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Configuration du dernier rivage, de Michel Houellebecq

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« Ils me regardent comme si j'étais en train d'accomplir des actes riches en enseignements. Tel n'est pas le cas. Je suis en train de crever, c'est tout. »

 

Houellebecq, Configuration du dernier rivage

 

 

 

1.

 

c'était mercredi, le 24 avril de l'an de grâce 2013, il faisait beau et chaud pour la première fois de l'année, ou presque

je suis descendu à la terrasse du Sans Souci en bas de chez moi avec à la main le livre de Houellebecq, Configuration du dernier rivage et j'ai commandé une Kronenbourg à 2,30€

entre 18h15 et 19h j'ai lu l'intégralité du bouquin en fumant un ou deux cigarillos dégueulasses mais pas chers

c'est la première fois que je lis un recueil de poésie d'une traite et dans l'ordre mais je dois avouer que j'avais des lunettes de soleil

quand j'ai eu fini de lire les poèmes, j'ai commandé une autre Kro puis j'ai fermé les yeux au soleil, je me souviens contre toute attente avoir souri, senti venir le sourire sur mes lèvres, j'avais chaud, c'était bien, et quand j'ai rouvert les yeux, ma bière s'était bue et il a bien fallu alors que je rentre chez moi

voilà

 

 

 

2.

 

en fait, je sens bien que je vais en dire davantage sur ces poèmes et que je vais donc commencer à être malhonnête, d'une façon ou d'une autre

 

« Disparue la croyance

Qui permet d'édifier

D'être et de sanctifier,

Nous habitons l'absence. »

 

 

 

3.

 

Il y a dans ce recueil de beaux poèmes puissants, pensés, précis dont certains ne répugnent pas à être franchement drôles, voire carrément potaches (« Les hommes cherchent uniquement à se faire sucer la queue / Autant d'heures dans la journée que possible / Par autant de jolies filles que possible. ») et d'autres poèmes plus... comment dire ?... poétiques voilà, vaguement chiants, ne me semblant pas mériter  tout à fait le petit effort qu'ils demandent. Ceci dit, la proportion entre les premiers et les autres joue plutôt en faveur de l'ensemble, les machins poético-casse-couilles mettant singulièrement en valeur les autres, leur servant d'écrin.

 

« La connaissance n'apporte pas la souffrance. Elle en serait bien incapable. Elle est, exactement, insignifiante.

Pour les mêmes raisons, elle ne peut apporter le bonheur.

Tout ce qu'elle peut apporter, c'est un certain soulagement. Et ce soulagement, d'abord très faible, devient peu à peu nul. »

 

 

4.

 

On peut faire comme s'il allait de soi, ou plus communément ne pas y réfléchir, mais il me semble que le titre annonce joliment la couleur.

 

Houellebecq essaie de regarder la mort en face. Il n'y parvient pas tout à fait, ce qui était couru d'avance. Mais l'essai est réel. Et ce dernier rivage (ah, la poésie...), il essaie de le configurer, oui.

 

Les titres des cinq parties sont assez clairs aussi et, excepté un, quasi interchangeables : « l'étendue grise » – « week-end prolongé en zone 6 » – « mémoires d'une bite » – « les parages du vide » – « plateau ».

 

Et le poète Houellebecq dans un monde sinistre, écrasé par l’ennui, tout épris et empreint qu’il soit des poètes du XIXème siècle, me paraît être aussi une manière de penseur sensible, à la fois très en retrait et tout à fait touché – par la douleur comme, parfois, par la grâce –, et de moraliste contrarié.

 

« Il n’y a pas d’amour

(Pas vraiment, pas assez)

Nous vivons sans secours,

Nous mourons délaissés.

 

 

5.

 

J'aime surtout ce qu'il y a de très calme, j’oserais dire contemplatif, dans ce désespoir lucide, qui regrette de ne pouvoir envisager d’au-delà, mais qui doit faire le constat, tout de même, que l’espoir, même exactement vain, ne peut être tout à fait éradiqué ;  j’aime les simples poèmes d’amour, et ceux de la douleur du chagrin d’amour et de la mort qui vient.

 

« Je te revois dans la lumière,

Dans les caresses du soleil

Tu m’as donné la vie entière

Et ses merveilles. »

 

 

6.

Dans sa simplicité merveilleuse, aux antipodes des phraseurs masquant la banalité de leur vie et de leur pensée d’obscurités formelles qu’ils nous rêvent de voir prendre pour de la profondeur, la notation (si j’ose dire) qui m’émeut le plus est celle-ci :

« Victoire ! Je pleure comme un petit enfant ! Les larmes coulent ! Elles coulent !... »  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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