Après cela, je vis un autre ange qui descendait du ciel, ayant une grande puissance, et la terre fut éclairée de sa gloire. Il cria de toute sa force en disant : « Elle est tombée, elle est tombée, la Grande Babylone, et elle est devenue la demeure des démons et la retraite de tout esprit impur et qui donne de l’horreur. Parce que toutes les nations ont bu du vin de la colère de sa prostitution, et les rois de la terre se sont corrompus avec elle, et les marchands de la terre se sont enrichis de l’excès de son luxe. »
Saint Jean, Apocalypse, traduction de Bossuet
La rude monnaie des rêves sonne à présent sur les dalles du monde.
Paul Celan, « Marianne », Pavot et mémoire, traduction de Valérie Briet
I. ORDO
Une manière de critique de ce monde, son prince, ses œuvres et ses pompes, serait sans doute dépecée de tout sens, je veux dire : ne dépasserait pas l’obscène inanité de l’utopie ou de l’idéologie politiques, voire la propagande assumée béant sur son néant propre et vendu pour salut mondain – justement –, si elle avait pour conséquence sinon comme résultat de conserver à son auteur son initiale position de confort ; si elle ne se devait avant tout de ruiner, en tant qu’elles sont toujours faussement entées en ce monde qu’il s’agirait de parler, toutes les positions successives jusqu’à ce que, ayant consumé jusqu’à l’idée même de repli, n’en demeure plus aucune, exactement aucune – si c’est possible, et ça ne l’est guère, je ne suis pas un saint et je n’y prétends pas, au nom d’une quelconque autorité d’ici. Cela dit assez que toute prétendue critique de ce monde bute sur la position qu’y occupe son auteur, c’est-à-dire finalement sa manière, y demeure sise quelque effort qu’on ait fait ; et que prétendre au contraire, comme on voit faire d’aucuns à chaque instant, est d’une malhonnêteté imbécile ou vénale, quand elle n’est pas les deux.
(La suite ici.)