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A quoi sert la critique ? Au Théâtre du Rond-Point

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Au risque de surprendre mes très fidèles lecteurs, je vais vous avouer quelque chose : j’aime bien Jean-Michel Ribes, actuel patron du Théâtre du Rond-Point, quelque part aux bien nommés Champs-Elysées, à Parmerde. Oui. Et il y a à cela plusieurs excellentes raisons. La première est que je ne le connais pas personnellement. Les seconde et troisième, que je n’ai jamais rien lu ni vu de lui – du moins que je sache. Si donc je puis dire bien aimer Jean-Michel Ribes, c’est essentiellement parce que, vouant à l’humanité en général une espèce de scepticisme parfaitement justifié (et tant pis si « vouer un scepticisme » n’est pas une expression très sensée), je m’astreins, en manière sans doute de compensation, à préjuger toujours favorablement de tout individu dont je ne sais rien, sauf son nom. Bref, si j’aime Jean-Michel Ribes, c’est parce que je ne le connais pas, ni ne sais rien de lui – me refusant à croire, par principe, ce qu’en-dira-t-on que notre époque technoconne a modernisé, c’est-à-dire institué, en mise en réseau ou réticulation, et qui lui doit servir rien moins que d’alpha et d’oméga, amen.

Bref, disais-je, j’aime bien Jean-Michel Ribes. Qui dirige le Théâtre du Rond-Point, Champs-Elysées, Parmerde, Post-France. Lequel théâtre s’enorgueillit, manifestement sans aucune considération de réalisme, de ne programmer que des auteurs dramatiques vivants (des confrères, quoi, mais ça fait médecin ou avocat, en tout cas notable de province ridicule à Parnulphe). C’est bien la peine d’être aux Champs-Elysées ! Aucun glorieux cadavre. Juste des contemporains bien contents d’être arrivés jusque là – pensez donc, les Champs-Elysées ! – alors qu’ils n’ont pas même, pour la plupart, réellement commencé quoi que ce soit d’un peu intéressant. Bref.

En surplus de ces spectacles, tous également formidables puisque d’auteurs vivants, que pourra couvrir la presse nationale qui ne sort jamais de Parmerde intra-périf (eh, les gars, comme on ne décentralise jamais, et par essence, que le centre, autant rester au centre ! et que ceux qui n’ont pas le privilège d’y être nés et veulent néanmoins bénéficier des bienfaits de la décentralo culturelle commencent par y venir, au centre, de préférence jeunes et malléables à merci, entre vingt et trente piges, et s’ils sont jugés suffisamment asservis pour être réputés subversifs, on les rebalancera en province à la tête de petits fiefs théâtraux confortables genre CDN, etc.), en surplus, disais-je donc avant de m’égarer dans des considérations moins byzantines que franchouillo-jacobines, de ces spectacles tous également formidables et identiques, le Théâtre du Rond-Point, direction : Jean-Michel Ribes, propose des conférences, oui, vous avez bien lu, des conférences.

Dont celle qui vient, là, tout de suite, lundi 25 janvier 2010, avec son titre aguichant aux allures de science-fiction, un genre passionnément français et que le monde entier nous envie :

 

A quoi sert la critique ?

 

Son producteur, qui, on le sait, garantit la qualité :

 

Télérama – le pays où la télé est moins conne puisqu’on y parle d’autres choses authentiques pour de vrai – puisque, avant de passer à la télé, voyez-vous, elles ne passaient pas à la télé ;

 

Ses animateurs de débat :

 

Fabienne Pascaud chefe bobote au susmentionné Télérama

Et

Michel Abescat – je ne connais pas, donc j’aime bien.

 

Et son casting à faire pleurer d’envie Sainte-Beuve, Thibaudet et Josyane Savigneau (mais elle, c’est juste parce qu’elle n’a pas été invitée, de façon d’ailleurs très discriminatoire) :

Jean-Michel Ribes, que, donc, j’aime beaucoup, et qui n’a sans doute pas été invité parce qu’il dirige le lieu ;

Pierre Assouline, le critique qui lit tout, aime tout ce qu’il lit et ne déteste pas le reste ;

François Bégaudeau, l’écrivain qui parle très mal, parle mieux qu’il n’écrit, écrit sans jamais penser rien ;

Christophe Honoré, dont on m’assure qu’il est très connu, même qu’il fait du cinéma d’auteur ;

Christophe Kantcheff, journaliste, dit le programme – en espérant que ça ne veuille pas tout dire… même si, lui aussi, comme Ribes et pour les mêmes raisons, je l’aime bien (ce que c’est que les préjugés, tout de même).

 

Et comme tout spectacle vivant moderne ne saurait plus se passer d’utiliser la technologie contemporaine de façon novatrice, il y aura aussi des pastilles vidéo (existent aussi en suppositoire) de Pierre Arditi (vu à la télé), Nicole Garcia (vue à la télé) et Micha Lescot (que, donc, aussi, j’aime bien, y a pas de raison).

 

Bref, voilà qui promet d’être la meilleure comédie parisienne de la saison – à mon humble avis, c’est un remake culturel, plus ou moins inconscient, de ce film culte qu’est Mais où est passée la 7ème compagnie ? –, donnée une seule fois (c’est malheureux), et pour un prix dérisoire (10 euros et 7 tarif réduit).

A l’improvisade, les comédiens vont donner, on l’espère, le meilleur d’eux-mêmes et battre sans doute tous les records de ridicule involontaire jamais enregistrés dans une émission de télé-réalité sans que probablement, hélas, le public, pourtant tout acquis grâce à son silencieux chauvinisme culturel à œillères exactement comparable au nationalisme latent beuglant dans certaines manifestations sportives de haut rang, ne parvienne à s’en apercevoir.

Oui, pendant plus d’une heure, et peut-être même, on l’espère, plus de deux – en cas de prolongations – ces gladiateurs médiatiques vont nous parler de la critique et peut-être même parvenir à nous faire croire qu’elle existe encore et qu’ils en sont tous, même, à des titres divers et avariés, les derniers Mohicans ; et tout cela dans une époque très éclairée qui ne croit plus ni au Père Noël, ni aux fantômes, ni même que Mamie Nova est une vieille dame qui fait elle-même ses yaourts dégueulasses.

Bref, si Flaubert vivait encore, il n’aurait qu’à venir enregistrer le spectacle, le retranscrire, le faire jouer à des acteurs et faire un bide énorme, que seul défendrait avec un panache tout aristocratique je ne sais quel Villiers de l’Isle-Adam d’aujourd’hui. Ou alors, avec un peu d’huile de coude, il ferait un chef d’œuvre romanesque.

 

Personnellement, je compte bien y aller.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le baratin officiel :

"Contestée dans sa légitimité, circonscrite à des espaces de plus en plus restreints, réduite dans son expression (alors, c'est bien ou c'est pas bien ?), menacée par ceux qu'elle met en cause, la critique professionnelle est aujourd'hui le dos au mur.

Bref, existe-t-il encore une place pour la critique ?"

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Je trouve le choix de la photo très ironique mais si juste quant à la neutralisation de la critique en ce début de siècle. Car, dans le fond, cette "7me compagnie" n'est, comme "la grande Vadrouille", que l'un des avatars d'une amnésie collective, une quasi révision de l'Histoire qui nous sommait de reconsidérer la Guerre 39-45 comme une vaste plaisanterie, une escapade campagnarde dans un esprit scout, une légère perturbation dans les destins personnels. Après, on nous chantera l'air que nous fûmes magnifiques de résistance et de conscience politique ! Vaste fumisterie. Il n'est pour s'en convaincre que de rappeler la gêne que provoqua en 1974 (soit près de trente ans après les exploits nationaux d'une France combatttante !) le "Lacombe Lucien" de Louis Malle. Ne croyons pas en avoir fini avec l'imposture, d'ailleurs : la canonisation de Guy Môquet relève du même principe.
    Pour la critique (mais il parlait alors de la littéraire), Valéry écrivait : "Où va-t-elle ? A sa perte, j'espère". Pour ce qui est de ceux qui la pratiquent tant en ayant pignon sur rue, il n'y a même plus à se poser la question. Elle n'est pas perdue, elle est morte.
    Bien à vous.

  • Ah ah... Vous m'offrez, Pascal, dans cette grosse farce involontaire du théâtre officiel à la botte de sa critique merdeuse, un rire tout à fait salvateur! Merci.

  • Mais je n'ai pas l'impression, à voir Assouline, Bégaudeau et Honoré, que la critique en question soit celle du théâtre; c'est la critique "culturelle" en général, plutôt...

  • Oh, je ne doute pas que cette critique soit incapable de prendre en compte la spécificité du théâtre! Déjà qu'elle ne sait pas lire un roman.

    Bon vikend.

  • Aura-t-on droit à un compte-rendu, un RAPPORT sur la conférence-débat ?

  • @ Aurélien : Euh... non, en fait.

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