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république - Page 2

  • Jarry 1899

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    Deux extraits d’Ubu enchaîné (1899), d’Alfred Jarry. Pièce d’abord annoncée sous le titre d’Ubu esclave, et qui narre l’arrivée du couple Ubu en France…

    D’abord la fin de la première scène de l’Acte I :

     

    MERE UBU. – Oublie comme moi ces petites misères. Mais de quoi vivrons-nous si tu ne veux plus être Maître des Finances ni roi ?

    PERE UBU. – Du travail de nos mains, Mère Ubu !

    MERE UBU. – Comment, Père Ubu, tu veux assommer les passants ?

    PERE UBU. – O non ! Ils n’auraient qu’à me rendre les coups ! Je veux être bon pour les passants, être utile aux passants, travailler pour les passants, Mère Ubu. Puisque nous sommes dans le pays où la liberté est égale à la fraternité, laquelle n’est comparable qu’à l’égalité de la légalité, et que je ne suis pas capable de faire comme tout le monde et que cela m’est égal d’être égal à tout le monde puisque c’est encore moi qui finirai par tuer tout le monde, je vais me mettre esclave, Mère Ubu !

    MERE UBU. – Esclave ! mais tu es trop gros, Père Ubu !

    PERE UBU. – Je ferai mieux la grosse besogne. Et vous, madame notre femelle, allez nous préparer notre tablier d’esclave, et notre balai d’esclave, et notre boîte à cirer d’esclave, et vous, restez telle que vous êtes, afin que chacun voie à n’en pas douter que vous avez revêtu votre beau costume de cuisinière esclave !

     

    Et voici la suite, à savoir la deuxième scène (en intégralité) de ce premier acte ; la scène est au Champ de mars, les personnages sont : Les Trois Hommes Libres (quelle idée formidable d’avoir fait, pour la lecture au moins, un seul personnage de ces trois-là), Le Caporal.

     

    LES TROIS HOMMES LIBRES. – Nous sommes les hommes libres, et voici notre caporal. – Vive la liberté, la liberté, la liberté ! Nous sommes libres. – N’oublions pas que notre devoir, c’est d’être libres. Allons moins vite, nous arriverions à l’heure. La liberté, c’est de ne jamais arriver à l’heure – jamais, jamais ! pour nos exercices de liberté. Désobéissons avec ensemble… Non ! pas ensemble : une, deux, trois ! le premier à un, le deuxième à deux, le troisième à trois. Voilà toute la différence. Inventons chacun un temps différent, quoique ce soit bien fatigant. Désobéissons individuellement – au caporal des hommes libres !

    LE CAPORAL. – Rassemblement ! (Ils se dispersent.) Vous, l’homme libre numéro trois, vous me ferez deux jours de salle de police, pour vous être mis, avec le numéro deux, en rang. La théorie dit : Soyez libres ! – Exercices individuels de désobéissance… L’indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force principale des hommes libres. – Portez… arme !

    LES TROIS HOMMES LIBRES. – Parlons sur les rangs. – Désobéissons. – Le premier à un, le deuxième à deux, le troisième à trois. – Une, deux, trois !

    LE CAPORAL. – Au temps ! Numéro un, vous deviez poser l’arme à terre ; numéro deux, la lever la crosse en l’air ; numéro trois, la jeter six pas derrière et tâcher de prendre ensuite une attitude libertaire. Rompez vos rangs ! Une, deux ! une, deux ! (Ils se rassemblent et sortent en évitant de marcher au pas.)

     

  • La République contre le français ?

    Information trouvée sur L’annexe, le blog de Jean-Jacques Nuel :

     

    *

     

    (Cette déclaration a été votée à l'unanimité par les membres de l'Académie française dans sa séance du 12 juin 2008).

     

    Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé la France. Par un juste retour, notre Constitution a, dans son article 2, reconnu cette évidence : « La langue de la République est le français ».

    Or, le 22 mai dernier, les députés ont voté un texte dont les conséquences portent atteinte à l’identité nationale. Ils ont souhaité que soit ajoutée dans la Constitution, à l’article 1er, dont la première phrase commence par les mots : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », une phrase terminale : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».

    Les langues régionales appartiennent à notre patrimoine culturel et social. Qui en doute ? Elles expriment des réalités et des sensibilités qui participent à la richesse de notre Nation. Mais pourquoi cette apparition soudaine dans la Constitution ?

    Le droit ne décrit pas, il engage. Surtout lorsqu’il s’agit du droit des droits, la Constitution.

    Au surplus, il nous paraît que placer les langues régionales de France avant la langue de la République est un défi à la simple logique, un déni de la République, une confusion du principe constitutif de la Nation et de l’objet d'une politique.

    Les conséquences du texte voté par l'Assemblée sont graves. Elles mettent en cause, notamment, l’accès égal de tous à l'Administration et à la Justice. L'Académie française, qui a reçu le mandat de veiller à la langue française dans son usage et son rayonnement, en appelle à la Représentation nationale. Elle demande le retrait de ce texte dont les excellentes intentions peuvent et doivent s'exprimer ailleurs, mais qui n'a pas sa place dans la Constitution.

     

     

     

    Voir aussi, à propos de l’Académie française, le billet titré 1984 ; et sur (pour partie) l’article 2 de la Constitution, le billet titré Du devoir d’insubordination.

  • Du devoir d'insubordination

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    Je voudrais vous parler du devoir d’insubordination, qui est une chose évidemment magnifique. En mai 1968, la France vivait depuis  dix ans sous la V° République ; et quarante ans plus tard, elle vit toujours dessous – il faut bien maintenir, le mensonge serait-il hurlant à l’heure où des quarterons d’élus de tous poils, bords et sexes tripatouillent à l’aveugle dans les montages normatifs, la fiction de la République « au-dessus ». En mai 1968, de jeunes gens des beaux quartiers voulaient abattre la V° République, qu’ils jugeaient fasciste, on ne sait plus trop pourquoi, et eux non plus ; ils en occupent les meilleures places aujourd’hui : à tel point que la V° République, tout ou partie, s’invente à présent l’obligation de flatter les puissants en fêtant merdeusement les quarante ans de ces événements de mai 68 qui voulaient apparemment la détruire. Bref, les dirigeants d’aujourd’hui fêtent leur rébellion de pacotille d’hier, voudraient nous faire croire qu’ils sont encore aujourd’hui ce qu’ils étaient déjà alors… Ils y parviennent d’ailleurs, et au sens propre : les apprentis parvenus sont à présent des parvenus accomplis, plaçant partout leurs infâmes et informes rejetons.

    Je voudrais, dis-je, vous parler du devoir d’insubordination, qui est une chose évidemment magnifique. Je voulais juste vous parler du français, de la langue française, et pour, à ma façon commémorer mai 68 – la fausse Commune qui doit impérativement faire rêver des générations d’abrutis –, citer ce cher vieux et très poussiéreux Roland Barthes en sa leçon inaugurale de la chaire de sémiologie littéraire du Collège de France, prononcée le 7 janvier 1977 :

     

     

     

    « Le langage est une législation, la langue en est le code. Nous ne voyons pas le pouvoir qui est dans la langue, parce que nous oublions que toute langue est un classement, et que tout classement est oppressif : ordo veut dire à la fois répartition et commination. Jakobson l'a montré, un idiome se définit moins par ce qu'il permet de dire, que par ce qu'il oblige à dire. Dans notre langue française (ce sont là des exemples grossiers), je suis astreint à me poser d'abord en sujet, avant d'énoncer l'action qui ne sera plus dès lors que mon attribut : ce que je fais n'est que la conséquence et la consécution de ce que je suis ; de la même manière, je suis obligé de toujours choisir entre le masculin et le féminin, le neutre ou le complexe me sont interdits ; de même encore, je suis obligé de marquer mon rapport à l'autre en recourant soit au tu, soit au vous : le suspend affectif ou social m'est refusé. Ainsi, par sa structure même, la langue implique une relation fatale d'aliénation. Parler, et à plus forte raison discourir, ce n'est pas communiquer, comme on le répète trop souvent, c'est assujettir : toute la langue est une rection généralisée. (...)  La langue, comme performance de tout langage, n'est ni réactionnaire, ni progressiste ; elle est tout simplement : fasciste ; car le fascisme, ce n'est pas d'empêcher de dire, c'est d'obliger à dire. »

     

     

     

    Je suis généralement injuste avec Roland Barthes. Ce passage est plutôt bien écrit. Il respecte plutôt très bien le « code » de la langue française. Est-il permis de dire que Roland Barthes, en somme, écrit comme un fasciste ? Je ne sais – et dans le doute, je m’abstiens. Mais si Barthes écrit selon le « code », c’est évidemment pour qu’il n’en soit plus ainsi ensuite ; comme pour la plupart des penseurs et intellectuels de sa génération, il s’agit de détruire derrière soi les institutions mêmes, ici sans doute la plus fondamentale de toutes : la langue, qui ont permis leur accession aux sommitales fonctions de professeur au Collège de France.

    L’entreprise de Barthes, dont il ne me revient pas de juger si elle fut plutôt bien ou plutôt mal comprise, a réussi au-delà de toute espérance. C’est de cela que, revenant d’avoir présidé le jury d’un concours d’éloquence pour lycéens ayant à charge de défendre, par exemple, je ne sais trop quelle sous-production litterre-à-terre d’Anna Gavalda (les quatre romans au programme avaient été choisis par un aréopage de « profs de français »), je discutais avec un ami :

    – Alors, ce concours d’éloquence ?

    – Il n’y a plus d’éloquence. Il ne reste plus rien de la grammaire. Et je ne parle pas de la logique. Quant à la rhétorique, aux chiottes mon pote !

    – A ce point-là ?

    – J’en ai tout de même noté quelques-unes, de phrases ; celle-ci vient juste après une citation d’une platitude effarante tirée d’Ensemble, c’est tout : « Alors là, je trouve ce passage très émouvant parce que dans le style c’est très bien écrit, et donc aussi très émouvant, tellement même qu’on pourrait croire que c’est fait essprès. » Joli, non ?

    (Je ponctue ça comme je peux.)

    – Pas mal. Mais tu n’as retenu bien sûr que les pires choses, comme à ton habitude ?

    – Eh bien non, même pas, je te jure. Il y avait un autre roman aussi, de je ne sais plus qui, lequel roman, tout ou partie, se déroule pendant la seconde guerre mondiale, laquelle bien évidemment ne diffère en rien, je veux dire : se ramène en intégralité à la Shoah – si j’en crois les quelques résumés éloquents présentés. Eh bien, figure-toi mon vieux, qu’un des rares garçons de cette finale a réussi à parler à quatre reprises, pour désigner Auschwitz, de « camps de concentration juifs ».

    – Tu déconnes ?

    – Non. Il voulait parler des camps de concentration allemands, mais voulant évoquer les juifs vivant et mourant dans ces camps, il parlait de camps de concentration juifs. Mais ce qui est le plus extraordinaire, c’est la disparition, ou du moins : la présence parfaitement aléatoire dans les phrases, de toute concordance des temps.

    Que n’avais-je pas dit là ?

    Une concordance des temps !

    – Dis donc, mais il n’y a plus que Le Pen pour parler comme ça !

    Là, j’ai maudit Roland Barthes.

    Je l’ai maudit parce qu’il avait gagné.

    Si vous causez français, vous causez comme Le Pen ; conséquemment, vous êtes fasciste.

    (Pour d’obscures questions techniques et administratives de traduction des directives européennes et peut-être aussi en prévision de sa déréliction programmée sinon souhaitée, un gouvernement de la V° République s’est pourtant senti obligé de modifier, en 1992, la Constitution pour que celle-ci mentionne, article 2, alinéa 1, ce qui, jusque là, était toujours allé de soi : « La langue de la République est le français. » Comme quoi la République est bien fasciste, les soixante-huitards avaient raison… ) 

    L’espèce de langue approximative que j’avais entendue toute la journée était donc bien réellement la langue de l’antifascisme.

    (Comme aussi le rap, par exemple, qui est très citoyen ; mais j’y songe à l’instant. Trop tard.)

    Mais bon, j’ai tout de même lancé ça :

    – Arrête. N’abandonnons pas la langue française aux imbéciles au motif qu’ils ont fait l’effort de l’apprendre. Parler sa langue, et la parler correctement, ne relève d’aucune opinion politique. Cela relève du plus élémentaire respect de soi, non ?

    (D’un autre côté, il se peut que le respect de soi, sauf bouddhisme, soit carrément suspect.)

    Je continuai :

    – L’imparfait du subjonctif est désuet, je te l’accorde, et d’ailleurs, c’est dommage… Mais le présent du subjonctif aussi l’est. Par exemple, ces enfants-là disent sans vergogne (et, je le rappelle, vergogne est le mot italien pour : honte) : « Ca serait trop bien s’il viendrait à la maison. » Ou : « C’est normal qu’il fait la gueule. » D’un autre côté, on ne peut pas leur en vouloir, ils sont en classe de Première L (le L est censé abréger le mot littéraire).

    – Tu exagères tout le temps…

    – Mais non, je te jure.

    J’ai fini par laisser tomber. J’avais trop peur de me faire traiter de fasciste ou, au moins, de réactionnaire… On est lâche ou on ne l’est pas…

    Ou plutôt oui, j’exagère. Bien sûr. Mais pas autant que la réalité.

    Tout le problème est là, d’ailleurs.

    Ce qui me fait rire, au fond, c’est cela : si je parle de Barthes à un lycéen normalement constitué, il va penser à ce produit de consommation inepte que sont les Simpson ; à Bart Simpson précisément.

     

     

    L’insubordination, en somme, est devenue un devoir civique.

    Mais l’épithète civique fait ringard.

    L’insubordination est devenue un devoir citoyen.

    Par citoyen, j’entends, d’une certaine façon : policier.

    Elle est même quasiment obligatoire, l’insubordination.

    Elle s’est entée dans la grammaire, et l’a détruite.

    A tel point que l’on peut de nos jours entrer en classe de 6° en écrivant ce français-là (je veux dire : cette langue de la République-là) :

     

    « Copie 1 :

    Bob appelle sont chien.

    banbou, banbou net il ne revint pas.alors il vat le chercher, celce ninute il adercu un batar alonge Bob le leve mele batard ce reconcha aussi tôt il avait un patte brisé il etait jéne bob le porta 10 minites il retroves les trotriester du chiens apre il reprar 10 ninutes plus tard il retrouve son acie acote d'une toite en fer sete le tresors.

     

    Copie 2 :

    Bob en le suivant soit perdue. Il trebuchas sur une espespese de grosse pier lourde. En nolent en nariere il retenbas une fois de plus. Alors en se dement de quoit peut-il sagire. Il dessidat de crese.En cresent il tapa sur une boite en boie. Il la sorta du trous, la pousa et louvra. Setait si brient qil ne voyé pas les couleurs. Il plonga la main dedent et retira des bijoux en or :

    des colie, des boucle d oreille et meme des tiament il dessida de lait dens la poubelle pour prendre des plastique. Il en prena 3 et met tout le tresore dans le plastique.

    Coudin, il entendie un haboiment tout près. Il cria»banbou,banbou» et bonboux revena à lui. Il étais cachais dans les buisons. Grasse au bijoux les parent de bob le retrouva avec leur brience s'est normal et le tresor est mantenent au muse mais bob a gardes cellque bijoux.

     

    Copie 3 :

    Il trifoula dans ce sentier Il renifla pas a pas tout a coup Il aboya donc bob croyai qu'il attaque une persone. Il continua a aboyé, Puis il creusa bob l'edait a creusé Il y avait une boite qui ressemble a un tresor.

    Il le sorti du trou louvra et vit des bijoux de toutes sortes le pére appelle la police, pendant que bob se fit interview et fit la une du journal. Le propietaire de ce tresor et venu reprendre et donna une recompense au 2 heros du jour.

     

    Copie 4 :

    Sur un petit sentier de terre et la se trouve une tour il se demande quoi. Puis 5 minutes plus tard il monta et il monta et il monta elle était grande mais grande, il aperçevat des personnes une dizaine. Il monta eux aussi dans la grande tour. Mais il arriva un malheur car dans la tour on ne pouvait que montait par 3. Parce qu’elle n’était pas solide et en plus il était à 13. Alors la tour s’écrasa. 1h plus tard il y avais 2 survivants. et c’était Bob et Bambou les 10 autres était mort. Alors Bob et Bambou alla voir ce qu’il avait dehors il y avait un volcan puis il monta et il trouva des milliers et des millions et des milliers de pièces enor qui brillait de mille feux et c’était le trésor. Puis il reprena la route »

     

     

    (Source : Rapport sur l’enseignement des Lettres au Collège, par l’Association des Professeurs de Lettres, 2005.)

     

     

     

    La jeune femme, directrice de quelque chose, dit d’un de ses employés :

    – Il veut que je le reçoive.

    Remarquez comme la concordance se fait naturellement.

    Bien.

    (D’un autre côté, si la concordance ne se fait pas, la question est : en quoi la subordonnée est-elle, justement, subordonnée ? Peut-être a-t-elle un droit elle aussi, pour être absolument moderne, à l’insubordination, peut-être même un devoir…)

     

    La jeune femme, directrice de quelque chose, dit d’un de ses anciens employés :

    – Il voulait que je le reçusse.

    (La subordination, en somme, n’est pas celle que vous  croyiez…)

     

     

  • Placet beau

     

     

     

    Jour de poésie, sans doute (« Le français se cache pour mourir »). Le texte qui suit est de 2006 et je dois vous avouer qu’à l’époque, j’avais encore l’impression d’exagérer quelque peu…

    …Je publie donc ici, non sans une générosité certaine que mes détracteurs réactionnaires ne manqueront pas de me reprocher, ce modèle universel de lettre de candidature, de lettre de demande de subvention, de lettre de motivation, voire même, moyennant quelques changements légers, de lettre à un éditeur subventionné, modèle universel à l’usage de mes collègues auteurs dramatiques (1)… Ce geste charitable, totalement gratuit, devrait valoir aux signataires leur obole. J’ai moi-même à maintes reprises testé ce modèle ; toujours avec succès. Je recommande de conserver son titre (j’allais dire son « générique ») : Placet beau, lequel contient un jeu de mots de la plus belle facture impayée (comme ceux qu’on peut lire dans le quotidien Libération).

    Pour parler comme mon personnage : l’Ôteur, je dirai que : l’obligation de me citer n’est pas obligatoire.

    (1) On croyait savoir que la SACD s’occupait des auteurs et compositeurs dramatiques, dont elle est la société ; mais l’extension bien légitime d’une part de la notion d’auteur, la montée en puissance de l’analphabétisme égalitaire d’autre part, ont conduit à reconnaître, pour le seul spectacle vivant, des auteurs de : théâtre, théâtre musical, mime, arts du cirque, one man show (en français dans le texte), arts de la rue, opéra, spectacles de sketch(es) (idem), chorégraphie, comédie musicale, sons et lumières.  C’est dire si mon aide est précieuse.

     

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    L’ÔTEUR. – Ce placet beau, très beau, est vidament dédiécassé au Citoyen Suprême, lequel bien sûr ek-siste ainsi que tout le monde le suce. Faut-il le dire que le Citoyen Suprême c’est je-tu-vous dès lors qu’il n’y en a plus rien du tout de l’individuel dedans, c’est n’importe lequel des qui qui ne se l’envoie pas dire et le dit lui-même de lui-même que c’est lui. Ou toi. Mais surtout moi. Parce que l’Etat c’est moi et que moi, l’Etat je lui chie sur sa gueule.Voilà pourquoi que mon teste, beau comme ma semence, en même temps c’est vachement digne de se faire recevoyer par vous, ô Citoyen Suprême ! Et donnez-moi seulement du popognon et je serai guéri de pas recommencer encore. J’espère que vous me comprendez. D’autant que j’y ai droit à le pognon, vu la rage de révolte dedans que j’ai. Car parce que c’est là que je la fais, ma référence humblement. Car en tant qu’artisteur globalisé je me comprends moi-même déjà pas mal. Oué. Même que j’en ai causé avec des amis à moi qu’ils étaient bien d’accord après des bières que mon teste il est génial.

    Bref, tout ça le théâtre c’est que pour dire que les artistes ils sont comme les citoyens, je veux dire unis ensemble mais avec des grumeaux de communautés rouges plein partout dedans quand même en plus, comme les morceaux de fruits dans les yaourts je sais plus lesquels. Car c’est du yaourt superpositif oué, la Républicité de la démocrasse. Mais aussi que si les artistes ils sont comme les citoyens alors aussi l’inverse c’est vrai que les citoyens ils sont comme les artistes, y a pas de raison. Bref quoi, ici c’est suprême qu’il est le Citoyen, surtout qu’il lutte contre. Car parce que c’est un rebelle avant tout, tu vois ? que le citoyen sans rien, en fait il a tout dedans qui fait qu’il est pareil que les autres, quoi. C’est un artiste, si tu veux. Comme nous tous si qu’on veut, merde. Et on va tout niquer le pays comme une pétasse dans la tournante.

    Voilà, Citoyen Suprême, c’est pour toi ce placet beau subversé, et puisque c’est kif-kif c’est aussi de toi un peu qu’il est, ce placet ; et si que je le dis c’est pour dire merci comme quoi tu nous a éduqués bien dans ta sorbonne d’où qu’on vient. Qu’on est là nous aussi pour les péter les enculés de gens pas-qui-résistent, oué, et faire sur les trottoirs des flaques de sang comme une grosse et virginique œuvre d’dard. Oué. Merci. Casse-toi, Président de mes couilles et merci pour les susventions de la culture.

  • Accélérer la catastrophe (2)

     

     

     

    – C’est quoi, Papa, un progressiste ?

    – C’est un type comme tout le monde, et qui donc chute, mais qui, enivré sans doute par sa propre chute, trouve justement qu’il chute vers le haut

    – Tu ne crois pas au Progrès, toi ?

    – Mais si. Je veux bien croire qu’en travaillant, on peut faire des progrès.

    – Pourquoi tu n’es pas progressiste, alors ?

    – Parce que je ne crois pas à la magie.

    – Et la magie, c’est quoi, alors ?

    – Justement, c’est croire qu’on s’élève lorsque l’on suit sa pente.

    – C’est comme le progressisme, alors ?

    – Oui, c’est de la folie furieuse. Allez, file te coucher, il est tard.

     

    Je regarde les livres sur la table.

    L’Empire du moindre mal, magnifique essai de Jean-Claude Michéa.

    Le Soulèvement contre le monde secondaire, de Botho Strauss.

    Dominium mundi, de Pierre Legendre.

    Entre autres…

    J’allume une cigarette, je me sers un whisky.

    J’ai sous le nez, sur Causeur.fr, un texte d’Elie Barnavi sur la laïcité...

    Je précise à d’éventuels nouveaux lecteurs, que j’ai pris récemment la déplorable habitude d’appeler Sarkozy le Président Grenelle (dans ce texte, pour une fois, la citation de Grenelle est exactement empruntée à son modèle dans la réalité). C’est un personnage que j’invente. Un personnage comique, je le précise. J’ai la joie de vous annoncer (c’est une exclusivité) que le prénom de ce personnage est Michel, ce qui permet à ses amis de l’affubler du gentil sobriquet de Mickey. Welcome to Wonderland…

    Bref, on nage en plein suicide. Il est onze heures du soir…

     

    – Et la laïcité, Papa, c’est quoi ?

    – Mais bordel de merde, je n’en sais rien, moi. Pardon. Ça veut dire que tout ce qui s’est passé avant 1789 est un immense paquet de sanguinaires saloperies, et ce qui s’est passé depuis aussi, à deux ou trois exceptions près. Et ça veut dire que nous, nous qui avons bien sûr tout pigé, nous sommes sinon vachement bons du moins sur le point de le devenir en sortant tout à fait de l’humanité.

    – Mais comment on le sait, qu’on est bon ?

    – Mais on l’a décidé, mon petit gars. Après Auschwitz, on s’est dit que ce serait vachement bien de devenir bons ; et on a décrété qu’on l’était, toujours cette putain de baguette magique. Puisqu’avant, c’était mal.

    – Ah ? Mais bon, la laïcité, c’est quoi ?

    – Il y a des curés dans ton école ?

    – Non.

    – Eh bien, tu vois, c’est ça, la laïcité.

    – Oui… Mais des curés, c’est quoi ?

    – Des gens d’avant. Qui croient en Dieu.

    – Quand c’était mal, alors ? Mais Dieu, alors…

    – Tu ne veux pas me foutre la paix, dis ? Pardon. Laisse-moi fumer peinard devant mon écran d’ordinateur et va te coucher, mon grand.

     

    Je ne sais d’ailleurs pas moi-même clairement distinguer ce qui, dans la suite de ce texte, relève de la farce et ce qui relève du tragique.

    (La même chose à la fois m’atterre et me fait rire.

    J’aime penser que c’est un don ; mais c’est un don pénible.)

    Je vais donc vous coller là tout un tir de barrage de citations diverses, qui vont faire vachement bien, avant mes conneries de dialogues de piliers de bars (non-fumeurs).

     

     

    « Le réactionnaire n’est précisément pas cet empêcheur ou cet incorrigible rétrograde que fait de lui la dénonciation politique – il marche au contraire en tête quand il s’agit de rappeler le souvenir de quelque chose d’oublié. Il a ici et maintenant devant lui les voiles épais de l’illusion technique et du vide de sens, et il veut les fendre, au moins pour des moments lucides, dans lesquels se révèlent Présence, Sens et Logos. »

    Botho Strauss, Le Soulèvement contre le monde secondaire.

     

     

    « Si le Droit constitue, pour le libéralisme politique, l’instance de régulation suprême qui doit se substituer à toutes les autres, ce n’est naturellement pas à la manière, jugée arbitraire et étouffante, des anciens montages normatifs – que ce soient, là encore, ceux de la coutume, de la religion ou de la vertu républicaine. La « théorie de la justice » sur laquelle se fonde la nouvelle autorité du Droit a, en réalité, peu de chose à voir avec ce que la philosophie traditionnelle avait jusqu’alors pensé sous ce nom. Elle ne se soucie plus, en effet, de définir des Idées ou de saisir des Essences, c’est-à-dire de s’exprimer au nom d’une quelconque « Vérité », quel que soit le statut métaphysique de cette dernière. Bien plus que d’une « théorie de la justice », il conviendrait plutôt de parler à son sujet d’une théorie de l’ajustage ou de l’ajustement. Pour l’essentiel, en effet, il s’agit seulement de mettre au point les combinaisons institutionnelles les plus efficaces, donc de calculer au plus juste le système de poids et contrepoids (checks and balances, disent les philosophes anglo-saxons) qui permettra de maintenir l’équilibre des libertés rivales en leur imposant un minimum d’exigences – en leur garantissant, si l’on préfère, le taux d’imposition existentielle le plus bas possible. Une théorie libérale de la justice ne doit donc engager, par principe, aucune réflexion philosophique particulière sur ce que pourrait être la meilleure manière de vivre. Elle se limite, au contraire, à définir les conditions techniques d’un simple modus vivendi. »

    Jean-Claude Michéa, L’Empire du moindre mal (Essai sur la civilisation libérale)

     

     

    « C’est pourquoi j’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire d’une laïcité qui tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout.

    » […] La France a beaucoup changé. Les citoyens français ont des convictions plus diverses qu’autrefois. Dès lors la laïcité s’affirme comme une nécessité et oserais-je le dire, une chance. Elle est devenue une condition de la paix civile. »

    Mickey Grenelle, discours au Palais du Latran

     

     

    « La « neutralité axiologique » revendiquée par le libéralisme a parfois de curieuses conséquences. Rien ne peut logiquement interdire, en effet, que l’on utilise le racisme lui-même, à titre pédagogique, si l’on a de bonnes raisons de penser que c’est un moyen politique efficace pour parvenir à l’égalité des droits (c’est le principe de toute affirmative action). C’est ainsi que Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République, a pu tranquillement déclarer (lors d’une émission de Frédéric Taddéi, diffusée sur France 3), et sans susciter, cela va de soi, la moindre réaction politique ou médiatique, que la première condition pour « rééduquer le reste de la société occidentale », était de considérer tous « les Blancs » comme des « sous-chiens » (Cf. Marianne, 30 juin 2007). »

    Jean-Claude Michéa, L’Empire du moindre mal (Essai sur la civilisation libérale)

     

     

    « Question « bonheur », les experts savent. Qu’y a-t-il de plus enviable que la non-mort assurée, la « Fontaine de Jeunesse », les muscles et la peau en bon état, l’esprit léger, un sexe performant, l’idéal de consommer sans trêve ? »

    Pierre Legendre, Dominium mundi  (L’Empire du management)

     

     

    « Mais ce n’est quand même pas une raison pour aller tomber dans l’excès. Les chrétiens recyclés sur ce module, on le comprend, ne vont pas être des Bloy ou des Bernanos. Le conciliaire a été le nom de leur propre « spectaculaire intégré ». Ils se sont fièrement ralliés à la démocratie spectaculaire. Les yeux de la foi leur en comptent les merveilles. »

    Guy Debord, « Cette mauvaise réputation… »

     

     

     

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    I

    – Tu crois à la laïcité, toi ? – Pardon ? – Peut-être que ça existe la laïcité, mais je ne vois pas du tout pourquoi il faudrait y croire. – Peut-être que c’est une religion, après tout. – Une religion de substitution ? – Ouais, une religion du vide, une manifestation enfin du nihilisme… – La laïcité, c’est un machin inventé pour en finir, ou au moins réduire, amoindrir la présence et l’influence de l’Eglise catholique en France. – En même temps, les laïcs ont toujours existé : un laïc, c’était juste quelqu’un qui n’était pas entré dans les ordres, non ? – Les choses alors se jouaient en France entre ceux qui étaient chrétiens et ceux qui ne l’étaient plus, ou ne voulaient plus l’être. – Entre les fils qui suivaient, tant bien que mal, leurs pères, et ceux qui, métaphoriquement ou pas, leur tranchaient la tête.

     

    II

    – L’autre question, c’est celle de la Référence, je crois. La société libérale (et j’entends par là aussi bien la gauche que la droite, aussi bien la droite que la gauche) tend à évacuer l’idée même de Référence : elle ajuste simplement son droit en fonction des groupes de pression. Qu’ils soient avoués ou non, visibles ou pas. – C’est bien ce que je dis : la laïcité est une religion de transition, une coque vide. Elle ne garantit rien. – Ce que met en place la société libérale, c’est en somme ce que Michéa appelle « neutralité axiologique ». – Ceux qui sont là, en somme, ont toute latitude à revendiquer tout ce qu’ils veulent, et quoi que ce soit. – Oui. La justice tranchera. – Et elle tranchera de plus en plus n’importe comment, puisqu’elle-même sera privée de toute Référence… elle aura à faire avec des concepts bidons, comme celui de « laïcité positive ». Ce que ça vend, ce concept, c’est que le Principe majeur de la République, c’est de s’adapter à ce qui vient, quoi que ce soit. Et croyez-moi, ça va se vendre.  – Pour parodier le bon Houellebecq, je dirais que la « laïcité positive » du Président Grenelle est une dhimminution du domaine de la République.

     

    III

    – La laïcité d’aujourd’hui est donc bien obligée de considérer de la même façon, indépendamment de tout critère simplement historique, et avec le même respect imbécile, toutes les religions, prôneraient-elles ouvertement l’assassinat ou la soumission des infidèles et la lapidation des femmes adultères – entre autres joyeusetés ; ce qui est aussi idiot que le serait de manifester le même respect à toutes les politiques. Hitler ne faisait-il pas de la politique ? Et Staline ? Et Mao ? Etc… – Merde. Et les valeurs républicaines ? – Ne faites pas rire. Elles n’ont plus aucune légitimité. La démocratie les engloutit. La démocratie d’opinion, et la possibilité de luttes d’influences juridiques, à grands coups de procès médiatiques. La République institue la démocratie, et la démocratie spectaculaire d’opinion fomente les communautarismes les plus inouïs, des plus débiles aux plus meurtriers en passant par toute une gamme de produits pornographiques (lesquels sont peut-être, hélas, nos derniers vecteurs d’ « intégration »), qui prolifèrent à une vitesse carcinomique, ravagent tout, implantent leurs métastases… – Jouer la République contre la démocratie, aujourd’hui, pourrait même être considéré comme une atteinte aux valeurs républicaines. On ne joue plus la carte de la République que pour l’évider tout à fait. – C’est que la République est une idée très ancienne, bien plus vieille que la Révolution française. La République n’est pas du tout une idée moderne, et c’est bien pour cela qu’elle s’effrite et s’effondre sous les coups du modernisme libéral déchaîné. – C’est une idée grecque de réalisation essentiellement romaine, d’ailleurs. Dans la façon du moins dont elle nous est parvenue. – « Rome, l’unique objet de mon ressentiment »… – C’est quoi, ça, c’est Nietzsche ? – Mais non, patate, c’est Corneille : la dernière fois qu’a brillé sur la France l’exaltation du courage antique devenu catholique, mettons… – Et Péguy ? – Mais Corneille et Péguy, c’est une ligne droite…

     

    IV 

    – Mon Dieu, mais ici, nous ne sommes même plus vraiment catholiques, ni chrétiens… – Voilà bien pourquoi il ne nous demeure plus qu’à défendre la République. – Mais c’est une impasse, vu ce qu’elle est, et à quel point déjà elle est tout effondrée. – La République et la laïcité, donc. –  La laïcité ne connaît que la religion chrétienne, et elle s’imagine, naïvement, mais la naïveté est un facteur de crime, que toutes les religions du monde sont bâties comme la religion chrétienne. Alors que pas du tout, en fait. – Je suis bien d’accord que c’est une impasse, désormais, la République. – Alors quoi ? – Alors rien. Il s’agit peut-être seulement de mourir, et de savoir le faire. – Nous avons des racines, qui, elles, sont chrétiennes. Indiscutablement. – Mais ces racines indiscutablement chrétiennes, de quoi exactement sont-elles les racines ? – La question n’est pas tant de savoir si nous pouvons éviter la guerre civile, que de savoir s’il faut l’éviter, non ? – D’ici là, en tout cas, l’Union européenne aura tout à fait fini d’adhérer à la Turquie (et pas l’inverse, merci bien). – Oui, oui, c’est toujours votre lumineuse idée barje d’accélérer la catastrophe, en somme…

     

    V

    – L’ancienne laïcité a permis de transformer l’Eglise catholique française en ce machin relativo-droitdelhommiste qui semble supplier ses derniers fidèles d’aller voir ailleurs que c’est pareil tout en admettant par avance qu’ils n’auront donc plus aucune raison de revenir. – Ouais, et la nouvelle laïcité positive du déplorable Grenelle ne fera jamais rien qu’adapter la France à l’islam, islam qui donc se radicalisera ouvertement de plus en plus. Que voulez-vous, c’est le Progrès. – Rien n’arrêtera ça. Parce qu’il faudrait restreindre drastiquement, c’est-à-dire de façon réellement républicaine, le concept de laïcité, et repréciser, comme le disait je ne sais plus où Alain Finkielkraut, quelles sont exactement les indispensables lois de l’hospitalité. Mais rien n’arrêtera ça. Sauf peut-être le fait que ça pète. Et le plus tôt sera le mieux. – Mais pourquoi ? – Parce que nous nous affaiblissons dramatiquement d’heure en heure, mon cher.

     

    Et vive quand même la République !