écriture - Page 4
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Note de bar 7283bis
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Travailler l'épitaphe
Dans un café de quartier.
La dame, petite soixantaine modeste, tire de son sac plusieurs gros cahiers d’écolier, 192 pages, reliés, et les remet à son ado bien trentenaire de fils.
– J’avais gardé ça pour plus tard… Mais comme tu n’auras pas d’enfants et tes enfants non plus… regarde si tu ne peux pas en faire quelque chose maintenant.
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Mode d'emploi
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Mémoire
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Paroles...
– Ils n’ont pas l’angoisse de la page blanche. Tu m’étonnes. Et pire, ils n’ont pas l’angoisse de la page pleine. Ils rêvent de faire du bruit. Que ça fasse du bruit. Dans le monde. Ce qu’ils écrivent. Car ils écrivent pour faire du bruit. Pas de la musique, non. Et le silence est mort. Et quand enfin ils font du bruit, ils font un atroce petit bruit, un grincement de dents chéri qu’ils ont rêvé d’amplifier à en strier le cosmos, un petit bruit dérisoire et strident et cumulé à tant d’autres petits bruits simultanés que simplement il participe du bruit, du bruit incessant, anonyme de la machine, du bruit que rien n’arrête, jamais, mais qu’ils avaient rêvé pourtant d’interrompre, tant ils sont habitués à ce bruit permanent qu’ils ne l’entendaient plus, qu’ils l’avaient pris pour du silence. Dont ils ont peur. A faire du bruit. Tout le temps. Du bruit. A s’en rendre sourds. A en être sourds. A ne pas le savoir. A s’en croire innocents. Petites frappes. Oui. Des petites frappes. Rêveuses.
– Ta gueule.