siècle, entre les luxurieux bordels musulmans d’Inde et ceux, à forte teneur homosexuelle, de Florence, si j’ai bien suivi –, suivies d’un long discours de soutien à Barack Obama dépeint en Sauveur (rien moins) de l’Amérique (« Obama, nous voilà, devant toi, le Sauveur d’ l’USA… » parodierais-je volontiers), lequel discours très original convaincra sans doute les 5% de Français inconscients prêts à voter McCain de changer de camp, afin que triomphe soviétiquement le premier, dans cette élection à laquelle ces mêmes Français ne prendront pas part (nous ne sommes pas aux USA, je le rappelle). Très amusant, aussi.

    Cette émission s’est achevée sur une interviou de Claire Castillon, écrivain dont je ne savais rien du tout et que ce formidable Picouly, sans doute pour m’éclairer, a présenté comme ayant eu une liaison avec PPDA – ce qui, peut-être, la situe dans le « paysage littéraire ». La critique de son bouquin, dont le titre m’échappe, fut abandonnée à un écran d’ordinateur, dans lequel trônait une journaliste de chez Marianne, Anna Topaloff, manifestement chargée de valoriser ledit bouquin en en proposant une critique d’une imbécillité crasse certes, mais aussi d’une vulgarité sans frein.

    Fin de l’émission. Rien de littéraire là-dedans, mais quelle rigolade !

     

    Conclusion (que me souffle à l’instant ma Kamarade Roselyne Bachelor du ministère de l’Hygiène physique et mentale :)

    PICOULY NUIT GRAVEMENT A LA LITTERATURE.

    Ce qui n’a aucune espèce d’importance, puisqu’il n’y en a plus.