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littérature - Page 120

  • Téméritudes de la conjugation libératée

    Un jour, en Chine, Ségolène Royal, mandaturée par le Parti Salopiste, inventit la bravitude, dont la presse (c’est lourd, une presse, non ?) fit un temps son morceau de bravoure, voire plusieurs. Elle rejoinda  ainsi la cohorte des gêneurs (ou géneurs) qui génèrent sans engendrer et des résolveurs qui solutionnent le néant, certes, mais avec une grande audacité dans l’audace. Evidemment, le pressieux Jack Lang, précurseur en n’importe quoi, avant-ringardiste officiel et antipape de la culutre en merde, trouva la trouvaille bien trouvée.

    On libéralisa ainsi le droit au droit à dire qu’est-ce qu’on veut n’importe comment dans les limitations de l’aloi, ce qui ne changea pas grand-chose, il faut bien l’avouer, les professeures et pédagogures des IUFM de la Garderie Nationale à perpétuité étant passés par là.

    Ainsi formationné, un sous-épigone de la candidateuse aux élections pestilentielles, journaliste ou pigiste à Libération de son état – enfin, avec précisure : « correspondant à Los Angeles » –, et nominé (tant qu’on y est) Philippe Garnier, écrivut-il, dans la rubrique Cinéma du 27 août 2008 :

     

    « The Exiles, le film de Kent Mackenzie résurrecté par Ucla et Milestone Films… »

     

    Résurrecté. Parfaitement. Quel beau participe passé épithète. Issuyé sans doute du verbe résurrecter. Pour une épithète de con, c’est une épithète de con. Avalisée bien sûr par le correctionneur d’orthograve du canard en question.

    Un autre questionnage : Le haïssage, ou haïssement, (inconscient, ici ?) de la christianité pourrite allera donc jusqu’à éviter la vocabulation « ressuscité ». C’est épatant (que ça). Quel inventement. Quelle créateuse puissance d’inventation. C’est ça, le journalisme résurrectal. Enfin, le journalismement rectal. La rectalitude journaleuse. La rectal’attitude des hauteurs. Bref, lecturez Libération.

     

     

  • Fumez en paix (smoking to Byzantium)

    Thèse, antithèse, synthèse.

    Bon. Je vais le dire pour qu’on me foute la paix. Fumer, c’est mal, c’est pas bon pour la santé, tout ça, tout ça...

    D’un autre côté, plus administratif, plus ministériel même, la Santé est très mauvaise pour les fumeurs.

    Bref, ne fumez pas, ça fait un trou dans l’ultime lambeau du dernier poumon de la Sécu (euthanasie prévue ?).

     

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    Labarum.

    Plus sérieusement, si j’ose dire, j’ai acheté en Espagne, il y a quelques semaines maintenant, une cartouche de Pall Mall sans filtres à 23 euros.

    Les paquets espagnols sont, Union Européenne oblige, eux aussi assortis de la mention macabre «  Fumer tue » (« Fumar puede matar »).

    Ce qui est beau, sur les paquets de Pall Mall, c’est qu’on trouve, juste au-dessus de ce vœu de mort à peine dissimulé formulé à l’encontre du fumeur, qu’on suppose être également l’acquéreur, c’est précisément qu’ils sont munis d’une contre-formule, inscrite dans la bannière sous le blason :

    IN HOC SIGNO VINCES.

    Par ce signe tu vaincras.

    Ce signe est, en l’espèce, la croix ; et cette parole, l’ordre que Dieu donna à Constantin, lequel obéit, faisant marcher son armée derrière l’étendard à la croix ou au chrisme (le labarum), à la veille de la bataille de Milvius. En 312. En 313, les persécutions de Dioclétien finirent, et l’Edit de Milan autorisa la religion chrétienne dans l’Empire. Constantin, qui donnera son nom à Byzance et en fera la Nouvelle Rome, sera baptisé sur son lit de mort, en 337.

    Fumez dans la paix du Christ, mes frères.

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    Ségrégation.

    La devise de la maison Pall Mall, « Wherever Particular People Congregate », en revanche, a disparu. Peut-être du fait des législations un peu partout qui interdisent aux Particular People (et aux autres fumeurs) de « congrégater » tranquillement au chaud.

    Les Normative People segregate, en somme.

     

    Post-scriptum.

    Le sous-titre (insensé, d’ailleurs) de ce billet est adapté du poème William Butler Yeats, Sailing to Byzantium, dont le premier vers, devenu célèbre récemment, est : « That is no country for old men ».

    Constantin, à Sainte-Sophie.jpg

     

     

     

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  • Vivement la mort (clausule)

    Parler concrètement de ce monde-ci, aujourd’hui, me tombe des mains (si je puis dire, mais après tout, j’écris). Son pathétique me gagne, me perd, et l’inutilité envahit tout, décourage et dégoûte. C’est vain. Mais c’était vain hier et avant-hier. Cette vanité ne serait-elle pas encore une forme de l’orgueil ? (Imaginons. Vous êtes facteur de masques et livrez à quelques comédiens les masques qu’ils porteront. Le premier regarde l’extérieur du masque moulé sur son visage, que vous lui présentez pour la première fois, et il se reconnaît de suite. Présentez-lui d’abord l’intérieur, il se demandera qui c’est.) N’empêche, quand je regarde ce monde, dont je suis, les bras m’en tombent. Tout cela n’a pas grand sens et je ne ferai sans doute pas mieux demain. Tout cela n’a pas grand sens (on n’a qu’à dire que c’est de la poésie).

    Tout cela n’a pas grand sens, hors la chute.

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  • Obscénité

    – Tourne ton cul, chérie, j’ai envie de t’enculer… Un personnage, de roman par exemple, peut dire ça désormais, et, à quelques attardés mentaux près, ça ne pose pas de problème. On est dans notre monde, en somme ; on est chez nous ; je suis même tenté de dire, cher lecteur, chère lectrice, on est entre nous, dans la grande promiscuité monnayée qui nous doit servir de norme. Et même, c’est bien. Et sans soute faut-il écrire cela – et d’ailleurs, ici, je le fais –, non pas parce que c’est bien, mais parce que notre monde sympa regorge de ces phrases à la con et que le job consiste, au moins pour partie, en ça : l’écrire, ce monde. Et ça aussi, c’est bien. Bien sûr.  – Tourne ton cul, chérie, j’ai envie de t’enculer… Les variantes aussi sont bien évidemment acceptées ; elles ont été tolérées, elles sont à présent encouragées, sinon pas conseillées : - Tourne ton cul, chéri, je vais te défoncer la rondelle… – Tourne ton gros cul de merde, sale pute, ou je te tranche la gorge… Tout cela est bien, tout cela est bel et bon. (Pendant ce temps-là, les poètes font aux mouches tout ce qu’ils peuvent…) Le problème, peut-être le seul au fond, c’est qu’écrire ça nous place tout bonnement au cœur de la plus plate redondance. Le monde, tout ou partie, dit cela, j’écris cela. C’est en somme écrire sous la dictée du monde, et s’il y a sans doute là de quoi nourrir une rentrée littéraire, ou une douzaine, ou les œuvres complètes de Christine Angot – cette petite dame qui n’inspire pas moins la pitié, tant elle semble tenir à ce que sa vie ait lieu tout entière sous la dictée du monde, que ces obsédés d’un autre ordre qui se font croire qu’ils échappent mieux encore que de saints ermites, et avec moins d’efforts, à l’influence pernicieuse de ce maître-là – il n’y a pas là de quoi s’approcher, même un peu, de la littérature. Non que celle-ci soit sacrée, ou magique, ou je ne sais quelle connerie romantique. Disons, pour aller vite, qu’il manque à cette dictée du monde rien moins que la perspective, les perspectives, toute la série des faits concrets qui nous ont mené là, à cette chute – qui sans doute n’est pas finie encore, et tant mieux. Et encore, ces perspectives à elles seules ne suffisent pas nécessairement à faire vraiment ce bond hors du rang des assassins dont a parlé Kafka, parce qu’il ne s’agit pas seulement d’histoire, de connaissances historiques, et pas davantage de leur actualisation, mais de leur présence maintenant. Sans compter qu’après Kafka et sa phrase à succès, rien n’est plus simple que d’imaginer ou de dire faire ou avoir fait ce bond-là, saut de puce plutôt. Il y a l’époque, dont on ne sort pas, et il y a le temps, auquel il est difficile d’accéder. Mais je m’égare. Revenons plutôt à notre affaire. Mon personnage, appelons-le C., se trouve dans une situation précise, dans une chambre, la nuit, avec une femme. Et voilà qu’il ne peut esquiver davantage de parler de Dieu. Non pas pour déverser une banalité expéditive du style : Dieu est mort. Il se met à parler de Dieu concrètement. Du Dieu vivant, auquel d’ailleurs il ne croit pas. De Jésus-Christ et de sa résurrection pour de vrai. Et du Jugement dernier. Et de la Communion des Saints. Et il en parle longuement. Mal, mais longuement. Et tout à fait hors de propos. Sans qu’on puisse en inférer une métaphore de la situation dans laquelle il se trouve. Peut-être débite-t-il un tissu atroce d’hérésies. Mais non. Aucune thèse plus ou moins originale, rien. Ça ressemble plutôt à du dogme imparfaitement assimilé (C. est d’une famille d’origine catholique, peut-être est-il allé, enfant, au catéchisme ?). Peu importe. Il en parle. Trop. Sans crise ni mièvrerie, pourtant. Calme. Il ne lui manque que du latin. On peut même craindre, à tel moment, qu’il ne se prenne tout bonnement pour Lui. Mais non, en fait. Il n’est pas fou. Même pas. Chiant, sans doute, mais pas fou. Et la femme, que fait-elle ? Elle essaie de rire, se moque, l’engueule enfin – elle lui en veut un peu, je crois. Même si pendant ce temps-là, il ne pense pas à la baiser, ce qui peut-être l’arrange, elle. Elle est comme moi en somme, elle fait ce qu’elle peut avec ce surgissement-là de saloperie hors sujet. Je regarde l’écran où ses phrases – les phrases de C. – sont écrites. Elles ne sont pas nécessaires du tout à la situation. Les phrases de C. sont proprement obscènes. Je vais les couper. Personne ne parle comme ça. On ne peut plus écrire ça. Ça ne passera pas. Personne ne publiera ça. Les paroles de C. sont obscènes, les conserver est ridicule. J’hésite. Les coupes font partie de la dictée, non ? Bien. Tourne ton cul, on enchaîne.

    On ne sort pas si facilement de son époque.

           

  • Une conclusion

    Le nombre des paroles interdites enflant, demeure-t-il encore un sens à écrire en français ? Non, sauf à promouvoir le suicide, lequel a deux versants : faire ce qui est demandé, faire contre. Les comédiens français, la façon dont ils sont formés (n’importe comment, défilé de metteurs en scène tous plus originaux les uns que les autres) et formatés (paramétrage par défaut), formalisés si pas formolisés, rivés à leurs guichets, tout cela n’a presque aucun intérêt, c’est mauvais – quand ce n’est pas simplement bas. Et les déluges d’anecdotes, pensée absente, mal écrites, a-dramatiques ou post-, perclus de propagande, ne valent pas un spot publicitaire bas de gamme. Les modes de production, et d’entretien, de cette médiocrité sommitale, entre hiérarchies peuplées d’incompétents – ultime volonté d’une politique, versant suicide, de service public –, petits réseaux pécuniaires consanguins servant à garantir et assurer aux ridicules une petite place prétendument enviable dans cette maison de retraite, l’ensemble tout uniment verni d’une idéologie infantilement correcte, mortifère ; bref, la vacuité totale, tare nationale chérie, impose désormais, plutôt que la critique à l’infini répétée, inutilement, et déprimante à la longue, rien moins que le départ. Vivre et laisser mourir.

     

    Avignon

    18 juillet 2008

     

     

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