Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Culutre - Page 4

  • En-jeu (Pour une Culutre citoyenne !)

    Je livre ici un court texte introduisant à Pour une Culutre citoyenne !

     

    c45438534515a650d0f1e53ccb0aac69.jpg

     

    EN-JEU

     

     

     

    Question

     

    A force de lire des programmes de spectacles, des plaquettes, des documents de saison, des magazines et des journaux (culturels ou non, ceux-ci), je me suis aperçu qu’ils parlaient tous la même langue truffée de termes flous qui se voudraient techniques ; et aussi qu’ils disaient, de tout, strictement la même chose.

    Et à la fin, à bien écouter tout ce laminage permanent, la différence entre ce que dit un texte de Racine et un concert de hip-hop n’est même pas minime : elle n’existe tout bonnement pas.

    Ce détestable fourre-tout qu’on appelle la culture est une simple construction idéologique capable d’inclure absolument tout – et aussi bien n’importe quoi. Ceux qui mettent en vente – ou en vante – leur marchandise culturelle savent seulement qu’ils doivent employer cette langue-là, qui garantit en somme leur production.

     

    Si la culture est bien cette idéologie, quel est son but ? Quel intérêt trouve-t-elle à égaliser et indifférencier tout ?

    Et surtout, sur quoi fait-elle fond ?

     

    C’est de tout cela que parle, non sans méchanceté je crois, Pour une culutre citoyenne !

     

     

    Remarque

     

    L’égalité de toutes les différences, qui d’un point de vue platement arithmétique est une aberration, est doublée de complications apparemment terrifiantes : certaines différences sont plus égales que d’autres…

    Mais bon, en gros, tout vaut tout. (Après quoi, toutes les nuances sont possibles, puisque toutes également infondées.)

    Si une égalité est une différence, et réciproquement, il devrait logiquement s’ensuivre que tous les mots sont synonymes.

    Conséquemment ils sont tous également inadéquats ; et inutiles.

    De sorte qu’on peut s’en passer.

     

    Il est ici question, je crois, d’un retour à l’indifférencié.

    Le langage opère par divisions ; par discriminations, dirait-on aujourd’hui. Et c’est par lui, avec lui et en lui, que l’humanité était sortie de l’indifférencié, de l’animalité ; et qu’elle était ainsi devenue précisément cela : l’humanité.

    Que ses agents le sachent ou non, c’est bien contre cela – l’humanité, en tant qu’elle est instituée – qu’est en lutte aujourd’hui la culture, institution désormais auto-immune.

    Voilà le nœud.

     

     

    Actualité

     

    La programmation imbécile du Festival d’Avignon 2005, par exemple, a logiquement donné lieu à un débat imbécile entre crétins culturels autorisés, qui opposerait de prétendues « dramaturgies non-textuelles » à de prétendues « dramaturgies textuelles ».

    Mais à l’idéologie qui indifférencie tout par inclusion, qu’il y ait ou non texte importe peu. (Après quoi chacun défend sa place dans le Château, son droit à être inclus, et c’est tout.)

    Tout ce qui ne prend pas directement pour cible cette idéologie demande en somme à être indifférencié ; à disparaître.

     

     

    Censure

    Silence.

     

    Novembre 2005

  • Décrire ou dénoncer

     

    a951724d8d7c752f8d0260403c5e2ec8.jpg

     

    – Qu’est-ce que tu fais en ce moment ?

    – Je monte un spectacle.

    – Ah, et c’est un spectacle qui dénonce quoi ?

    – Mais rien du tout, mon cher, rien du tout. J’essaie de décrire. Cela s’appelle Pour une Culutre citoyenne ! (oui, oui, culutre) et c’est une série de saynètes sur le milieu prétendument culturel.

    – C’est ce que je dis : tu dénonces…

    – J’essaie simplement d’exagérer un peu la réalité, d’outrer les choses. Je pensais d’ailleurs y être parvenu ; mais en fait non, à simplement travailler avec les comédiens, je m’aperçois que le texte est platement réaliste et tout à fait monstrueux.

    – Mais c’est ton milieu, pourtant, non ?

    – Oui.

    – Et tu n’as pas peur ?

     

    Décrire les choses, je crois, suffit souvent à les rendre ambiguës. Dénoncer, c’est dire ce qu’il faut (ou faudrait) faire ou penser. C’est de la propagande.

     

    – Mais tous les spectacles que je vois, qui sont « engagés », « subversifs », dénoncent toujours quelque chose.

    – Certes, mais au nom de quelle autre chose ? Quelle idéologie tire sur quelle autre ? Et n’est-ce pas toujours la même qui s’exprime ?

     

     

    a56afb79dd2ba8715a09c55d4e569224.jpgDans le programme en ligne d'une salle de spectacle, je lis ceci, à propos d'un imbécile et quelconque (je le sais : je l'ai vu) spectacle de cirque de tréteaux signé Pierre Meunier, interprété par Jeanne Mordoj, et titré Eloge du poil :

    « Qu’y a-t-il de plus subversif qu’un poil dans une société policée et hygiéniste ? C’est peut-être avec cette pensée qu’on quittera Eloge du poil. »

    Voilà, on vous dit même quoi « penser », quoiqu’il n’y ait là rien qui ressemble à « de la pensée ». (Il n’y a sur le plateau qu’une femme à barbe « servant de support » à une série de numéros de mauvais cirque et tous rivalisant de « navritude » ( ?), de « navroure » ( ?).)

    On en est là. Au reste, je ne m’étonne pas du succès que remporte ce spectacle « poétique », i.e. qui ne raconte rien, auprès, non pas nécessairement du public, mais des « diffuseurs ».

    (Les diffuseurs d’ambiance, comme je les appelle gentiment…)

     

    Dénoncer doit être rassurant… puisque décrire est censé faire peur.

    Les conséquences d’une dénonciation, aussi insignifiante soit-elle, sont aujourd’hui censées être positives (et le sont certainement, mais de leur propre point de vue).

    Les conséquences d’une description, elles, devraient effrayer leur auteur.

    – Tu n’as pas peur ?...

     

    La réalité est plus simple : l’ambiguïté fait peur aux tout-puissants diffuseurs d’ambiance (le fait est que ces tocards incultes, ces temps-ci, ne se sentent plus pisser), devrait donc par conséquent me faire peur également, considérations économiques obligent…

     

    Laissez-moi rire.

  • De belles émeutes bien de chez nous...

     

     Saturne, le Touriste et son Bébé est la troisième saynète – écrite entre juillet et septembre 2005 – de la pièce Pour une Culutre citoyenne ! Cette pièce à son tour est le troisième des dix textes composant l’ensemble romanesque titré Tout faut.

    b5e867c0813ec19327ecdf2b610bbe64.jpgVoici donc le texte que je répétais pour le théâtre au moment qu’éclatèrent les émeutes de banlieue, en l’an de grâce 2005. Nous (Arnaud Frémont, qui interprétait seul les trois rôles, David Girondin-Moab, qui fabriquait les marionnettes, et moi-même) ne devions bien évidemment donner qu’une seule fois cette saynète.

    Après l’avoir lue, certaines personnes se demanderont peut-être comme il fut possible qu’une salle de spectacle (on ne dit plus : un théâtre) subventionnée, même au fond de la province française, acceptât de programmer un tel monstre. La réponse est simple : elle ignorait l’avoir fait, la compagnie de David ayant vendu à cette salle un « mini-festival » composé d’une dizaine de « petites formes marionnettiques ».

    Quant à la réception du public CAMIF (NF – norme française) réuni ce soir-là de janvier 2006, elle me sembla varier dans le temps même de la représentation. Le public, interloqué d’abord des paroles de la première intervention de Saturne, partit en hilarité aux premières répliques du Touriste et du Bébé, hilarité qui ne cessa ensuite de descendre, et descendre, et descendre… La représentation s’acheva dans un silence sépulcral qui, je me permets de le dire, me fit bien franchement rigoler.

    e3d68998f1e6eeb13249c0099cda2223.jpgLire la saynète.
  • Saturne, le Touriste et son Bébé

    10e8939d73c9dc63ea9161d2a8400b9c.jpg

     

    Un homme seul,  très légèrement hirsute de la gueule, en culottes courtes et lunettes de soleil – les lunettes de soleil, c’est important pour priver l’éventuel spectateur de tout regard humain ; c’est lui, le Touriste. Sortant  de son ventre, y retournant à gré, un Saturne malheureusement pour lui-même échappé de Goya ; dans sa main droite enfin, et porté comme un poing, une tête articulée de bébé, de poupon : le Bébé, donc. Un homme, et deux marionnettes. – La voix du Saturne – un monde meurt – est calme et grave et basse ; celle du Touriste en tout cas fait parler le Bébé, à moins que ce ne soit l’inverse…, et ce binôme-là file à vive allure dans la farce criante et piaillarde et gueularde. Derrière le touriste immobile, le décor peut être rien ; ou, aussi bien, représente n’importe quoi : on s’en fout.

     

     

     

    SATURNE. - Enfin...

    Il y aurait de quoi rire, si l'on savait encore. 

    Les grands combats sont terminés enfin.

    Celui de l’homme avec l’histoire pour lui monter sur son dos et la diriger comme il peut, scabreusement donc. Aussi celui de l’art face à la mort pour lui regarder honteusement dans ses yeux de carbone et repousser sa victoire, comment dire ?… un peu durablement.

    Avec leurs grands carnages dégueulasses et leurs glorioles immondes, les grands combats aventureux que l’homme livrait plus ou moins à l’aveugle sont enfin terminés, et personne ne navrera plus l’épouvante.

    Pour la première fois, un vrai bonheur !… la peur de se tromper pèse si lourdement, paralyse toute parole, toute action ; pour la première fois, personne non plus n’ose émettre un regret ni un souhait ; l’époque dans des hoquets débiles a même fini d’agoniser heureuse, et signe sans conscience sa sortie hors du temps…

    De tant d’anciens fracas où la vermine humaine s’élançait à l’assaut de son maître d’ici, demeure seulement une musique guillerette étalant sur la surface du monde son sale sirop d’oubli…

    C’est pour longtemps, que le sens antique des paroles ne peut plus être compris du tout ; c’est pour longtemps, oui, qu’il n’y a plus du tout personne. Vieilles chansons d’effroi devenues rassurants borborygmes…

    La mièvre paralysie qu’ordonne la peur malpropre de se tromper convainc laxativement l’imbécile d’avoir trouvé la vérité… enfin ! ; ou qu’il n’y en a pas, absolument. Ce qui, n’est-ce pas ? est identique.

    Petit repos non mérité, volé.

    Sous les éperons abrutis d’un confort plus que nécessiteux, l’histoire a crevé épuisée – et le restant d’homme qui l’a vaincue, il n’ira plus nulle part faire face à rien du tout. – Et la mort même, l’homme une fois devenu cet étron convaincu, a fait facile conquête des larges champs de l’art qu’elle avait si longtemps bornés de son absence effroyable.

    Ici, on n’entend aucun glas ; et c’est encore plus joli qu’il n’y ait même pas ça… Oui, aucun glas. Faute sans doute de personne pour le sonner.

    Juste cette rengaine à la fois guillerette et si pauvre, suprême vengeance de la désormais inapercevable ironie. Misère parée d’atours magiques, foutaises…

    Fallait-il donc que l’homme chevauchât cette atroce et sanglante monture de l’histoire, avec son caparaçon de bouchers et de damnés, pour que son art toujours si approximatif pût faire face, même vainement, à rien moins que la mort ?

    L’homme ne se ressemble plus. Et dans ce miroir fidèle que je lui tends ici, ô mes très lointains amis, il ne reconnaît pas l’animal qu’il est redevenu.

    Il aurait de quoi rire, l’homme, s’il savait encore. Les grands combats sont terminés enfin, et avec eux s’est aussi achevé l’homme… enfin.

    Entrons dans la bouillie.

     

    *

     

    LE TOURISTE – On est sur la Toroute. Et on se tire en vacances plus que bien méritées, qu’on se paye très modestalement (ja wohl !) avec ma demi-solde à moi et le total chômage à Madame. Cela dit, sur la Toroute, il ne faut pas rouler plus que trop vite, à cause de la police et de l’apéritif. Mais ça, c’est arrangé à l’amiante : j’ai pris l’apéritif et Madame la Toroute. Sans compter que si on meurt dans le bon côté droit de ladite légalité, on est mieux remboursé de la vie pour laquelle on se cotise à longueur de laquelle.

    Tel qu’en ce moment vous me voyez présentement, je suis dans la caravane à faire le repassage des affaires à Mademoiselle Bébé, ce qui n’est pas peu sujet de fierté entre Madame et moi-même qui vous le dis. Car ce n’est pas rien de dire qu’on se fait homme modèle en se modelant soi-même sur le seul vrai modèle déposé, qui est en fait votre Bobonne à soi-même. Madame, quoi, veux-je dire.

    Ainsi donc voguons-nous formidablement sur la longue Toroute qui mène tout droit à l’Océan pétrolisé de nos rêves infantiles et sacrés. N’est-ce pas que c’est vrai, Bébé, ce qu’il dit ton serviteur-repasseur de Papounet d’amour ?

     

    LE BEBE – Ta gueule, connard.

     

    LE TOURISTE – N’est-ce pas qu’elle est toutoute mignognonne en diadiable, ma Mademoiselle Bébé à moi que je l’ai faite dans sa Madame à qui je suis ?

    J’ai toujours été, faut-il bien sûr le dire, un défenseur absolu de l’insolence enfantine. C’est tellement beau, aussi. Ta gueule, connard ! Quand je pense qu’aujourd’hui, d’ignobles méchants parents talochent encore leurs adorables poupons, quand ceux-ci prennent sur eux la liberté de librement s’exprimer avec une sincérité très très très irréprochable !

    Il faut savoir entendre, bien sûr, l’amour très respectueux qui se cache définitivement dans de tels propos à l’apparence anodine. Ta gueule, connard ! Qui n’entend là très manifestement une déclaration d’amour filial ? C’est si émouvament beau que j’en pleure une pure larme de bonheur atteint… Et quelle fierté, quelle fierté, quelle fierté citoyenne ! La voilà, la relève ! Plus avisée que nous, plus libérée de tout, plus révoltée de la réalité, plus épanouie, plus satisfaite d’elle-même, plus sans tabou sur rien…

     

    LE BEBE – Ferme donc ta grande gueule de gueulard ; et donne-moi donc de la bouffe à bouffer, chiémerde. 

     

    *

     

    SATURNE – Vous m’avez peut-être déjà vu, moi, Saturne, ou  bien était-ce mon frère plus ou moins ressemblant, la gueule hirsute avide immensément réjouie, et mangeant mes enfants. Pourquoi ? voilà bien une question à laquelle, d’évidence, je ne puis pas répondre ; car elle passe outre l’entendement, la réponse…

    Ceux d’entre les artistes qui allaient au plus vrai, qui maîtrisaient tout de même le grand art emparé d’eux, ont chaque fois fini par buter sur le mot Dieu, sinon même sur son Nom ; sur ce mot arraché du néant, et ordonnant de son sommet inaccessible l’édifice admirable de la Raison et partant, de l’humain.

    Mais tout ceci, bien sûr, n’intéresse plus personne. Nous marchons sous des ciels qu’explique la physique, et passant tout langage par pertes et profits nous nous considérons nous-mêmes, avec force délices doucereuses, comme de l’adorable saloperie biologique. Au point que ce misérable surplus chez nous de la conscience, nous ne pouvons plus le confondre qu’avec la bonté même ; mais c’est de la folie, de la pure, de la pas du tout coupée. De la pure came, oui, cette idée.

    Voiles à bloc gonflées du délire…

     

    *

     

    LE TOURISTE. – De la poésie, tout le monde il peut en faire bien sûr. Il suffit de le dire bien fort, que ce qu’on fait c’en est de la vraie véritable qui se gueule bien à la criée.

    Moi-même qui vous le susdit, j’essuie intermiteux du spectral en section spéciale poésisme au camping deux étoiles de Culmont-Chalindrey.

     

    LE BEBE. – Bon, i faut faire quoye, enculé ?

    LE TOURISTE. – Aujourd’hui, chers poéteurs en herbe qui fait rire, nous allons commencer par le surréalismisme, car parce que c’est un poésisme très fastoche à faire. Et encore aujourd’hui, vu que ça ne veut rien du tout dire et que ça se torche en d’autant moins de temps, c’est très d’avant-ringarde, vous allez voir.

    Suffit assez de mettre ensemble des mots qui n’ont rien à y foutre, ensemble, et comme les mots du hasard de votre tête, ils n’ont jamais rien à foutre ensemble, eh bien donc ça en fait tout de suite d’un coup, de la poésie.

    Vas-y commence.

     

    LE BEBE. – enculé biberon sucer maman tétine

     

    LE TOURISTE. – C’est magnifique à mort. Et pour que ça ne plus du tout veuille rien dire, on n’a qu’à encore en rajouter un au milieu, de mot qui vient d’ailleurs.

     

    LE BEBE. –  enculé biberon carotte sucer maman tétine

     

    LE TOURISTE. – Génial à mort. Ca, c’est du vrai vers libre en liberté subversive. Alors maintenant, pour être un vrai beau poésisme totalitairement modernul, il faut nous en conchier un deuxième qui vient en second, de vers. Pas n’importe quoi, hein, cette fois, non : ce second vers doit être le retour sur lui-même du premier, dans un moment dialectique de prise de conscience de lui-même en tant que vers, pigé ? C’est plus fastoche que ça en a l’air, tout fait aussi bien l’affaire, faut juste une phrase qu’on repère.

     

    LE BEBE. – sucer biberon carotte enculé maman tétine

    j’aime les fleurs surtout les bleues qu’elles sont bien bleues

     

    LE TOURISTE. – Mais c’est plus que le nouveau Dante, ce kid ! Mieux qu’Alexandre Jardin et déjà presque du Christine Angot ! Et maintenant, cher confrère, vous permettez que je vous appelle comme ça, avant de passer au mettage en zicmu, le troisième vers. Autant les deux premiers vers qu’on a faits en premier, répondaient à des règles très stricteuses, autant le troisième et dernier est totalement libéré, laissé au total décapilotage de votre imaginement.

     

    LE BEBE. - sucer biberon carotte

    enculé maman tétine

    j’aime les fleurs surtout les bleues

    qu’elles sont bleu hématome

    je casse tout l’ordre enculé

    à satiété j’ désosse la société

    il faut buter les ceux qui nous font chier

    commencer par nos pères ces flics

    qui niquent nos mères les putes

    pas de quartier pour ces tocards

    qui nous paient des vacances de merde

    et qui s’éclatent dedans comme des gros porcs

    ils peuvent que nous apprendre que dalle

    ils jouissent dans leur vide sanitaire

    pour tromper leur ennui d’abruti

    qui n’ont pas plus d’avenir que de passé

    et qui en plus sont rayés de leur présent

    buter ces enculés c’est de la rigueur morale

    la seule celle-là qu’est encore à ma portée

    sucer biberon carotte

    enculé maman tétine

    il faut bouffer les pères en gélatine

    qui ne tremblent devant plus rien

    qui éjaculent des concepts dans le néant

    qui se sont eux-mêmes coupés leurs couilles

    parce que c’est quand même plus simple

    tout ce qui nous reste de possible

    c’est détruire ces destructeurs d’eux-mêmes

    c’est ça ouais la rigueur morale ultime

    elle est faite de ton sang exsangue

    et de tes tripes sans couilles papa

    et pour justifier ce gros massacrement des imbéciles

    et finir ce putain de boulot commencé par vous-mêmes ô nos pères molles et vénériennes

    nous reste plus bientôt qu’à rejoindre

    les destructeurs institués des ruines mêmes de l’Occident

    sucer biberon carotte

    enculé maman tétine

    allah akbar

    allah akbar

    allah akbar

    et à la fin des fins j’aurai un beau procès jouissif

    les caméras toujours braquées sur moi

    j’aurai un beau procès jouissif

    qui fera jouir aussi la société entière

    j’aurai un beau procès jouissif

    tous les miroirs du monde braqués sur moi

    un beau procès jouissif qui fera bien jouir

    toute la belle société des innocents professionnels

    des gens comme vous et moi

    allah akbar

    je fais tout ça pour toi maman chérie

    ça te fait jouir à fond j’espère

    de voir ton fils bouffer son père

    allah akbar

    je fais tout ça pour toi maman chérie

    ça te fait jouir à fond j’espère

    de voir ton fils bouffer son père

    ne réponds pas maman chérie

    déjà d’ici j’entends ton oui

    ton bon grand ouiiiiii qui jouit

    allah akbar et et vive la poésie

     

     

    SATURNE. – Voyez vous-même si j’exagère.

    Je ne puis plus rien faire.

    Allez donc voir vous-même si j’exagère.

    Et le fils mange le père.

    Allez donc voir dans la vôtre, de vraie vie, si j’exagère.

    Et le fils mange le père. Le sien.

    Et le fils dévore son père à lui.

    Et le fils affamé dévore son père à lui.

    Dans la réalité.

    Et moi, je ne puis plus rien faire.

    Le fils affamé de son père dévore celui qui ne lui fut pas père.

    Lentement je disparais dans la ténèbre.

    Je ne suis plus Saturne, monstre mythique.

    Quand j’existais, j’existais pour qu’il fût aux hommes, aux pères ! interdit de franchir les bornes de la raison.

    Il n’avait pas été envisagé, je crois, que les pères pussent propulser le monde dans la folie par le bas, par la dissolution volontaire de leur autorité.

    Lentement je disparais dans la ténèbre.

    Aucun Interdit ne tient plus.

    Dans la ténèbre dont si longtemps je fus aussi la lumière.

    Quand j’étais Saturne.

    Car aussi je fus la lumière paradoxale que ma ténèbre même ne comprenait pas.

    Je m’éteins.

    Et avec moi l’humanité.

    Paradoxalement.

    Et avec moi l’humanité telle qu’elle s’était transmise.

    L’humanité à laquelle faisait borne l’atrocité du mythe.

    Et le fils dévore son père à lui dans la réalité.

    Je meurs.

    Et avec moi l’humanité.

    Les bornes de la raison sont franchies.

    La ténèbre est absolue.

    A présent absolue.

    Je suis mort.

     

     

    LE BEBE. – I AM YOUR PUNISHMENT – JE SUIS TON CHATIMENT. 

    LE TOURISTE. – I AM MY PUNISHMENT – JE SUIS MON CHATIMENT.

    LE BEBE. – I AM OUR PUNISHMENT – JE SUIS NOTRE CHATIMENT.

     

  • Joris Lacoste, génie (fabula rasa 2)

     

     

     

    « Quand on écrit un spectacle, quelle que soit la manière de faire, on a donc une approche essentiellement utilitaire du texte ?

    « Dans les deux cas, le texte (partition ou transcription), vient en effet se subordonner au projet du spectacle. De ce fait, il n’y a aucune nécessité pour que l’écrit fasse texte, pour qu’il fonctionne selon son régime d’inscription propre, c’est-à-dire sur le plan immanent de la littérature. Rien n’assure que le texte aura suffisamment d’autonomie pour exister en tant que tel. Et c’est pourquoi on peut dire (première proposition) que si un texte de théâtre existe en tant que théâtre, il n’existe pas nécessairement en tant que texte. »

    Réponse de Joris Lacoste à une question d’Adrien Ferragus, Théâtre/Public n°184

    68620e7fb85a0815748a770e24c5768c.jpg

    [Voir aussi, sur des thémes identiques ou voisins :

    Fabula rasa ;

    Rappel : Culutre ;

    Forteresse ;

    Albert Pauphilet et les Jeux du Moyen Age ;

    Parole n'a parolé.]

     

     

     

    Dans le numéro 184 (avril 2007) de la revue au titre deux fois menteur Théâtre/Public, on peut lire une interview de l’immense Joris Lacoste par Adrien Ferragus titrée : « Le texte de théâtre n’existe pas » (1).

     

    Il nous faudra donc ici bénir (c’est hélas le seul verbe qui nous vienne du mot : bien) Alain Françon – directeur du Théâtre National de la Colline, metteur en scène d’un théâtre absurdement dit de texte, mais aux idées élargies par la fréquentation assidue, quoique peut-être excessive, de l’œuvre apocalyptique d’Edward Bond –  d’avoir su imposer, contre les forces régressives partout encore présentes, le génial Joris Lacoste au poste évidemment envié  d’auteur associé à son théâtre.

     

    Notre époque, certainement, attendait Joris Lacoste. Par tout ce qu’elle est, quoi qu’elle croie être, elle l’implorait d’exister. On pourrait même dire, pour employer des termes déjà obsolètes, que toutes les forces de progrès, dans le milieu « culutrel » qui ne se distingue presque plus en rien de la société dans son ensemble, espéraient et priaient l’ advenue de ce messie des temps neuneus.

    Mais il y a mieux : le théâtre lui-même, très téléologiquement, n’avait certainement jamais existé depuis Thespis ou Eschyle que dans la visée balistique du moment où, enfin, Joris Lacoste viendrait. Et ce moment enfin est venu, et le fracas terrifiant de vingt-cinq siècles de fureur peut enfin cesser, enfin sombrer dans un oubli immensément mérité.

    Enfin.

    Car enfin, il revenait à Joris Lacoste, sous ses airs de parfait imbécile, de révéler au monde théâtral qu’un siècle d’agonie et quarante années d’indigence définitive avaient préalablement préparé, cette chose exactement exacte : « Le texte de théâtre n’existe pas ».

    Oui, il revenait à Joris Lacoste, incarnation débile de la modernité modernante et modernulle, de prononcer enfin cette phrase libératoire, oblitérant en sa simplicité même tout le passé littéraire de l’art dramatique, l’exterminant d’un jet de salive propret.

    Imaginez un peu la tronche, dans ce nouvel enfer sur mesure que nous leur réservons, de ces vieilles merdes surannées d’Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, Grégoire de Nazianze, pour ne rien dire d’Arnoul Gréban, Rutebeuf, Shakespeare, Marlowe, Molière, Corneille, Racine, Goethe, Schiller, Hugo, Tchekhov, Feydeau, Labiche, Jarry, Ionesco, etc…

     

    Car évidemment, du fond de son hypermoderne et progressiste révisionnisme révélant, Joris Lacoste nous dégueule ici (pourquoi parler, après tout ?) un texte d’une précision, d’une logique implacables ; de sorte que c’est peu dire que son texte ouvre au théâtre rien moins qu’une nouvelle ère, pour ne pas dire une nouvelle alliance, et seule l’obligation normative de beugler à tout-va mon admiration me contraint de demander que l’on date, au moins en France, selon une tradition remontant à la belle époque de Fabre d’Eglantine (Il pleut, il pleut, bergère…), précurseur en droite ligne de Joris Lacoste, an I du nouveau théâtre cette ridiculement chrétienne année 2007 – mesure à laquelle, en bonne logique, les affidés du Ministère de la Culutre, ne devraient pas même pouvoir indécemment s’opposer…  

    Mon lecteur, peut-être, a encore le très archaïque et conséquemment sinistre réflexe de se demander comment le divin Joris Lacoste a bien pu réussir ce tour de force, et d’écrou, de produire un texte hautement et éminemment logique écrasant de sa seule puissance vingt-cinq siècles d’art et d’histoire… eh bien, c’est très simple, très ingénieux (ne devrait-on pas dire plutôt : très génieux ?), en un mot : très malin, il a tout simplement osé donner ce que chacun attendait en secret, id est sa définition personnelle, telle qu’il la ressent quoi, du mot théâtre ; définition que je ne résiste pas à vous copier ici dans son intégralité :

     

    « … le théâtre consiste à faire quelque chose devant quelqu’un »

     

    Il suffisait d’y penser. C’est tout simple, mais cette phrase limpide vous ouvre sous les pieds un monde beau comme un gouffre… D’autant que la chose est contextualisée à l’extrême, et que Fabre, pardon, Joris Lacoste en son interview chef-d’œuvrale, s’appuie sur la musique, le grand art de la musique, dont chacun sait qu’elle est notre nouvelle drogue légale de consommation forcée, libératoire… Aussi ne puis-je résister à vous donner ici un extrait plus conséquent du chef d’œuvre de notre héros de la dramaturgie nouvelle (les paroles sacrées de Joris Lacoste sont en caractères italiques, celles d’Adrien Ferragus en gras) :

     

    « D’abord il faut reconnaître que le théâtre manque d’un système un peu élaboré de notation de l’action, c’est-à-dire un vrai système d’écriture et de partition. J’appelle partition un ensemble organisé d’actions données comme étant à effectuer. Ecrire la partition, c’est le vrai sens de la fonction de dramaturge : celui qui crée, organise, agence écrit l’action. Or le texte de théâtre s’est historiquement constitué comme notation non de l’action mais du contenu de la parole. Tout s’est toujours passé comme si l’essence du théâtre consistait à parler, et que la parole était du coup la seule chose digne d’être notée.

    « Ce n’est pas ta définition du théâtre ? 

    « Oh, ma définition serait la plus triviale qui soit, un truc comme « le théâtre consiste à faire quelque chose devant quelqu’un » ; où faire quelque chose peut être aussi bien réciter, chanter, raconter une histoire ou représenter un personnage, que déplacer des objets, faire du bruit avec la bouche, jouer au badminton, plaider au tribunal, tenir un cours d’archéologie médiévale, donner une interview… Le drame, la déclamation, la danse, la performance, le discours politique, le concert, la conférence, le match de foot, le défilé, etc. sont pour moi autant de modes possibles et équivalents du théâtre. Selon cette manière de voir, la notion de représentation est considérée dans sa dimension moins de contenu (représenter quelque chose) que de relation, en temps réel entre celui qui agit et celui qui regarde (être en représentation). On appellera théâtre l’art de cette relation. »

     

    N’est-ce pas intégralement magnifique, et révolutionnaire ? Qu’ajouter, sinon, pour briser encore un ou deux tabous imbéciles et encore archaïquement conservés, qu’une telle définition du théâtre fait un acteur d’un homme qui se branle dans la rue – ce que nos arriérés ancêtres eussent appelé un détraqué mental – et que même le viol en réunion, plus festivement nommé « tournante », peut être désormais inclus dans la chose théâtrale telle qu’entendue, et étendue, par Joris Lacoste.

    Rien, je dis bien : rien, ne doit pouvoir même prétendre entraver notre progrès.

     

     

    (1) On peut également lire en ligne sur ce site au joli nom modernistement masturbatoire remue.net (ici) cette magnifique interview.