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poésie - Page 9

  • [sans titre]

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    cela m'amuse assez mais

    quand j'ai ouvert ce blog, enfin sa première version, en 2007

    c'était pour arrêter d'écrire, quelle bonne blague quand j'y pense

    pour arrêter d'écrire

    la graphomanie est l'eczéma purulent de cette société d'images fausses et de consommation fétichiste

    pour arrêter d'écrire à côté

    et poser sur la toile, en désordre, ce qui venait

    selon l'actualité, les lectures, les coups de gueule

    et aussi pour conchier le milieu culturel qui n'est plus même assez signifiant pour mériter le mépris réel d'une personne sensée

    et aussi pour voir si ce bazar trouverait quelques lecteurs et en effet le quelques n'est pas de trop, mais enfin s'ils sont bons lecteurs, enfin prions

     

    sur le blog il y avait plusieurs lignes et je les découvrais à mesure qu'elles venaient et c'était amusant

    et j'essayais à côté de ne pas écrire, ou très peu, le moins possible

    écrire le moins possible une chose construite, sensée, arquée à la raison

    je n'y parvenais pas vraiment

    j'ai quand même commis quelques pièces, grillé mes avant-dernières cartouches dans un spectacle sur le milieu culturel, inventé un Yann-Henri Arthus-Lévy dans une commande sur la Françafrique et enfin, au sens de pour finir, inversé l'histoire d'Antigone

    faisant régner celle-ci et s'opposer à elle le vieux soldat Créon

    j'ai écrit ensuite quelques autres histoires aussi, une adaptation de La Barbe Bleue pour un plateau télé de bazar et un truc tout léger,  Le souverain, le diable et moi, c'était juste avant d'envoyer promener

    tout ce milieu d'authentiques génies et mes propres productions désuètes

    qui coûtaient de l'argent et rencontraient finalement moins d'audience que le bazar impensé que je balançais sur la toile au gré de mes humeurs donc

    et juste avant d'envoyer promener cette arnaque-là j'ai passé presque un an, oh avec des interruptions franchement immenses, à écrire les 1200 mots

    de cette courte pièce, ironique anecdote intitulée Une pièce parfaite que je me refuse à faire vraiment circuler

    c'est une pièce avec un homme et une femme et voilà bien tout ce qu'il y a à en savoir

    et du coup j'ai fait plusieurs métiers que je n'aurais pas appris si j'étais resté chez les crabes du cancer culturel

     

     

    avec un peu de recul je trouve ma prise de position initiale assez incohérente, ce qui ne m'étonne pas tellement au fond

    d'autant que maintenant je me suis mis à écrire à côté pour de bon et au moins ce ne sera pas

    du théâtre, pas

    un roman, pas

    un poème, pas

    un essai, et le reste de toute façon ou ne m'intéresse pas ou se trouve loin au-delà de ma maigre sphère de compétences

    bref c'est ce blog qui est devenu écrire à côté et je compte bien y écrire beaucoup moins

    et si je le dis ici c'est parce que ça n'a rien à faire à côté je veux dire de l'autre côté

    où vous n'avez pas accès, où vous n'aurez peut-être jamais accès

    et ça ne vous manquera pas

    et c'est bien mieux comme ça pour vous, pour moi

    et pour l'indifférence

    le mieux serait bien sûr de ne même pas écrire et juste de loin en loin relire Malaparte ou Bernanos, voilà

    alors quand une vague connaissance du milieu me dit que mon comportement ces dernières années a été suicidaire, non mais alors suicidaire, de prise de position en prise de position

    je me dis que ce serait pour une fois vachement bien qu'il ait raison

    et que je sois ainsi passé du côté de la vie

    mais fondamentalement je doute

    et j'aime bien disparaître

    alors

     

     

     

     

     

     

     

  • Configuration du dernier rivage, de Michel Houellebecq

    littérature,poésie,houellebecq,configuration du dernier rivage

     

     

     

     

    « Ils me regardent comme si j'étais en train d'accomplir des actes riches en enseignements. Tel n'est pas le cas. Je suis en train de crever, c'est tout. »

     

    Houellebecq, Configuration du dernier rivage

     

     

     

    1.

     

    c'était mercredi, le 24 avril de l'an de grâce 2013, il faisait beau et chaud pour la première fois de l'année, ou presque

    je suis descendu à la terrasse du Sans Souci en bas de chez moi avec à la main le livre de Houellebecq, Configuration du dernier rivage et j'ai commandé une Kronenbourg à 2,30€

    entre 18h15 et 19h j'ai lu l'intégralité du bouquin en fumant un ou deux cigarillos dégueulasses mais pas chers

    c'est la première fois que je lis un recueil de poésie d'une traite et dans l'ordre mais je dois avouer que j'avais des lunettes de soleil

    quand j'ai eu fini de lire les poèmes, j'ai commandé une autre Kro puis j'ai fermé les yeux au soleil, je me souviens contre toute attente avoir souri, senti venir le sourire sur mes lèvres, j'avais chaud, c'était bien, et quand j'ai rouvert les yeux, ma bière s'était bue et il a bien fallu alors que je rentre chez moi

    voilà

     

     

     

    2.

     

    en fait, je sens bien que je vais en dire davantage sur ces poèmes et que je vais donc commencer à être malhonnête, d'une façon ou d'une autre

     

    « Disparue la croyance

    Qui permet d'édifier

    D'être et de sanctifier,

    Nous habitons l'absence. »

     

     

     

    3.

     

    Il y a dans ce recueil de beaux poèmes puissants, pensés, précis dont certains ne répugnent pas à être franchement drôles, voire carrément potaches (« Les hommes cherchent uniquement à se faire sucer la queue / Autant d'heures dans la journée que possible / Par autant de jolies filles que possible. ») et d'autres poèmes plus... comment dire ?... poétiques voilà, vaguement chiants, ne me semblant pas mériter  tout à fait le petit effort qu'ils demandent. Ceci dit, la proportion entre les premiers et les autres joue plutôt en faveur de l'ensemble, les machins poético-casse-couilles mettant singulièrement en valeur les autres, leur servant d'écrin.

     

    « La connaissance n'apporte pas la souffrance. Elle en serait bien incapable. Elle est, exactement, insignifiante.

    Pour les mêmes raisons, elle ne peut apporter le bonheur.

    Tout ce qu'elle peut apporter, c'est un certain soulagement. Et ce soulagement, d'abord très faible, devient peu à peu nul. »

     

     

    4.

     

    On peut faire comme s'il allait de soi, ou plus communément ne pas y réfléchir, mais il me semble que le titre annonce joliment la couleur.

     

    Houellebecq essaie de regarder la mort en face. Il n'y parvient pas tout à fait, ce qui était couru d'avance. Mais l'essai est réel. Et ce dernier rivage (ah, la poésie...), il essaie de le configurer, oui.

     

    Les titres des cinq parties sont assez clairs aussi et, excepté un, quasi interchangeables : « l'étendue grise » – « week-end prolongé en zone 6 » – « mémoires d'une bite » – « les parages du vide » – « plateau ».

     

    Et le poète Houellebecq dans un monde sinistre, écrasé par l’ennui, tout épris et empreint qu’il soit des poètes du XIXème siècle, me paraît être aussi une manière de penseur sensible, à la fois très en retrait et tout à fait touché – par la douleur comme, parfois, par la grâce –, et de moraliste contrarié.

     

    « Il n’y a pas d’amour

    (Pas vraiment, pas assez)

    Nous vivons sans secours,

    Nous mourons délaissés.

     

     

    5.

     

    J'aime surtout ce qu'il y a de très calme, j’oserais dire contemplatif, dans ce désespoir lucide, qui regrette de ne pouvoir envisager d’au-delà, mais qui doit faire le constat, tout de même, que l’espoir, même exactement vain, ne peut être tout à fait éradiqué ;  j’aime les simples poèmes d’amour, et ceux de la douleur du chagrin d’amour et de la mort qui vient.

     

    « Je te revois dans la lumière,

    Dans les caresses du soleil

    Tu m’as donné la vie entière

    Et ses merveilles. »

     

     

    6.

    Dans sa simplicité merveilleuse, aux antipodes des phraseurs masquant la banalité de leur vie et de leur pensée d’obscurités formelles qu’ils nous rêvent de voir prendre pour de la profondeur, la notation (si j’ose dire) qui m’émeut le plus est celle-ci :

    « Victoire ! Je pleure comme un petit enfant ! Les larmes coulent ! Elles coulent !... »