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saint jean

  • Scène perdue

     

     

     

    La gueule pleine de sang plus ou moins vrai, il parle encore :

     

     

    Vous savez ou vous ne savez pas mais la scène, c’est l’endroit où nous les morts, on est chez nous

    On a débarqué de tous les siècles depuis qu’on s’en souvient

    On est bigarrés en diable, couverts de sang et plein d’amours tordues, et les plus fieffés salopards d’entre nous, même s’ils n’ont pas vécu en vrai

    N’ont pas vécu en vain et d’ailleurs vivent encore

     

     

    Ici nous les morts on est hantés par les vivants ou prétendus vivants, ils se la jouent un peu acteurs mais ne nous survivent pas !

    Mais fondamentalement oui c’est chez nous ici, oui

    Puisque c’est le seul lieu de cette civilisation où les morts reviennent, l’ultime où ils reviennent encore !

     

     

    Et ici, nous, on vous reçoit, braves gens

    Même si pour venir vous avez besoin de croire que c’est l’inverse et que sans vous on n’existerait pas

    Alors qu’en vrai, quand vous n’êtes pas là, parce que vous croyez être vivants ailleurs, on est là quand même, nous les morts

    A tel point que s’il n’y a plus de scène jamais, eh bien, ce n’est pas grave !

    Parce que, public ou pas, acteurs ou non, gens importants ou point, nous sommes les fantômes sans quoi plus rien

    Une armée de ressuscités pas saints du tout et qui se paient le luxe de n’être jamais morts même une fois, et pour nombre de ne s’être jamais donnés la peine de naître dans ce que vous appelez la vie – mais bon, c’est normal, de votre point de vue

    Car en vérité je vous le dis, nous sommes le principe qui vous parle

    Comme a presque dit Christ qui n’est pas celui que vous croyez

    Puisque, que vous croyez croire ou que vous croyez ne pas croire, vous y croyez toujours, d’une façon ou d’une autre, et même si c’est plutôt d’une autre

    Et donc, que je vous dis, nous sommes le principe qui vous parle et le commencement de toute chose

    Parce que primo au sens le plus banal nous vous parlons et parce que secundo vous êtes parlés par nous

    Car nous, morts, avons la voix active et vous, vivants, la voix passive et c’est ainsi depuis la nuit des temps

    Et pour les siècles des siècles.

     

     

     

     

  • De l'invertissement I (Ordo)

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    Après cela, je vis un autre ange qui descendait du ciel, ayant une grande puissance, et la terre fut éclairée de sa gloire. Il cria de toute sa force en disant : « Elle est tombée, elle est tombée, la Grande Babylone, et elle est devenue la demeure des démons et la retraite de tout esprit impur et qui donne de l’horreur. Parce que toutes les nations ont bu du vin de la colère de sa prostitution, et les rois de la terre se sont corrompus avec elle, et les marchands de la terre se sont enrichis de l’excès de son luxe. »

    Saint Jean, Apocalypse, traduction de Bossuet

     

    La rude monnaie des rêves sonne à présent sur les dalles du monde.

    Paul Celan, « Marianne », Pavot et mémoire,  traduction de Valérie Briet

     

     

     

     

    I. ORDO

     

     

    Une manière de critique de ce monde, son prince, ses œuvres et ses pompes, serait sans doute dépecée de tout sens, je veux dire : ne dépasserait pas l’obscène inanité de l’utopie ou de l’idéologie politiques, voire la propagande assumée béant sur son néant propre et vendu pour salut mondain – justement –, si elle avait pour conséquence sinon comme résultat de conserver à son auteur son initiale position de confort ; si elle ne se devait avant tout de ruiner, en tant qu’elles sont toujours faussement entées en ce monde qu’il s’agirait de parler, toutes les positions successives jusqu’à ce que, ayant consumé jusqu’à l’idée même de repli, n’en demeure plus aucune, exactement aucune – si c’est possible, et ça ne l’est guère, je ne suis pas un saint et je n’y prétends pas, au nom d’une quelconque autorité d’ici. Cela dit assez que toute prétendue critique de ce monde bute sur la position qu’y occupe son auteur, c’est-à-dire finalement sa manière, y demeure sise quelque effort qu’on ait fait ; et que prétendre au contraire, comme on voit faire d’aucuns à chaque instant, est d’une malhonnêteté imbécile ou vénale, quand elle n’est pas les deux.

     

     

     

     

     

     

    (La suite ici.)