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théâtre - Page 47

  • De l'invertissement I (Ordo)

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    Après cela, je vis un autre ange qui descendait du ciel, ayant une grande puissance, et la terre fut éclairée de sa gloire. Il cria de toute sa force en disant : « Elle est tombée, elle est tombée, la Grande Babylone, et elle est devenue la demeure des démons et la retraite de tout esprit impur et qui donne de l’horreur. Parce que toutes les nations ont bu du vin de la colère de sa prostitution, et les rois de la terre se sont corrompus avec elle, et les marchands de la terre se sont enrichis de l’excès de son luxe. »

    Saint Jean, Apocalypse, traduction de Bossuet

     

    La rude monnaie des rêves sonne à présent sur les dalles du monde.

    Paul Celan, « Marianne », Pavot et mémoire,  traduction de Valérie Briet

     

     

     

     

    I. ORDO

     

     

    Une manière de critique de ce monde, son prince, ses œuvres et ses pompes, serait sans doute dépecée de tout sens, je veux dire : ne dépasserait pas l’obscène inanité de l’utopie ou de l’idéologie politiques, voire la propagande assumée béant sur son néant propre et vendu pour salut mondain – justement –, si elle avait pour conséquence sinon comme résultat de conserver à son auteur son initiale position de confort ; si elle ne se devait avant tout de ruiner, en tant qu’elles sont toujours faussement entées en ce monde qu’il s’agirait de parler, toutes les positions successives jusqu’à ce que, ayant consumé jusqu’à l’idée même de repli, n’en demeure plus aucune, exactement aucune – si c’est possible, et ça ne l’est guère, je ne suis pas un saint et je n’y prétends pas, au nom d’une quelconque autorité d’ici. Cela dit assez que toute prétendue critique de ce monde bute sur la position qu’y occupe son auteur, c’est-à-dire finalement sa manière, y demeure sise quelque effort qu’on ait fait ; et que prétendre au contraire, comme on voit faire d’aucuns à chaque instant, est d’une malhonnêteté imbécile ou vénale, quand elle n’est pas les deux.

     

     

     

     

     

     

    (La suite ici.)

  • Rafraîchissement (jeu)

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    Paroles de mon Double : 

     

    C’est une saloperie de page informatique et elle se tient devant moi, avec une verticalité physique qui fleure son contresens ; ou sa ruse. Et moi, pauvre imbécile, je la regarde.

    – Et tu crois qu’en plus, je vais te parler, pauvre merde…

    Ce sera tout pour aujourd’hui.

    Ou bien il faudra que je me ruine tout entier, et c’est si peu.

    Terre brûlée.

    Cette page informatique, bien faite pour ressembler à une page de papier, est une manière d’illusion : c’est le mode préféré de mon écran, ce soir comme beaucoup d’autres.

    Tout cela est tellement dérisoire.

    Je n’écoute plus la radio, je ne regarde plus la télé, je ne lis des journaux que leurs faits divers. Ce monde est à pleurer. De rage comme de tristesse.

    Dans la bêtise insondable de chaque voix, je reconnais la mienne.

    Je lis encore des livres et je me demande bien pour quelle raison. Par habitude ? Peut-être, après tout.

    Je me sens vide.

    Je remplis cette page informatique de mon néant.

    N’empêche, ça fait du bien de le dire.

    Je n’ai rien à dire, ce soir.

    Je me sens un porc.

     

    (Rires.)

  • Loi

    Disposer librement d’un monde tout en ayant le mépris de ses lois. L’acte qui impose la loi. Bonheur de cette fidélité à la loi.

    Mais il n’est pas possible de n’imposer au monde que la loi, tout restant comme par le passé, tandis que le nouveau législateur serait libre. Ce ne serait pas là une loi, mais un acte arbitraire, séditieux, une condamnation de soi-même.

     

    Kafka, Journal, 1° novembre 1921, traduction Marthe Robert

     

     

    Tel est, depuis quelques jours, et si la formule n’est pas trop forte pour mes capacités, mon objet de méditation dramaturgique.

    C’est tout.

     

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  • Roman par défaut

    Le texte qui suit est une ébauche, abandonnée, de préface ou d’introduction, abandonnée elle aussi, au roman bien particulier, puisque roman par défaut, exclusivement composé de pièces de théâtre intitulé Tout faut – dont le nouveau sommaire est (sommairement, donc) présenté ici.

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    Les raisons de la disparition du théâtre, une des plus hautes formes de la littérature, sont nombreuses.

    La volonté contemporaine, très générale, d’en finir avec les règles, si elle a produit et produit encore nombre d’ « artistes », a tué l’art. (Quand tout est possible, il est presque impossible de ne pas faire n’importe quoi ; et cela, n’importe qui peut le faire.)

    La tragédie, qui mettait en scène la Référence, justifiant ainsi de l’origine du Pouvoir, fut dans son esprit même jugée « protofasciste », et condamnée aussitôt ; quant à la comédie, qui moquait ce même Pouvoir en son action temporelle, ayant elle aussi besoin des subsides des puissants, elle fut jugée trop réellement dangereuse. (La lâcheté est une des conditions du suicide.)

    La manie spectaculaire de l’époque, ensuite, commanda que le texte soit informe, ni ceci, ni cela ; qu’il devienne en quelque sorte « scénario » disparaissant dans sa « réalisation » éphémère : lors la complaisance et le non-sens s’arrachèrent gémellairement le marché. Et il fallut alors que des auteurs satisfaits de leur néant se détrempassent au marécage pour y misérablement grenouiller. (Théâtre, littérature, et même roman, sont des mots que leur surexploitation a vidé de leur contenu.)

    Enfin, la démocratisation massive d’absolument tout, à la recherche d’un consensus totalitaire, hypostasia grossièrement le Dialogue ; et les dialogues à leur tour furent dépossédés de leur originelle puissance conflictuelle. (Il faut désormais que tout conflit réel paraisse absolument barbare.)

    Il se peut toutefois qu’on vous dise qu’il n’y a jamais eu, en France au moins, autant de théâtre, mais c’est sans importance : parce qu’il est ordinairement illisible ; parce que, quand par extraordinaire il est lisible, il ne dit rien, ou vraiment pas grand-chose.

     

    Ce n’est pas seulement un art, une technique particulière, qui meurt, mais la civilisation qui l’a permis. L’Occident fut une manière d’institution du Père, et voici sous nos yeux sa faillite

    Je faux, tu faux, il faut… Ainsi se conjugue le désuet indicatif présent du verbe faillir, dont la troisième personne du singulier recoupe exactement celle du verbe falloir.

    Notre époque ne se compare à aucune autre. Les métaphores historiques sont inopérantes, au sens juridique incompétentes – ou plutôt : ne sont opérantes chaque fois que pour des morceaux prédécoupés du monde, et jamais pour l’ensemble. Je parle ici de mutation anthropologique. Peut-être sous couvert de progrès remontons-nous le temps à grande vitesse, filant vers les grandes matriarchies légendaires, inconnues, effrayantes, franchissant même au passage le mur de l’écriture…

    Or, dans cette affaire d’écriture, justement, qu’est Tout faut, j’ai dû abandonner successivement toutes mes positions, et jusqu’à l’idée d’un repli qui ne soit pas hypocrite. Mais quoi penser d’une critique qui ne commencerait pas par retoquer les positions mêmes de celui qui l’écrit  – et au contraire les conforterait ?

     

    L’absence de règles ne mène à rien, sauf au chaos – et il est vain d’imaginer qu’un chaos d’écriture représente jamais un chaos politique : il s’y fond et c’est tout. Quant aux règles anciennes de la composition dramatique, elles sont mortes avec le monde ancien qu’elles permettaient de représenter ; y recourir par défaut eût été se priver de dire la spécifique ordure de notre époque.

    Les règles simples que j’ai suivies se feront bien assez connaître à la lecture, non moins, j’espère, qu’elles se feront oublier.

  • Poubellication maison

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    – Et maintenant ?

    – Maintenant, j’ai l’air con.

     

    C’est ce que je me suis dit en voyant la ramette posée sur le bureau.

    500 pages écrites. Et serrées.

    Tout faut.

    10 textes.

    Textes de théâtre et sortes d’essais – je ne suis pas un essayiste sérieux, il faut toujours que ça tire vers le pamphlet, la violence…

    Ecrits entre 2005 et 2007.

    Très précisément commencé le 25 décembre 2004 par l’envoi à la poubelle numérique de la bécane d’un texte intitulé Le Commandement de la machine, lui-même écrit de 2002 à 2004.

    – C’est trop gros.

    Coupons.

    Je résume. Parce que, concrètement, ça prend du temps.

    Il faut se décider.

    De ces textes, seuls cinq demeurent.

    Les autres ont dégagé.

    La pièce la plus faible (selon moi), quoique peut-être une bonne idée, Spéculations, perspectives, cauchemar a rejoint Le Commandement de la machine. Poubelle.

    D’autres seront peut-être débitées par morceaux sur ce blog. C’est également une poubelle. D’un sens. Mais pas seulement.

    J’ai conservé par devers-moi, sentimentalisme ? le plus gros morceau, inachevé d’ailleurs, intitulé Catacombes dans la cuisine. A reprendre entièrement. Et à augmenter. Certainement en septembre 2008.

    Restent cinq pièces, retravaillées.

    Du dialogue. Que du dialogue.

    Des dialogues.

    Ces pièces font un roman.

    Par défaut.

    250 pages. Serrées.

    Voilà.

    Champagne.

     

     

     

    Sommaire*

     

    I. Dans les Provinces de l’Ennui

    II. Absolute Wonderland.

    III. Pour une Culutre citoyenne !

    IV. Territoires de la merde

    V. Ce que j’ai fait quand j’ai compris que j’étais un morceau de machine ne sauvera pas le monde

     

     

     

     

     

    (*) Je modifie en fonction de ce nouveau sommaire la numérotation des extraits de Tout faut présentés sur Theatrum Mundi auxquels il est possible d’accéder par la colonne de droite.