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musique - Page 3

  • Musique de l'Empire

    Le bar du quartier carbure à Radio Nostalgie (il y a pire, notez bien). – On ne peut pas couper ça ? dis-je. Après tout, j’y suis le seul client, à cette heure. Mon dernier rendez-vous, selon toute probabilité, ne viendra pas ; et c’est tant mieux. – Non, me répond le patron en essuyant un verre, sinon il n’y aurait plus d’ambiance. Je m’abstiens de tout commentaire. Je commande un autre café, sors fumer sur le pas de porte. Il fait froid, le ciel dégagé est blanc plutôt que bleu. Je reviens au comptoir, bois rapidement mon café, règle les quatre, sors. Je marche dans cette petite ville que je ne connais pas. Le froid attaque les mains. La forme des rues, l’architecture sont singulières, les boutiques sont les mêmes que partout, à quelques petits commerces près. J’approche du centre-ville, sans doute, puisque les rues maintenant sont équipées de haut-parleurs qui diffusent de la musique d’ambiance. Un poil plus récente que le tout-venant de Nostalgie. Mêmes boutiques, mêmes musiques, cette ville inconnue m’est déjà familière. Faussement. Peut-être signalent-ils, en creux, ces haut-parleurs la présence, plus discrète, de caméras de surveillance. Je ne sais pas. Je ne les cherche pas. Le flicage a lui-même bien assez de flics. M’est avis qu’ils concourent, sans bien le savoir, professionnels et amateurs. La justice arbitre. Petit jackpot des dommages et intérêts. Ce qui m’emmerde plus, c’est de prendre ce bain musical simplement en marchant dans les rues. J’entre dans un magasin, la musique y est différente ; j’y achète en vitesse des chaussettes (eh oui) fabriquées en Chine. Retour à la bouillie musicale populaire. C’est en anglais. Je ne cherche pas à comprendre les paroles. La voix du coup est seulement musique. Je fume une autre cigarette devant la vitrine d’une grande boutique de chasse. Il n’y pas de magasin de chasse, dans ma ville. Il n’y en a plus, du moins. Je regarde les fusils, les couteaux, les revolvers, les armes de défense, les fac-similés, aussi. Tiens, ça chante en français. Les paroles, quoique navrantes, s’impriment bien. Je vais me la trimbaler toute la soirée, celle-là. Quel monde en merde. J’ai un refrain con dans la tronche, je le sifflote. La loi a imposé un pourcentage de chansons françaises, pour stopper l’invasion anglo-américaine. Ça a permis à la France d’abrutir encore sa variétoche et de développer son rap. Ah, les beaux appels au meurtre, au viol, ah, la poésie rebelle, Rimbaud, tout ça. Une église. J’entre dedans. Je cherche le silence, peut-être. Je n’y crois pas. Qu’il va y avoir du silence. Dans la plupart des églises, en ville du moins, et dans l’hypothèse que leurs portes ne sont pas fermées, une musique douce est diffusée en fond sonore. Une musique religieuse, dix-huitième généralement. Le silence est insupportable, sans doute. Pour le coup, dans cette église par ailleurs charmante, je ne suis pas déçu. La musique est assez forte, et elle consiste, à mon avis, en chants paroissiaux locaux enregistrés par les paroissiens mêmes. Naufrage total. C’est complètement kéké. Les curés mouduculs ne suffisent plus à renvoyer les gens dehors ; il faut aussi, en leur absence, la musique la plus évidemment abrutissante. Encore plus évidemment con que tout le reste. Niais, si vous préférez, et de bout en bout. De l’expression à la théologie, si j’ose dire, en passant par la musique. « On ferme », semble avoir décrété l’Eglise sans avoir eu besoin de lire Muray ; « de toute façon, c’est encore mieux dehors » (il fallait le faire, quand même). Je retourne à la rue. J’entre dans un café. Prendre l’apéritif. Avant de rentrer au restaurant de l’hôtel. Picon. Rolling Stones en fond sonore. Encore les Stones. Et un troisième. Ah, cette fois, c’est un disque : choix musical du patron. C’est l’Happy Hour, une horde de jeunes gens débarque. Demande au patron de changer de disques. Lequel, au nom de l’ambiance, j’imagine, obtempère. Et nous voilà à présent avec je ne sais quelle saloperie technoïde à fond les ballons. J’ai envie de décaniller, mais le patron me remet mon verre. – C’est sympa, hein, hurle-t-il. – Quoi ? Je n’ai vraiment pas compris. – C’est sympa, hein, je dis, hurle-t-il derechef. J’acquiesce, lève vers le haut un pouce d’autant plus hypocrite qu’il est très énergique. Je finis mon verre, je me casse. Il fait nuit, à présent. Je vais remonter doucement vers l’hôtel. Je mangerai. J’irai dans ma chambre. J’essaierai de ne pas allumer la télé. Et de lire. Mais bon. Ce n’est jamais gagné. Ce que je lis ? Esquisse d’une phénoménologie du droit. Kojève. Livre dans lequel l’intelligence et les limites de la démonstration paraissent ensemble. En attendant, je fredonne cette chanson de merde, entendue tout à l’heure (je ne fais pas de bub).

    Evidemment, j’ai mangé en variétés débiles et regardé pendant deux heures une merde infâme à la télé. Puis j’ai noté des trucs. Je ne lirai pas. Ni Kojève, ni Rabelais, retrouvé au fond de mon sac complètement corné.

    Voilà ce que j’ai noté.

     

    Empire de la musique & musique de l’Empire. Le sinistre occultiste Abellio, je crois, considérait sérieusement la musique comme une drogue douce. La surconsommation, volontaire ou pas, me la ferait plutôt considérer comme une drogue dure. Tout est question de consommation, plutôt. Comme toujours. Société de consommateurs. Entendre : de junkies (parlons moderne). Nous flottons dans ce bain musical. Cool, man (en français dans le texte). D’ailleurs, le mot cool vient peut-être (je n’en sais rien, mais j’aimerais bien) de la vieille expression française à la coule. Etre à la coule. A lire, on visualise le fond de noyade de cette affaire. Quand j’ai le choix de la musique, ce qui se fait rare avant la nuit, en général je n’en écoute pas. Quand j’en écoute, je choisis souvent de la musique baroque ou symphonique, sans paroles. Quand je choisis un opéra, j’essaie hélas rarement de suivre le livret. Exercice trop difficile. J’écoute donc essentiellement de l’allemand, de l’italien, rarement du français. Le français d’opéra, je ne le comprends pas. Pas un admirateur de Gounod, mais jamais réussi à comprendre ce que disait son chœur archi-rabâché après « Gloire immortelle de nos aïeux »… Quand je suis vraiment claqué, j’écoute des chants grégoriens en buvant un bordeaux blanc (ou autre chose, d’ailleurs, mais j’ai un souvenir précis de telle soirée…). Hildegard von Bingen. Et puis la musique religieuse (pas les chants paroissiaux kékés, hein, merci). Le Requiem de Mozart est assez joyeux aussi. Et le Nisi Dominus de Vivaldi… Bref, j’écoute surtout du latin. Plus encore que de l’allemand ou de l’italien. Du latin. En fait – cela m’apparaît à l’instant – j’ai choisi mon Empire et, bizarrement, il ne chante pas en anglais.

     

    Pour finir, et à propos de Vivaldi, je vais quand même faire de la pub. La vidéo qui suit est d’ailleurs elle-même une publicité :  

     

     

    Dernière chose. Les trois artistes que vous venez de voir passeraient tout à fait inaperçus dans la rue. Ce sont des interprètes de grand talent. Ils ne ressemblent d’ailleurs pas à des clowns, pardon, à des artistes, des créateurs oué tu vois.

     

     

     

     

     

     

  • Travails

    Position politique 

     

     

     

     

     

     

     

    J’écris une pièce, presque une commande, jugulaire jugulaire, le premier acte est fini, les personnages tiennent leurs points cardinaux, tout est en place pour la tragédie et elle ne viendra pas, c’est ça qui est drôle et ça ne l’est pas, on est dans le système français où toutes les données sont connues dès le départ, tout est prêt à filer au tragique comme une armée en marche et il faut maintenant que ça s’envase et s’embourbe avant même le premier coup de feu, que la tragédie ce soit qu’il n’y en a pas mais alors pas, pour l’heure le premier acte est fini, plus que trois à faire, le dialogue de phrases brèves est serré à fond, digression nulle, j’aimerais qu’il visse le ventre, je ne sais pas si c’est du bon théâtre mais en tout ce n’est pas autre chose que du théâtre, j’aimerais qu’il flotte là une puissance lourde de silence, qu’on regrette de n’avoir pas le secours de la musique, tantôt légère et aérienne tantôt basse profonde à la russe, mais toujours lente et étirant le temps, rituel liturgique, liturgie je le rappelle en passant veut dire service public, et je me dis tout cela et je rigole, c’est complètement invendable je le réalise d’un coup et du coup justement je ne rigole plus, non mais quelle bande circumterrestre d’ignorants crasseux fiers sous leur mammon en merde, et je rigole quand même, et je me dis que si ça commence à être vraiment du vrai théâtre ce que j’écris, il va falloir que je me trouve assez vite un autre job…

    Allez, j’y retourne.

  • Un peu de moujik, pour changer

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     Pour une fois que j’aime quelque chose, j’en parle. Ce n’est pas du théâtre, évidemment, dira-t-on… Mais d’ordinaire, je ne cours pas non plus après ces musiques difficilement définissables, et conséquemment : actuelles.

     

    J’ai donc vu l’autre soir, samedi 31 mai, à Reims, au festival Brise-glace, un set d’un groupe d’un seul musicien, nommé moujik – alias Matthieu Dehoux. « Auto-définition : électro-rock débridé ».

    Entre les morceaux, le type plaisante, fait même de longues phrases françaises, cohérentes, plutôt drôles, qu’il maugrée et s’amuse même parfois à laisser inachevées. Il parle au public comme s’il était seul, marchant en rond dans la salle, sans trop apparemment se soucier d’être entendu ou compris, fait ses réglages à vue, passe du synthé à la batterie, sur laquelle il joue à pleine puissance – ce dont la vidéo ne rend ici que très relativement compte…

    Puis de nouveau quelques phrases en marchant autour du dispositif instrumental, d’une désinvolture éclatante.

    Et synthé, samples, batterie.

     

    Me plaît également cette façon de quitter la batterie en jetant mollement les baguettes derrière soi, après quelques minutes d’un déluge de violence millimétrée.

    Et puis, c’est une musique sans pathos – aucun « message » à la con, pour une fois –, ce qui repose – étrangement, malgré ou grâce à la puissance sonore.

    Une abstraction fantasque, virtuose. J’y trouve une joie rayonnante. Une sérénité.

    (On va dire que je suis branque.)

     

    Désinvolture et puissance, humour et abstraction.

     

     

     


     
  • Un retour...

    Je roule lentement au travers de la forêt immense tandis que la radio crache des appels rythmés au meurtre de flics. Je descends maintenant vers ma ville et elle n’est pas encore à feu et à sang ; j’arrête la radio. Je me souviens brutalement du crucifix taggé, tout à l’heure, dans les vignes. Les temps vont concorder bientôt, parfaitement, dans le chaos. Du moins, il m’est loisible de l’espérer. Quand j’ouvre les yeux, je comprends que je me suis arrêté et allongé au bord de la route. J’entre enfin dans ma ville, le long d’interminables barres d’immeubles, en écoutant L’art de la fugue. Pluie fine, à présent. Ensuite, j’ai gardé quatre jours cette musique en moi, et l’ai beaucoup fredonnée.

    C’est la guerre…déjà. Contrairement aux apparences, je n’exagère jamais. Mais chut…

  • Hymne à la noix

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    Un article en ligne du Figaro m’apprend qu’un nommé Bernard K., ministre des Affaires Etrangères d’un pays – abusivement ou pas – nommé « Frankreich », va, en compagnie de son homologue allemand enregistrer un titre de «  R’n’B ».

    L’annonce initialement faite par le porte-parole du ministre allemand, est-il précisé, a été confirmée « par une source diplomatique française ».

    On a la diplomatie qu’on peut.

    Je ne résiste pas à citer ceci :

    «  Ce tour de chant inattendu est organisé dans le cadre d’une campagne allemande de promotion de l’intégration, qui est aussi le thème du conseil des ministres pour lequel Bernard Kouchner se rend à Berlin. Le titre, œuvre de jeunes Germano-Turcs, sera enregistré dans le studio du label Plak Musik, situé dans un quartier « difficile » de Berlin (…). »

    Et encore cela :

    « De source diplomatique [encore, et idem] c’est un rappeur allemand qui chantera les couplets. Les ministres reprendront en chœur les noms de leurs pays – « Deutschland » et « Frankreich ».

    La grande classe.

    Reste que je ne vois pas le rapport avec l’intégration, turque ou autre. Le « R’n’B » du Figaro, qui est peut-être un mauvais rap commercial, n’est pas à ma connaissance un genre musical particulièrement allemand. Le rap non plus. Mais non plus le rap ni le « R’n’B » ne sont particulièrement turcs.

    Pot-pourri globalisé.

    Je ne sais s’il faut se réjouir ou pleurer de ce que l’Allemagne soit aussi conne que la France. Ici comme là, plus rien ne demeure à quoi l’on pourrait bien intégrer quoi ou qui que ce soit.

    Il n’y a donc même plus de musique en Allemagne.

    De Profundis.