Plus je regarde ce monde de nouvelles normes abjectes autour de moi, plus je le regarde mettre en place son néant satisfait de toc et de misère, plus l’idée me traverse le crâne de m’y coller une balle.
Mais cette redondance déjà me dissuade.
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Plus je regarde ce monde de nouvelles normes abjectes autour de moi, plus je le regarde mettre en place son néant satisfait de toc et de misère, plus l’idée me traverse le crâne de m’y coller une balle.
Mais cette redondance déjà me dissuade.
La virginité, elle non plus, n’est plus ce qu’elle était.
Tout le pays, comme un seul homme, s’en émeut.
Je trouve ça touchant, moi aussi.
(La question de savoir si l’arrêt du tribunal de grande instance de Lille est vraiment conforme au droit, qui annule le mariage pour tromperie sur cette qualité essentielle qu’est, en l’espèce, la virginité, est une question juridique ; et il faut la laisser aux spécialistes, qui ne manqueront certainement pas d’y revenir…)
Il y a donc encore des gens qui mettent une espèce de point d’honneur à vouloir une femme vierge. Des gens qui ne se fussent pas mariés si on leur avait dit que de virginité, justement, il n’y en avait goutte. Des gens qui se marient pour que la nuit de noces soit réellement, objectivement unique et en tout cas, sans précédent…
Des gens qui pensent qu’il doit y avoir du mariage dans le mariage.
Comme si le mariage ne devait pas d’abord être une parodie de mariage.
Un prétexte à ne pas payer le lave-vaisselle et le lave-linge et la vaisselle à la con.
Il n’y a plus beaucoup de symboles dans notre monde.
Quand il en reste, d’ailleurs, on tape dessus à tour de bras.
Et puis quand on a bien séparé le symbole de sa réalité, qu’on a bien défait la réalité, on réactive le symbole.
Le versant parodique n’échappe à personne.
N’importe quelle fille peut se marier en blanc.
Qu’est-ce qu’on vient encore nous emmerder avec la réalité ?
Avec la virginité ?
Le blanc, symbole de pureté ?
Mais mon pauvre ami, il y aussi de pures salopes (je plaisante) et elles n’ont aucune raison de se priver d’un beau mariage en blanc.
En effet.
Même l’Eglise catholique semble avoir renoncé à marier des vierges.
Elle marie donc n’importe qui, n’importe comment, n’importe comment. Elle n’est pas trop regardante. Elle marie même, selon son folklore, depuis que le rituel est effondré, des tonnes d’athées qui se soucient de la virginité comme de leur première capote.
Elle au moins ne les marie qu’une seule fois, certes.
Mais de bonnes âmes ne semblent pas découragées de lui faire changer d’avis.
Parce qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.
Et qu’on voudrait bien que le Pape cesse de faire le pitre.
Et qu’il devienne enfin moderne.
Et qu’il défile à la Gay Pride.
Et qu’il marie des homosexuels (épilés) de tous poils.
Bref, on se marie à l’église comme on pose avec Mickey.
Ce qui est scandaleux, dans cette affaire, c’est au fond cela : penser qu’au XXI° siècle, une fille devrait arriver vierge au mariage.
Alors que nos belles gosses ont l’air moitié débile si elles ne se sont pas déjà fait troncher à quinze ans par des connards de dix-sept.
Ce à quoi la libération pornographique les encourage sans cesse.
Au point que je me demande, sérieusement, si la finalité cachée des collèges et lycées de France – dans lesquels la transmission des connaissances est tellement inexistante qu’elle finit par passer pour un prétexte plutôt malhabile –, n’est pas tout simplement de permettre à un maximum de jeunes gens destinés à demeurer adolescents le plus longtemps possible, et si possible à vie – l’adolescent étant bien sûr le moutonnier consommateur idéal, dépourvu de tout esprit critique réel – et ne tient pas tout entière dans cette idée de dépucelage générationnel institué.
Mais peu importe, puisqu’il faut désormais passer par là.
Et tout à coup, l’annulation d’un mariage pour tromperie sur une qualité essentielle : la virginité.
Merde, deux siècles (bon an mal an) de République et de démocratie pour constater, malgré tous les efforts de destruction civile faits que :
Il reste du mariage dans le mariage.
Ce qui peut-être n’est pas tant une mauvaise nouvelle : Il reste encore des trucs à péter.
(Parce que le progrès, quand même, ça consiste quand même à péter des trucs qui étaient là avant, et ça, c’est superpositif, ouais. Et cool, en plus. Yes.)
Heureusement que cette jeune fille – pardon, cette jeune femme – est musulmane.
(Quoique cela n’ait sans doute rien à voir avec la décision de justice, cela a tout à voir avec les réactions merdiatiques, pipolitiques, rachi(dada)tiques, etc.)
Si elle avait été catholique, on eût hurlé au fascisme, à l’intégrisme, au retour des heures sombres de notre histoire, à je ne sais quoi encore.
On en aurait plaisanté, aussi. Avec lourdeur. Mais enfin, on en aurait rigolé, même grassement.
J’ai essayé, dans l’un ou l’autre spectacle, de plaisanter gentiment (et brièvement, aussi) sur l’islam.
Silence total, sépulcral.
Les gens sont écrabouillés de terreur.
Ils n’ont pas le droit de rire, comprenez-vous.
Ils ne sont pas autorisés.
Parce qu’au fond, l’islam, c’est sacré.
Eh oui, déjà.
Moi, ça me fait rire encore plus, mais bon.
Quelles sont les racines qui plongent plus profond que les racines politiques ? Qu’est-ce qui a rendu possible le « monstrueux » ?
La première réponse à cette question semble banale. Effectivement, elle énonce : c’est le fait que nous sommes devenus, quel que soit le pays industriel dans lequel nous vivons et son étiquette politique, les créatures d’un monde de la technique.
Comprenez-moi bien. En elle-même, notre capacité de produire en très grandes quantités, de construire des machines et de les mettre à notre service, de construire des installations, d’organiser des administrations et de coordonner des organisations, etc., n’est nullement monstrueuse, mais grandiose. Comment et par quoi cela peut-il mener au « monstrueux » ?
Réponse : du fait que notre monde, pourtant inventé et édifié par nous, est devenu si énorme, de par le triomphe de la technique, qu’il a cessé, en un sens psychologiquement vérifiable, d’être encore réellement nôtre. Qu’il est devenu trop pour nous. Et que signifie cela maintenant ?
Tout d’abord, que ce que nous pouvons faire désormais (et ce que nous faisons donc effectivement), est plus grand que ce dont nous pouvons nous faire une image ; qu’entre notre capacité de fabrication et notre capacité de représentation un fossé s’est ouvert, qui va s’élargissant de jour en jour ; que notre capacité de fabrication – aucune limite n’étant imposée à l’accroissement des performances techniques – est sans bornes, que notre capacité de représentation est limitée de par sa nature. En termes plus simples : que les objets que nous sommes habitués à produire à l’aide d’une technique impossible à endiguer, et les effets que nous sommes capables de déclencher sont désormais si gigantesques et si écrasants que nous ne pouvons plus les concevoir, sans parler de les identifier comme étant nôtres. – Et, bien sûr, notre capacité de représentation n’est pas seulement dépassée par la grandeur démesurée de nos performances, mais aussi par la médiation illimitée de nos processus de travail.
Voilà. C’était Günther Anders, en 1964, dans Nous, fils d’Eichmann.
Pour une fois que j’aime quelque chose, j’en parle. Ce n’est pas du théâtre, évidemment, dira-t-on… Mais d’ordinaire, je ne cours pas non plus après ces musiques difficilement définissables, et conséquemment : actuelles.
J’ai donc vu l’autre soir, samedi 31 mai, à Reims, au festival Brise-glace, un set d’un groupe d’un seul musicien, nommé moujik – alias Matthieu Dehoux. « Auto-définition : électro-rock débridé ».
Entre les morceaux, le type plaisante, fait même de longues phrases françaises, cohérentes, plutôt drôles, qu’il maugrée et s’amuse même parfois à laisser inachevées. Il parle au public comme s’il était seul, marchant en rond dans la salle, sans trop apparemment se soucier d’être entendu ou compris, fait ses réglages à vue, passe du synthé à la batterie, sur laquelle il joue à pleine puissance – ce dont la vidéo ne rend ici que très relativement compte…
Puis de nouveau quelques phrases en marchant autour du dispositif instrumental, d’une désinvolture éclatante.
Et synthé, samples, batterie.
Me plaît également cette façon de quitter la batterie en jetant mollement les baguettes derrière soi, après quelques minutes d’un déluge de violence millimétrée.
Et puis, c’est une musique sans pathos – aucun « message » à la con, pour une fois –, ce qui repose – étrangement, malgré ou grâce à la puissance sonore.
Une abstraction fantasque, virtuose. J’y trouve une joie rayonnante. Une sérénité.
(On va dire que je suis branque.)
Désinvolture et puissance, humour et abstraction.
Te voilà empêtré dans tes contradictions, crois-tu. Regarde-toi. Comment peux-tu désirer une chose, et en même temps ne pas l’aimer ? On dirait une vengeance.
L’étrange machine mauvaise que tu es – aussi. A ton insu ? Vraiment ? Mais tu ne veux pas savoir, n’est-ce pas ?
Tu te venges. Par le désir. Tes contradictions sont en tas, maintenant. Elles ne formeront pas un édifice présentable.
Mais tu n’es pas tout le temps bête. Parfois, pour un moment plus ou moins bref, tu te rends compte, et te vois. Puis ta main chasse d’un revers cette grâce. Pauvre fou.
Tu n’aimes pas, mais voudrais posséder. Vanité. Et ta vengeance n’aboutit pas, ne venge rien, se dissout au néant. Tu es un insensé.
Tu es un assassin rentré. Un insensé. Un impuissant. Un possédé.
Les horizons te bouffent. Tu désires et voudrais posséder. Tu veux te venger de toi, petit d’homme ? Mais ton action, avant même d’être, est celle du monde contre toi.
Tu n’es jamais tant pire que lorsque tu désires du bien. C’est une misère d’arrangement. Pour te supporter. Regarde-toi, ce n’est encore pas toi que tu verras, salopard.
Tu ne sais pas te voir seul.