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Livres - Page 52

  • Il n'y a personne dans les tombes, de François Taillandier...

     

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    … est le troisième des cinq romans qui composent La grande Intrigue. Après Option Paradis et Telling, nous retrouvons les cousins Louise et Nicolas, leurs aïeux et descendants. Cet ensemble romanesque est une fresque morale, au sens où elle décrit en détail et sans jugement apriorique, l’immense changement dans les mœurs survenu en France, en un siècle. Récit au demeurant bien peu balzacien dans sa forme, tant la digression – alerte et fine – y tient lieu de fil conducteur, promenant son lecteur à travers les époques et les lieux, du XIX° siècle à l’Afrique, de la Province française qui va mourir à Paris, espace urbain hygiénisé plutôt que ville.

    Un monde meurt, on le voit, et la vie grouille, anarchique, sur son cadavre. L’autorité des règles anciennes a disparu. Elles éclairaient l’homme non moins qu’elles lui donnaient une ombre… Tout à présent est davantage libre et cru, comme de partout également éclairé, et l’homme a perdu son épaisseur et son mystère.

     

    Au centre de ce troisième volume, « mise en abyme » se trouve la préface à l’œuvre en cours, la préface à La grande Intrigue. Il y est essentiellement question des Evangiles, et d’un certain tombeau, demeuré vide. Il y est question de ce que c’est que le Christianisme, et de comment il autorise notre façon, ici, très simplement, de raconter.

    Au centre de ce troisième volume, au centre aussi, donc, des cinq volumes dont deux demeurent à paraître, il est question de la Résurrection.

    Et donc, de l’Espérance.

     

    Dans ce roman, tout est simple, léger, intelligent – et noir.

    Mais la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne la peuvent point comprendre.  

     

  • L'art de lire, par Hugues de Saint-Victor

     

    LIVRE I, CHAPITRE 11

    L’ORIGINE DE LA LOGIQUE

     

    Après que nous avons montré l’origine de la théorique, de la pratique et de la mécanique, il reste à examiner la naissance de la logique, qui vient à la fin de mon énumération parce qu’elle a été inventée en dernier. D’autres sciences avaient été découvertes auparavant, mais il a bien fallu que la logique aussi fût inventée, puisqu’on ne peut discuter avec pertinence, si on n’a pas d’abord saisi la méthode permettant de parler de façon correcte et vraie. En effet, comme le dit Boèce, à l’origine, quand les Anciens s’employèrent à examiner la nature et les mœurs, ils furent souvent amenés à se tromper, parce qu’ils n’étaient pas capables de distinguer les mots et les significations. C’est ce qui se produisit en de nombreux cas pour Epicure, puisqu’il pense que le monde consiste dans les atomes, et affirme à tort que le bien réside dans le plaisir (1).

    Il est clair que, si cela est arrivé à Epicure, ou à d’autres, c’est parce que leur inexpérience de la discussion leur faisait croire que ce qu’ils avaient saisi par le raisonnement se produisait aussi dans la réalité elle-même. C’est là une grande erreur. Les choses ne se comportent pas dans les raisonnements comme elles le font quand on manie des nombres. Dans ce dernier cas, en effet, tout ce qu’on trouve sur ses doigts, si on calcule correctement, se retrouve forcément aussi, et sans doute possible, dans la réalité : si on obtient cent par le calcul, c’est que, nécessairement, cent choses réelles correspondent à ce nombre. On n’observe rien d’équivalent dans une discussion, car ce que l’enchaînement des propos a inventé ne se trouve pas pour autant établi dans la nature. De là vient que ceux qui ont entrepris des recherches sur la nature en laissant de côté la science de la discussion sont obligés de se tromper. En effet, si l’on n’a pas d’abord accédé à la connaissance du raisonnement qui, lorsqu’on discute, contient le chemin vrai ou vraisemblable, si l’on n’a pas reconnu le raisonnement qui peut être considéré comme sûr, ou au contraire comme suspect, la vérité intacte ne peut être découverte grâce à lui.

    Les Anciens, qui souvent sont tombés dans des erreurs nombreuses, ont dégagé, en discutant, des conclusions fausses et opposées ; il semble impossible, d’autre part, si l’on obtient deux conclusions opposées sur un même sujet, que soient vraies l’une et l’autre, issues qu’elles sont d’un raisonnement contradictoire ; enfin on ne peut pas décider auquel des deux raisonnements il faut croire. Voilà pourquoi on décida de prendre en  considération d’abord ce qu’est la nature de la discussion quand elle est vraie et inaltérée. Une fois celle-ci connue, on était à même de saisir si ce qu’on trouvait par le biais de la discussion avait été vraiment compris. De là est venu le savoir de la logique, discipline qui prépare les voies en vue de discuter des modes et de distinguer parmi les raisonnements , en sorte qu’on puisse reconnaître le raisonnement qui est tantôt vrai, tantôt faux, celui qui est toujours faux, celui qui ne l’est jamais (2). La logique vient en dernier selon la chronologie, en premier selon l’ordre. C’est elle que doivent étudier en premier lieu ceux qui débutent en philosophie, parce qu’on y apprend la nature des mots et des significations (3), sans lesquels aucun traité de philosophie ne peut être expliqué rationnellement.

    La logique se dit en grec logos, nom qui possède une double signification. Logos signifie en effet « parole » ou « raison », ce qui permet de qualifier la logique de science soit discursive, soit rationnelle. La logique rationnelle, dite « dissertive », se compose de la dialectique et de la rhétorique. La logique discursive est un genre qui s’applique à la grammaire, à la dialectique et à la rhétorique. Voilà ce qu’est la logique discursive, que nous plaçons en quatrième place dans notre énumération, après la théorique, la pratique et la mécanique. Mais il ne faut pas croire que cette logique est appelée « discursive » dans l’idée qu’avant son invention on n’aurait pas discouru, et que, pour ainsi dire, les hommes, précédemment, n’auraient pas eu d’échanges parlés.

    Il y avait auparavant partage de la parole et de l’écrit, mais le principe de ces paroles et de ces écrits n’avait pas encore été ramené à un art. On n’avait pas encore fourni les préceptes qui permettent de parler et de discuter correctement, car toutes les sciences ont été une pratique avant que d’être un art. Par la suite, les hommes considérant que la pratique pouvait être transformée en art, et que ce qui avait été jusque-là flou et débridé pouvait être enfermé dans des règles et des préceptes définis, entreprirent, comme je l’ai dit, der amener à un art un usage qui devait sa naissance soit au hasard, soit à la nature. Ils corrigèrent ce que la pratique pouvait comporter de mauvais, en suppléant à ce qui lui faisait défaut, en retranchant ce qu’elle avait en trop et, pour le reste, en fixant dans chaque cas des règles et des préceptes bien définis.

    Voilà quelle fut l’origine de tous les arts. Cela se vérifie cas par cas. Avant que n’existât la grammaire, les hommes écrivaient et parlaient. Avant la dialectique, ils distinguaient le vrai du faux par le raisonnement. Avant la rhétorique, ils traitaient du droit civil. Avant l’arithmétique, ils possédaient la science des nombres. Avant la musique, ils chantaient. Avant la géométrie, ils mesuraient les champs. Avant l’astronomie, ils percevaient le changement des saisons grâce au cours des étoiles. Et puis vinrent les arts ; ils ont beau tirer leur principe de l’usage, ils lui sont supérieurs (4).

    Ce serait le moment d’exposer qui furent les inventeurs de chaque art, où et quand ils vécurent, comment les diverses disciplines trouvèrent leur origine grâce à eux, mais je veux auparavant distinguer ces disciplines les unes des autres en donnant une division de la philosophie.

    Il nous faut donc récapituler brièvement ce qui a été dit ci-dessus, pour rendre plus aisée la transition avec ce qui suit. Nous avons dit qu’il y avait seulement quatre sciences, qui contiennent toutes les autres : la théorique, qui s’applique à la contemplation de la vérité, la pratique, qui envisage la discipline des mœurs, la mécanique, qui ordonne les activités de cette vie, la logique, enfin, qui fournit la science de la parole correcte et de la discussion pénétrante. Aussi n’est-il pas absurde ici d’appliquer à l’âme ce quaternaire que les Anciens, à cause du respect qu’ils lui accordaient, avaient adopté dans leurs serments :

    Par celui qui a donné à notre âme le nombre quatre (5).

    Comment ces sciences sont subordonnées à la philosophie, quelle est en outre leur subordination mutuelle, c’est ce que nous allons montrer en répétant brièvement la définition de la philosophie.

     

     

    (1) Epicure, comme la plupart des philosophes de l’Antiquité, n’est connu à cette époque que très indirectement. (Toutes les notes sont de Michel Lemoine. Les précisions en italiques sont de ma main.)

    (2) Cf. Boèce, op. cit., 2. (C’est-à-dire : Contra Eutychen.)

    (3) En lisant intelectuum et non –tum.

    (4) Cf. Cicéron, De oratore, 1, 42, 187-188.

    (5) Cf. Pythagore, Vers d’or, 47.

     Hugues de Saint-Victor (1096-1141) est philosophe et théologien, le plus illustre des représentants de l’abbaye de Saint-Victor. L’art de lire (Didascalicon) est traduit en français par Michel Lemoine et publié aux éditions du Cerf, collection Sagesses chrétiennes. J’espère, par cette copie, faire quelque publicité à un magnifique ouvrage de la Renaissance du XII° siècle, qui n’a évidemment pas (et ne pourrait pas avoir) son équivalent aujourd’hui.

  • De quoi Sarkozy est-il le nom ? d'Alain Badiou

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    Je n’ai pas lu et ne lirai évidemment pas le dernier ramassis d’Alain Badiou.

     

    1. La bonne réponse

    Quant à la question posée : De quoi Sarkozy est-il le nom ? la réponse est (je vous le dis tout de suite pour que vous n’ayez pas l’idée une seconde de vous procurer ce fleuron de la pensée cacochyme) : Sarkozy est le nom du pétainisme transcendantal.

    Du pétainisme transcendantal ! vous avez bien lu.

    Ce qui, en soi, bien sûr, ne veut rien dire.

    Il ne peut pas ne pas le savoir, ça, Badiou.

    Mais quand même, transcendantal, ça fait vachement philosophique.

    Et le philosophique, merde, ça ne se contredit pas comme ça.

    Il faut de sacrés diplômes.

    Et justement, ça tombe bien, c’est Badiou qui les fourgue.

    Pas tous, bien sûr. Seulement les bons.

    (Je ne parle pas de philosophie ici, je parle bien de philosophique. Badiou est quelqu’un qui fait du philosophique, exactement comme Michel Onfray ou Tariq Ramadan.)

    Le pétainisme transcendantal, néanmoins, ça ne veut rien dire.

    Sinon qu’Alain Badiou, du haut de ses chaires, autorise ses affidés à assimiler systématiquement, quoi que par ailleurs il arrive, Sarkozy au pétainisme.

    Ils ne se gêneront pas, d’ailleurs.

    Quitte à se débarrasser vite fait du « transcendantal ».

    Lequel n’est d’ailleurs là que pour ça.

    Sarkozy, c’est Pétain quoi, merde.

    Ça, au moins, c’est de la philo.

     

    2. A qui s’adresse réellement Badiou ?

    Ce qui est formidable, tout de même, c’est que Badiou lui-même, sans bien le savoir cette fois, argumente contre son propre livre.

    Dans un chapitre où il avance huit points pour convaincre son lecteur de je-ne-sais-trop-quoi (n’ayant pas lu cette pelote de déjection), il pose (je cite de mémoire) qu’un journal publié par de riches managers n’a pas à être lu par des gens qui ne sont ni riches ni managers – ce qui revient peu ou prou à exiger qu’on ne lise rien du tout, qu’on ne regarde rien du tout, etc. ou alors seulement Badiou.

    Mais c’est là que notre philosopheur s’emmêle quelque peu les pinceaux…

    Parce qu’il faut alors, pour être aussi badiousien qu’un crétin surdiplômé, admettre avec et contre l’auteur qu’un livre publié par un éditeur parisien d’extrême-gauche n’a pas à être lu par des gens qui ne sont ni éditeurs ni parisiens ni d’extrême-gauche…

    Le bouquin de Badiou, même, en droit (je dis : en droit pour rigoler), ne devrait être lu au fond que par Michel Surya.

    Ce serait bien suffisant.

     

    3. Zoon politikon

    Badiou cite également Sartre : « Tout anticommuniste est un chien. »

    C’est une phrase magnifique, évidemment.

    Un chien, je ne sais pas si vous vous en rendez bien compte, n’est pas un être humain.

    Oui, un chien n’est pas un être humain.

    Il faut partir des choses simples.

    Ça ne parle pas, un chien.

    Donc, ça n’a pas son mot à dire.

    Pour ainsi dire : par définition.

    Ça ne devrait donc pas pouvoir parler, en tout cas.

    (Les chiens ont des prétentions démesurées, de nos jours.)

    Et si ça parle quand même, il faut y remédier.

    Mais surtout…

    Cela s’abat, un chien.

    D’où l’expression.

    Abattu comme un chien.

    Cela s’abat, un chien.

    Qui veut tuer son chien l’accuse d’anticommunisme.

    C’est la sagesse même.

    La sagesse populaire.

    Cela s’est déjà vu, d’ailleurs.

    Mais il y a mieux, bien sûr.

    Mais il y a plus pratique.

    On ne dénombre pas les chiens abattus.

    Personne n’a jamais eu l’idée de dénombrer les chiens abattus ou enfermés au vingtième siècle, par exemple.

    Un chien, cela appartient à son maître.

    Et son maître a sur lui droit de vie et de mort.

    Si vous ne comprenez pas ça, c’est que vous êtes définitivement bouché à la dialectique badousienne.

    A la dialectique, quoi. La vraie.

    (C’est que vous n’êtes pas Michel Surya, bien sûr.

    Et c’est certainement regrettable.)

     

    4. Conclusion

    Badiou est professeur de philosophie (sic) dans quelques institutions nationales naguère prestigieuses. On a les fonctionnaires de la République qu’on peut. Je veux dire : On a les fonctionnaires qu’on peut. Et aussi : On a la République qu’on peut.

     

     

     

    PS : Dans Le Perroquet du 11 novembre 1981, Badiou s’était avisé de flatter Guy Debord ; ce dernier ne lui aura répondu qu’en citant in extenso son article dans l’opuscule Ordures et décombres déballés à la sortie du film In girum imus nocte et consumimur igni par différentes sources autorisées. Debord avait en somme remis Badiou à sa place ; il ne l’a pas quittée.

     

  • Fable, par La Porte et Chamfort

    Je donne ici l’article Fable du Dictionnaire dramatique de La Porte et Chamfort, datant de 1776, sans toucher bien sûr à la graphie ou à la ponctuation originales ; et précise qu’on peut accéder en ligne à l’intégralité de ce dictionnaire. Le portrait ci-dessous est celui de Sébastien-Roch-Nicolas Chamfort.

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    C'est, dans la Poëtique d'Aristote, une des six parties de la Tragédie. Il la définit, la composition des choses. Il divise les Fables, en Fables simples & en Fables implexes. Il appelle simples les actions qui étant continues & unies, finissent sans reconnoissance & sans révolution. Il appelle implexes, celles qui ont la révolution ou la reconnoissance, ou mieux encore toutes les deux.

    Dans la Fable simple, il n'y a point de révolution décisive. Les choses y suivent un même cours, comme dans Atrée. Celui qui méditoit de se venger, se venge. Celui qui dès le commencement étoit dans le malheur, y succombe, & tout est fini. L'inconvénient de ces sortes de Fables, c'est qu'elles ne portent pas assez loin la terreur & la pitié.

    La Fable implexe, dit M. Marmontel, est à révolution simple, ou à révolution composée. Dans le premier cas, s'il n'y a qu'un Personnage principal, il est vertueux, ou méchant, ou mixte ; & il passe d'un état heureux à un état malheureux ou au contraire. S'il y a deux Personnages principaux, l'un & l'autre passent de la bonne à la mauvaise fortune, ou de la mauvaise à la bonne ; ou la fortune de l'un persiste, tandis que celle de l'autre change ; & ces combinaisons se multiplient par la qualité des Personnages, dont chacun peut être méchant ou bon, ou mêlé de vices & de vertus.

    La Fable à révolution composée, ou double, doit avoir deux Personnages principaux, bons, ou mauvais, ou mixtes, & la même révolution doit les faire changer de fortune en sens contraire.

    Dans la Fable unie & simple, si l'on représente le malheur du méchant, ce malheur n'inspire ni pitié ni terreur ; nous le regardons comme la juste punition de son crime. Si c'est l'homme de bien qu'on nous retrace dans le malheur & la disgrace, son malheur à la vérité nous afflige & nous épouvante ; mais comme ce malheur ne change par aucune révolution, il nous attriste, nous décourage, & finit par nous révolter. Il ne reste donc à la Fable simple, que le malheur d'un personnage mixte, c'est-à-dire qui ne soit ni tout-à-fait bon, ni tout-à-fait méchant.

    Dans les Fables à double révolution, il faut éviter de faire entrer deux principaux Personnages de même qualité ; car si de ces deux hommes également bons ou mauvais, ou mêlés de vices et de vertus, l'un devient heureux & l'autre malheureux, l'impression de deux événemens opposés se contrarie & se détruit. On ne sait plus si l'on doit s'affliger ou se réjouir, ni ce qu'on doit craindre ou espérer. Il faut éviter aussi d'y faire périr l'homme de bien, & prospérer le méchant. Mais il faut observer la régle contraire, c'est-à-dire, que le méchant tombe dans l'infortune ; & que le Juste, le Vertueux, pour qui on s'intéresse, passe du malheur à la prospérité. C'est ainsi que la vertueuse Iphigénie, qu'on tremble de voir immolée selon l'Oracle de Calchas, se trouve sauvée ; & Eriphile sa Rivale, injuste & méchante, se trouve, par la même révolution, être la malheureuse victime désignée par l'Oracle ; & elle s'immole elle-même de rage & de dépit.

    La Fable tragique, selon Aristote, peut se combiner de quatre manieres différentes : la premiere, lorsque le crime s'achéve ; la seconde, lorsqu'il ne s'achéve pas ; la troisieme, quand il est commis sans connoissance, & comme involontairement ; la quatrieme enfin, quand il est commis de propos délibéré. Dans toutes ces combinaisons, le Poëte habile peut trouver de l'intéressant & du pathétique. Dans OEdipe, le crime est commis avant d'être connu, & la connoissance qu'en ont ensuite ceux qui l'ont commis, cause la plus grande terreur dans le Dénouement. Dans Mérope, & dans Iphigénie en Tauride, le crime est reconnu avant d'être commis, Mérope reconnoît son fils Egiste sur le point de l'immoler : Iphigénie reconnoît de même Oreste, son frère, au moment où elle va le sacrifier. Cette reconnoissance empêche le crime de se consommer. Mais le Spectateur n'en a pas moins frémi sur le sort d'Egiste & d'Oreste ; & le but de la Tragédie est également rempli dans ces Fables.

    Le grand Corneille a inventé une autre combinaison pour la Fable tragique, ou, si l'on veut, un autre genre de Fable ; c'est celle où le crime, entrepris avec connoissance de cause, ne s'achève pas. La fin de ces sortes de Fables n'a rien de touchant ; mais elles ne laissent pas de donner lieu, dans le cours du Spectacle, au plus grand pathétique & aux plus fortes émotions de l'ame, par les combats que doit éprouver celui qui a médité le crime. Il faut observer dans cette sorte de Fable, que celui qui a entrepris la [sic] crime, ne l'abandonne pas par un simple changement de volonté, mais qu'il en soit empêché par une cause étrangère.

    La Fable de la Comédie consiste dans l'Exposition d'une action prise de la vie ordinaire, dans le choix des caractères, dans l'intrigue, les incidens, &c; au moyen desquels on parvient à faire sortir le ridicule d'un vice quelconque, si le sujet est vraiment Comique ; ou à développer divers sentimens du coeur, si le sujet n'est pas véritablement comique.

    La Fable, soit Tragique, soit Comique, est ce qu'on appelle ordinairement le Roman de la Piéce.

  • Prière pour mon lecteur, par saint Irénée de Lyon


    Je m’adresse à Toi, Seigneur,

     

    Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac,

    Dieu de Jacob et d’Israël,

    Toi le Père de notre Seigneur Jésus-Christ.

     

    Dieu qui dans la surabondance de ta miséricorde,

    T’es complu en nous, pour que nous te connaissions ;

     

    Toi qui as fait le ciel et la terre,

    Toi qui domine toute chose,

    qui es le seul et vrai Dieu,

    au-dessus de qui il n’est pas d’autre Dieu ;

     

    Toi qui, par notre Seigneur Jésus-Christ,

    donne aussi la force de l’Esprit Saint ;

     

    Donne à tous ceux qui liront cet écrit

    de reconnaître que tu es le seul Dieu,

    d’être fortifiés en Toi

    et de se garder de toute doctrine hérétique,

    athée et impie.

     

    (Sources : Irénée de Lyon, Contre les hérésies III, 6, 4. Texte trouvé sur le beau site Patristique.org.)