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Le monde est petit
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Transi de René de Chalon, par Ligier Richier (église Saint-Etienne de Bar-le-Duc)
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Paroles...
– Ils n’ont pas l’angoisse de la page blanche. Tu m’étonnes. Et pire, ils n’ont pas l’angoisse de la page pleine. Ils rêvent de faire du bruit. Que ça fasse du bruit. Dans le monde. Ce qu’ils écrivent. Car ils écrivent pour faire du bruit. Pas de la musique, non. Et le silence est mort. Et quand enfin ils font du bruit, ils font un atroce petit bruit, un grincement de dents chéri qu’ils ont rêvé d’amplifier à en strier le cosmos, un petit bruit dérisoire et strident et cumulé à tant d’autres petits bruits simultanés que simplement il participe du bruit, du bruit incessant, anonyme de la machine, du bruit que rien n’arrête, jamais, mais qu’ils avaient rêvé pourtant d’interrompre, tant ils sont habitués à ce bruit permanent qu’ils ne l’entendaient plus, qu’ils l’avaient pris pour du silence. Dont ils ont peur. A faire du bruit. Tout le temps. Du bruit. A s’en rendre sourds. A en être sourds. A ne pas le savoir. A s’en croire innocents. Petites frappes. Oui. Des petites frappes. Rêveuses.
– Ta gueule.
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Un dur
« Je ne suis pas en état que quiconque puisse me manquer », se mentait-il, faisant d’une phrase sa dope d’un soir.
Cela libérait l’énergie, plaçait tout ce qu’il faisait sous le signe du faux, du mensonge ; du monde. Et puis les femmes…
Parfois, à bout de nerfs, de force, sans bien le savoir et en l’engueulant, il priait Dieu. Et recommençait du départ le lendemain. Une autre phrase. Il n’apprenait rien. Camé.
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La Chanson d'amour de Judas Iscariote, de Juan Asensio
Il nous paraîtrait lourdement préférable, pour différents motifs qui ne lésinent pas à se contredire entre eux, de ne pas parler de ce livre. Témoigner de la lecture de ce livre, si c’est bien cela qu’un critique doit faire, nous obligerait à admettre d’emblée que nous ne pouvons honnêtement témoigner, ou pour le dire autrement, d’une manière apparemment paradoxale, que notre lecture est incapable de témoigner d’elle-même ; pire, que notre lecture avoue seulement que nous ne savons pas lire. Ce qui n’est pas chose très plaisante. Nous allons donc, en assumant notre peu reluisante malhonnêteté, ne surtout pas nous demander en quoi ce livre pourtant lu nous ferait admettre que nous ne savons pas lire, et banaliser, comme on dit badiner, c’est-à-dire parler à côté, ne serait-ce que pour le plaisir pervers, qui ne compense au fond rien, qu’une critique, même débile, en existe quand même. Il ne s’agit bien sûr, de façon passablement ordurière, par un tel exercice, que de faire porter au livre en question le chapeau de notre incapacité, de reporter sur lui notre entière responsabilité. Le silence, donc, eût été préférable. Mais banalisons, donc. Et poussons notre évidente lâcheté jusqu’à mettre en situation, à notre convenance, notre propre lecteur, c’est-à-dire : vous.