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théâtre - Page 24

  • The Tartuffe reloaded

    Quel qu’il soit finalement, ce texte fait suite, d’une façon ou d’une autre, à :

    Mauvaise paix

    Sur Mauvaise paix

     

    Matrix.jpg

    Quand je me suis levé, tu dormais. J’ai regardé ton visage dans la pénombre ; l’enfance et la mort s’y lisaient tout ensemble. Souffle ténu de ta respiration. En me rasant, dans la salle de bain, j’ai eu l’impression de faire une chose civilisée. Peut-être la seule au fond que je ferai ce jour. Face au miroir. Je suis repassé dans la chambre. Prendre une chemise. Au lieu de sortir, je me suis assis au bord du lit et j’ai passé ma main dans tes cheveux. Tu as murmuré quelque chose, mais je n’ai pas compris et n’ai rien répondu. Quand j’ai fermé la porte de l’appartement, ton réveil s’est mis à sonner. Dans la rue, en direction du café, la première cigarette aux lèvres sous le crachin qui tombait, je me suis amusé de fredonner « comme d’habitude ».

    Je ne devrais vraiment pas donner à lire un tel texte, qui n’est ni vraiment fini ni vraiment commencé. Sans compter que ce qu’il dit me déplaît fortement, y compris sa mauvaise évocation de Bloy et de son Saint-Esprit, sur la fin.

    Mon idée de départ était de glisser dans le corps même de ce texte aussi abstrait que malhabile, en italiques, des phrases concernant un couple et son intimité. Pour émouvoir un peu, aussi – je suis vraiment une saloperie. Pour teinter l’ensemble d’un côté cut-up à la fois très moderne – mais les modes passent – et très ringard. Puis j’ai abandonné l’idée. Quand je me suis aperçu que ce texte-là, avec ce qu’il trimbale de politique, pourrait aussi s’appeler Mauvaise paix ou même Accélérer la catastrophe… Toujours les mêmes titres. Même si je suis finalement capable d’angliciser la chose, hésitant encore entre Happening et Coming soon. Pensant même à The Tartuffe reloaded.

    C’est encore un texte sur le théâtre, finalement. L’hypocrite, après tout, étymologiquement, c’est le comédien. Je trouve d’ailleurs amusant de penser que, puisque vous avez fatalement lu son titre, vous qui lisez ce texte en savez plus que moi qui l’écris. Et quoi ? Il y a un problème avec le temps, non ?

    Peu importe. Voici le texte.

     

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  • Une lettre du salon

    bronson.jpg

     

     

    C’est un soir.

    Voici ce qu’il écrit sous la lampe :

     

    Mon amour. Est-ce que tu sais que je ne suis plus là que par devoir ? J’allais dire par fidélité, mais non. Est-ce que tu sais que Dieu seul, ou bien l’idée de Dieu, puisque tu préfères, m’empêche de me passer par la fenêtre ? Est-ce que tu as remarqué qu’il y a longtemps, je suis mort. Te souviens-tu que nous nous sommes aimés ? J’ai passé sur moi-même comme une armée en marche. J’ai écrabouillé longtemps le désir sous ma botte, il a salement couiné avant de crever d’un coup. J’ai mis toute ma force à cela, les dents serrées, sans ménager ces larmes qui n’auront pas coulé, et j’étais plutôt fort, je trouve. Je me suis abruti de fatigue jusqu’à ce qu’il n’y ait plus même de fatigue. J’ai bien calmé la brute, et l’ai exterminée toute, même. Quand j’avais peur, vois-tu, je n’avais peur de rien. Je passais par-dessus. Les filles me giflaient pour un mot. Les types ne me cassaient même pas la gueule. J’étais un western ambulant. Un bloc compact de violence. J’étais remuant, je tenais tête à tout, j’allais plutôt mal, j’enjambais les préliminaires et vomissais les conclusions. Cela me semble les souvenirs d’un autre. Je passais ma main dans tes cheveux. Tu souriais. Et comment dire ? Nous avions le temps de cela, oui. J’ai l’impression d’avoir vécu plusieurs années avec toi, corps emmêlés sur ce parquet. (Tu vois, ce n’est pas vraiment une lettre, plutôt une chanson populaire mal foutue.) Et maintenant je suis là, dans ce salon aux couleurs chaudes, à noter sur des feuilles ces pauvres phrases et toi, quand je relève le nez, je te vois. Tu es là, toute jolie, tellement loin, en train de regarder un magazine. Aucun mot ce soir ne franchira mes lèvres, aucun rire. La musique que tu as choisie, pas seulement écoutée, de sa dégradation en ambiance meublera le silence. Il ne fait pas mauvais ici ; bien au contraire, même. Il y a des choses à faire. J’ai l’impression de voir tout cela de très loin, comme l’enfant qui tient à l’envers la longue-vue. La mort ne viendra pas vraiment. Seulement la douleur. Le corps qui hurle. Et sur lequel il faut encore marcher. Pour achever le travail. Je vais bien.

     

    Il pose son stylo, se lève, ramasse difficilement un jouet d’enfant, le range, se rassied, pose les mains bien à plat sur la table et demeure immobile.

    Il prend la feuille, la chiffonne, la lance négligemment dans la poubelle. Puis quitte la pièce en claudiquant légèrement.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Un contrepoint romantique : Raison garder.

     

  • Le jeu des violettes (3)

    Nature morte aux 3 crânes. Cézanne.jpg

    Bien. Tout le monde s’est évidemment précipité sur les violettes, sur leur couleur. Figurez-vous que le problème n’est pas du tout celui de la couleur des violettes ; le problème – relisez bien – est plutôt de savoir ce que c’est qu’un dialogue, non ?

     

     

     

     

     

     

     

     

    – Le dialogue est peut-être la forme d’écrire la mieux à même de dissimuler l’opinion de l’auteur.

    – Mais la détruit-elle pour autant ?

    – Peut-être ; si l’auteur prend soin de ne placer son opinion dans aucune de celles que ses dialogues expriment.

    – J’objecterai que plus le dialogue est long, étendu parfois même à plusieurs ouvrages, plus le nombre des opinions exprimées tend à cerner celle qui ne l’est pas.

    – Et que seul le lecteur exprime ; mais n’est-elle pas plutôt la sienne, alors ? Car quoi dit que seule une opinion n’était pas exprimée ? Ou que l’auteur en avait une – qui sait ?

    – Oui. Sans compter que l’opinion éventuelle de l’auteur, pas si fixée dans le temps peut-être, il l’aura avec plus ou moins de conscience et de volonté disséminée dans ses dialogues, et que les contradictions mêmes de ses interlocuteurs fictifs ne sont pas nécessairement les indices de cela, mais ceux de la connaissance de la nature humaine de l’auteur.

    – Il faut donc que les opinions de l’auteur n’aient aucun intérêt pour le lecteur.

    – Importe seulement, au fond, cela dont il parle.

    – Mais il parle de la couleur des violettes !

    – Merde à la fin.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    (Les âneries sont ouvertes.)

  • Le jeu des violettes (2)

    Manet Le bouquet de violettes.jpg

     

    Je précise que la couleur donnée aux caractères de ce second problème est un effet de l’humeur guillerette de ma secrétaire et ne constitue en rien un indice ; quant aux fleurs de Manet, elles demeurent évidemment, si j’ose dire, hors concours.

     

    Soit le dialogue suivant, étant donné un monde imaginaire où le violet n’existe pas :

    A. – Les violettes sont jaunes.

    B. – Les violettes sont marron.

    De quelle couleur l’auteur du dialogue pense-t-il que sont les violettes ? Vous justifierez logiquement votre réponse.

     

     

     

    (Les commentaires sont fermés ; ça m’évitera de lire des âneries.)