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Theatrum Mundi - Page 111

  • Contre Novarina

    En écrivant tout à l’heure, sans crayon ni papier, dans un café perdu au milieu des déambulations des acheteurs de Noël, le billet qui précède, j’ai repensé à quelque boutade que j’ai pris l’habitude d’opposer à quiconque me demande ce que je pense du théâtre, ou de la poésie, de Valère Novarina, lequel, pour tout vous dire, m’attire et me repousse également :

    – Et tu penses quoi de Novarina ?

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  • Adresse

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le spectacle pourrait commencer comme ça.

     

    L’acteur entre en scène, s’assoit au bord du plateau et dit gentiment au public :

     

    – Vous êtes venus écouter ce que je dis, mais ce n’est pas à vous vraiment que ce que je vous dis pourtant s’adresse ; ce que je vous dis est indifférent à qui vous êtes, individuellement ou collectivement – je ne vous connais pas et j’aurais dit à d’autres exactement la même chose ; et non plus ce n’est pas à moi que ce que je dis s’adresse. Ce que je dis, par ailleurs, n’est pas de moi. Alors quoi ?

     

     

     

     

     

     

  • Reconnaissance

    Il y a quinze ans. Il est une heure du matin dans le bar du théâtre, peut-être deux. Elle a quarante ans environ, soyons galant, elle est une actrice très connue dans le milieu, elle est ici en tournée, je ne suis rien. Elle parle à un autre homme, coule vers moi des regards appuyés. J’essaie de faire durer ma bière, je suis fauché. Elle remet une tournée. La conversation reprend entre eux deux, politique, pognon, théâtre, je fume en silence les clopes de l’autre. Lequel, plus malin que moi, bientôt nous quitte. Je serais volontiers parti avec lui car il a une auto, mais je n’ai pas fini ma nouvelle bière. Je ne sais pas quoi lui dire, à cette femme. Le silence, heureusement, ne dure pas. Elle allonge son bras sur la table, pose sa main avec bracelet sur la mienne. – Tu veux passer à mon hôtel ? Je la regarde, ne sais d’abord que dire, puis pose mon autre main sur la sienne et souffle : – Vous savez, je n’aime pas assez le pouvoir… Et je me lève. Et je sors. Et une fois dehors, je rigole. Mais je rigole. – Mes gages, mes gages, mes gages ! glapit à la fin Sganarelle. Je ne lui eusse pas même été Elvire, à cette brave femme. Plutôt Charlotte ou Mathurine. Ce qui, notez-le, n’est, pas davantage mon genre. Le lendemain soir, j’ai cru qu’elle me faisait la gueule ; mais aujourd’hui, je crois plutôt qu’elle ne me reconnaissait vraiment pas. Pas pris, pas vu. Le surlendemain, mon camarade Z, la mine décavée, me remercia. Il devait obtenir, quelques mois plus tard, je ne sais quel petit rôle sans intérêt dans un pièce du même tonneau et subir sans regimber, dans le temps des répétitions, bien des humiliations. Il aurait bien mieux fait d’aller aux putes. Et de lâcher quelques biftons.

     

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    Nota: La couverture de ce Folio est immonde.

  • Bien arrangé, mal arrangé

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    Vous ne voyez donc pas, me dit le type accoudé au comptoir, que nous en sommes revenus aux sacrifices humains ? Et je ne parle pas des guerres, hein ; non, je parle d’ici, maintenant, en France et en temps de paix. Enfin, en temps de rien.

    Il me sourit dans le miroir en trempant son croissant dans le café.

    – Ouais, dis-je par une espèce de lâcheté matinale, on manque peut-être un peu de recul. C’est facile, comment dire ? d’anthropologiser dans le sens qui nous arrange.

    – Parce que vous croyez vraiment que ça m’arrange.

    D’un autre côté, il a l’air arrangé, le gars. C’est un fou.

     

    Moi aussi, je peux faire de la poésie.

    Si je veux, quand je veux.

    Je fais qu’est-ce que je veux.

    Mais ça m’emmerde.

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