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Les clés de la maison par hasard

J’ai acquis l’autre jour, pour la modique somme de trois euros, un livre trouvé dans un bac d’ « occasions » de mon libraire.

Les Collected Longer Poems  de W. H. Auden.

Collected longer poems auden.jpg

 

Je n’ai jamais rien lu de cet auteur, ni jamais entendu quiconque le vanter ; la seule fois, si ma mémoire est bonne, que j’ai entendu un poème, ou un morceau de poème, de lui, ce devait être dans le film Quatre mariages et un enterrement, ce qui ne jouait pas franchement en sa faveur – ce film eût peut-être rendu niais n’importe quel poème…

 

Auden.jpg

 

J’ai feuilleté le livre, publié chez « faber and faber » en 1968. Il était rempli de poèmes dramatiques – il faut, après lecture, même partielle, préciser que l’accent est à porter davantage sur poème que sur dramatique – et longues proses, dont, par exemple, une Lettre à Lord Byron (tous ces textes ont été composés entre 1930 et 1947).

Je suis rentré chez moi, et j’ai feuilleté le livre, assez longuement, sans rien lire vraiment.

J’ai vu que les quatre gros morceaux étaient Paid on both sides, qui à mon avis s’approche le plus d’une forme dramatique, mouvements choraux inclus, charade se pouvant peut-être traduire en l’espèce par mascarade ; For the Time Being (expression idiomatique pas si simple à traduire…), qui est un oratorio de Noël, reprenant et commentant sous forme dialoguée des passages des Evangiles ; The Sea and the Mirror, un commentaire sur La Tempête de Shakespeare ; enfin, The Age of Anxiety, églogue baroque.

Rien qu’en feuilletant, on perçoit nettement la présence de la Bible dans la poésie d’Auden – même, je crois, lorsqu’il aborde Shakespeare ; on peut peut-être voir là, si l’on sait qu’Auden, initialement catholique, s’est converti à l’anglicanisme, ce que donne, lorsqu’elle est à son sommet, une certaine tradition protestante du commentaire.

 C’est une chose en tout cas assez émouvante, de songer que des poètes font leur œuvre dans la poursuite et l’éclaircissement de livres fort anciens, qu’éclaire le premier d’entre eux (The Bible is the basic book of our civilization, dit tout simplement la première phrase de l’introduction de mon exemplaire de ma King James Version)...

C’est en songeant à cela, que, feuilletant toujours, je suis tombé, dans For the Time Being, sur cette phrase, sise dans le passage (magnifique, l’ayant lu depuis) intitulé The Meditation of Simeon, phrase qui m’a arrêté, littéralement :

 

Because in Him the Word is united to the Flesh without loss of perfection, Reason is redeemed from incestuous fixation on her own Logic, for the One and the Many are simultaneously revealed as real.

 

C’est assez simple pour que je ne prenne pas le risque de traduire.

Venir placer a contrario dans une phrase sur la rédemption de la raison par la double nature du Christ les termes freudiens de fixation incestueuse est un trait de génie.

(Paraphraser n’est pas traduire.)

Qui m’a semblé d’un coup éclairer toute notre époque.

(Sa sous-poésie merdique aussi.)

 

Seul un poète peut avoir une intuition, une fulgurance pareille.

 

Je me suis fait l’effet d’un gars qui vient de trouver dans la rue les clés de chez lui, qu’il ne cherchait même pas.

 

Commentaires

  • J'ai perdu mes clefs. Je fonce chez vous. Je les retrouve.
    Je commente ici votre "NON POESIE" les com. sont fermés :
    "j'aurai pu l'écrire", non, là je plaisante,vraiment. J'aurais aimé l'écrire.
    La Non poésie c'est comme la non-demande en mariage, rien n'est plus poétique.

  • Vous avez la "commentation" quelque peu anarchique, chère Ambre. Au reste, quand je ferme les commentaires, voyez-vous, c'est parce que je n'en veux pas.

  • Ô pardon, je fais acte de contrition, je ne connais pas bien les "codes" des blogs et autres clés pour circuler sur les autoroutes de la toile.
    Mon anarchisme "commentatoire" était dû au fait que je vous ai découvert tardivement et que je lis seulement maintenant quelques-uns de vos passionnants billets.
    Cette fois, promis, je serai muette, une anar-muette! En un mot je vais la fermer;o)

Les commentaires sont fermés.