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roman - Page 10

  • Petit frère, d'Eric Zemmour

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    Yazid tue Simon.

    En novembre 2003, dans le XIX° arrondissement de Paris, France, dans un parking.

    C’est un « fait divers ».

     

    (Comme on dit. A tort. Un « fait divers », ça ne veut rien dire.

    Quand un journal regroupe en une seule rubrique, parce qu’ils apparaissent mineurs ou superfétatoires, plusieurs faits reliés entre eux par rien (ou par rien d’autre que de les ranger là ensemble), il est tout à fait fondé à nommer cette rubrique : faits divers.Mais quand, pour une raison ou une autre, cette raison serait-elle un roman, on isole de nouveau un de ces faits, eh bien que voulez-vous ? ce fait demeure un fait, tout bonnement ; n’a aucune raison de devenir un « fait divers ».)

     

    Yazid tue Simon, donc.

    C’est un fait.

    Ce fait est le point de départ du roman.

    C’est également son point d’arrivée.

    Le roman commence par le récit du meurtre, s’achève par celui de l’enterrement.

    Entre les deux, il y a l’enquête.

    Qui remonte le temps. Qui remonte vingt ans.

    L’enquête, ici, n’est pas menée par la police.

    Enfin, pas par la « vraie » police, je veux dire : la police officielle.

    Le roman n’est pas un roman policier.

    Non, c’est bien pire.

    L’enquête, ici, est menée par un journaliste, un journaliste « médiatique » (ce qui laisse entendre, comme si la presse écrite elle aussi n’était pas un média, que le bonhomme passe à la télévision, voire même y produit quelques émissions, etc…), à la demande d’un Ministre qui, d’ailleurs, n’est pas Ministre de l’Intérieur, mais qui pourrait le devenir ; enfin, qui aimerait bien…

    Le Ministre est de droite (comme on dit), le journaliste de gauche (idem). Ceci dit, le journaliste n’enquête pas pour « révéler » (comme on dit), mais pour étouffer (?).

    Voici comment commence l’enquête (p.22) :

     

    « – Tu comprends bien qu’il ne faut pas qu’on dise qu’à Paris des Arabes tuent des Juifs. Tu imagines les unes des journaux. Et le plaisir de nos chers amis américains. CNN, tout ça. Trop contents… Moi je ne peux pas bouger. Mais toi vas-y. Va voir. Fais parler les uns et les autres, mène ton enquête. Regarde ce qui s’est vraiment passé. Raconte-moi. Après tout, tu es aussi journaliste, merde.

    – Et Juif.

    Il esquisse un sourire gêné.

    – Je vais y aller dès demain. Je te tiens au courant. »

     

    Et comment elle finit (p. 330) :

     

    « – Tu sais je n’ai rien fait d’extraordinaire. Tout le système politique, judiciaire et médiatique s’est spontanément mis à mon service. Je n’ai rien eu à demander, encore moins à exiger ou menacer ; je n’ai eu qu’à surveiller que chacun faisait ce que tout le monde désirait. Comme si l’autruche médiatique préférait se mettre la tête sous le sable. Encore une minute, monsieur le bourreau ! Même le journaliste israélien a fini par rentrer au pays. Dégoûté.

    – Excellent ! Excellent ! »

     

    Yazid tue Simon.

    Prenons les cartes d’identité (fictives, puisqu’il s’agit d’un roman) des personnages.

    Yazid, qui est Français, tue Simon, qui est Français.

    C’est une histoire entre Français.

    Mais ça ne veut plus rien dire. Et plus personne n’y croit.

    Ce n’est pas la carte qui ne veut plus rien dire, c’est l’identité.

    Il n’y a plus d’identité, il n’y a que des différences. Du moins est-ce le Credo fondamentalement séparatiste, communautariste de la religion en cours.

    Ce qui pèse lourd, pour le Ministre comme pour tout le monde finalement, c’est que Yazid est Arabe et que Simon est Juif.

    Yazid, qui est Arabe, tue Simon, qui est Juif.

    Voilà pourquoi l’affaire (le crime) doit être étouffé.

    Il ne faut pas qu’on dise qu’à Paris des Arabes tuent des Juifs.

    Les Français, au fond, personne n’y croit. (C’est fini.) A commencer par le Ministre, donc. (Non sans raison, qui sait ?)

    Il est trop tard.

     

    L’enquête de notre narrateur « antiraciste » va venir explorer tout cela, très concrètement, dans cet immeuble parisien du XIX°  au nom champêtre « La-Grange-aux-Belles ».

    Le lecteur apprendra comment un immeuble où des gens d’origines et confessions différentes venus en France dans les années 1980 parvenaient à s’entendre, à vivre somme toute chichement mais décemment, finit vingt ans plus tard par être le théâtre de cet assassinat ; comment chaque personne (ou presque) fait repli sur sa communauté d’origine (réelle ou supposée) ; comment dès lors la rivalité mimétique joue à plein, monte aux extrêmes, insensiblement d’abord, puis de plus en plus vite.

    Jusqu’au meurtre.

    Jusqu’à ce prodrome de la guerre civile qu’est le premier meurtre.

    Prodrome romanesque puisque, je le rappelle, ce livre est un roman.

    Petit frère. N’entend-on pas là, très assourdi par la distance et le contexte, un écho de l’histoire de Caïn et Abel ?

    Quand je dis que chaque personne (ou presque) fait repli sur sa communauté d’origine (réelle ou supposée), c’est inexact.

    Le catholicisme, ou le christianisme, ne fait plus communauté. C’est fini. (On le savait, remarquez.)

    Mais le fait d’être Français non plus finalement. (Plus là, en tout cas. Peut-être ailleurs, en province, dans les milieux ruraux, je ne sais pas. Mais plus là, à Paris, dans le XIX°.)

    Plus encore que le concierge de l’immeuble débarqué de son Orléanais natal, Charles Boucher, qui voit lentement se dégrader les conditions de vie de son immeuble (p. 177-118)…

     

    « […] après avoir fermé le jardin, on avait installé les codes, édifié une porte blindée à l’entrée de sa loge, puis muré l’ancien passage entre les caves des différents immeubles. L’héroïne avait complété le haschich, les téléphones portables étaient plus maniables que les BMW ; un jeune camerounais avait été pris chez lui avec 50 000 francs ; les frères Mokhtari, au gré de leurs fréquents passages en prison, avaient pris du galon […]. (…) Il reconnaissait le vendredi aux innombrables djellabas d’un blanc immaculé que revêtent les hommes, à leurs babouches dorées aux pieds et leurs petites calottes de tricot blanc sur la tête. Il attendait la retraite pour se retirer dans la campagne verdoyante de l’Orléanais. »

     

    … me paraît réussi, émouvant, pathétique, le personnage (pourtant fugace) de son fils, Kevin Boucher, qui (p. 220-221) :

     

    « voulait « faire ramadan ». Il l’avait annoncé à ses parents sur le ton d’un enfant-roi de dix ans. Kevin Boucher avait la peau rose de son père et les yeux bleus de sa mère. Kevin Boucher en avait assez d’être traité de « cochon de Français ». De halouf. Kevin Boucher en avait assez d’être « traité ». Il souhaitait, dans les toilettes, boire au robinet des « musulmans » et ne plus être relégué à celui honni des « Français ». »

     

    Yazid, qui est Arabe, tue son ami d’enfance, Simon, qui est Juif.

    C’est encore beaucoup trop simple, évidemment.

    Yazid, qui est un petit dealer « rebeu » mis au « chômage » par ses propres chefs, qui vient de faire un séjour en hôpital psychiatrique (ce qui permettra de ne pas donner de suite pénale au crime), qui est récemment retourné à la mosquée, qui est manipulé par l’imam Al-Mansour à la voix douce mais qui lui bourre littéralement le crâne à l’antismétisme islamique (ou islamiste si vous y tenez, mais bon) tue son ami d’enfance Simon, qui est Juif, qui réussit comme DJ et qui donc commence à avoir du pognon (voire même, fin du fin, je ne sais trop quelle Audi TT), qui sans cesse voyage de Paris à Miami etc., qui n’a plus besoin de son ami Yazid pour porter le matériel et accessoirement fourguer de la came aux bobos…

    Yazid qui a échoué, tue Simon qui réussit.

    Yazid qui est Arabe, tue Simon qui est Juif.

    Yazid qui est à présent musulman tendance lourde, tue Simon qui s’en fout d’être juif.

    Même s’il prend, grâce à son boulot de DJ, sa carte verte pour les « States ». Tout en défendant les Arabes, prenant toujours l’exemple de son copain Yazid, qui est comme son grand frère. Mais, comme le lui dit un de ses nouveaux « amis » Juif français émigré à Miami en entendant qu’il faut rester optimiste (p. 208) :

     

    « Dans les années trente aussi il y avait des optimistes et des pessimistes. Les pessimistes ont fini à Hollywood et les optimistes à Dachau. »

     

    (C’est amusant, cette histoire de majuscule qu’il faut mettre, ou pas, au mot Juif.

    Si je dis que Yazid est Arabe et que Simon est Juif, il n’y a pas de souci : je mets des majuscules partout.

    Si je dis que Yazid est musulman (et que donc, je parle de confession religieuse), faut-il écrire que Simon est Juif, ou qu’il est juif ? En bonne logique, qu’il est « juif ».

    Ce qui est compliqué, ce qui défie la logique, ou du moins : la symétrie, c’est que Yazid n’est pas Arabe : il est de nationalité française, et de religion musulmane. Sa mère Aïcha, entrée en France enceinte de lui, est Marocaine, et si Yazid était né de l’autre côté de la Méditerranée, lui aussi eût été Marocain. En aucun cas Arabe.

    Mais il y a l’usage : un maghrébin (pas de majuscule, ce n’est pas une nationalité), en France, qu’il soit ou non Français, on l’appelle un Arabe. C’est comme ça. C’est l’usage. Ca vient – j’imagine – de la couleur de la peau, qui se repère évidemment, tandis que la nationalité, elle, ne se repère pas « au premier coup d’œil »…

    Tout cela est très compliqué.

    L’auteur du roman lui-même a tendance à mettre une majuscule au mot « Juif » (moi aussi, du coup). Mais pas là, par exemple (p.331) : « – Tu sais ce que disait mon père : un Juif riche est un riche, un Juif pauvre est un juif. » (C’est le Ministre qui parle, mais c’est moi qui souligne.)

    Qu’est-ce qu’un « Juif de France » ? (Et l’ « islam de France » ?)

    Majuscule ou minuscule ? « L’usage est partagé pour le nom Juif. » dit Grevisse (1993) en son Bon usage.

    Il n’y a pas à dire : un Albanais du Kosovo, c’est plus simple.

    Après tout, il suffit de faire un sort à l’idée d’Etat-Nation. Rejeter l’idée de Nation – de natio, dérivé de nasci, naître –, en la voulant confondre à je ne sais quel nationalisme, pour défendre mordicus l’idée légitime de droit du sol – jus soli accordant la nationalité à toute personne physique née sur le territoire national –, c’est se priver de l’âme, et dévoluer en Administration l’Etat et la Nation. D’où cette espèce de guichet de service qu’est devenu l’Etat sans Nation mais accroché à la prime administrative à la naissance…

    Bref, on comprend que l’auteur, roman oblige, utilise les dénominations les plus simples, les plus communes : un Juif, un Arabe.)

     

    Le grand intérêt du roman, c’est que l’enquêteur béhachélien, antiraciste professionnel, n’est pas étranger sinon au meurtre, du moins à la dégradation des conditions qui l’ont « permis » (p.326).

     

    « Parfois, quand j’observais l’évolution de la situation française et la montée du « fascislamisme », que je dénonçais désormais sans me lasser, il m’arrivait de m’interroger. Avions-nous déclenché la bonne guerre ? Avions-nous livré les bonnes batailles ? »

     

    Ou (p. 329) :

     

    « Qu’est-ce que la gauche aujourd’hui ? Suis-je encore de gauche ? Mon progressisme n’a-t-il pas été le paravent commode à l’abri duquel j’ai pu faire fortune ?

    […]

    Je me sens responsable de la mort de ce petit. Et de tant d’autres qui risquent de venir. »

     

    Il semble bien qu’avec le temps aussi, indépendamment de leurs réussites respectives et des rôles qu’ils doivent tenir dans la comédie des apparences, les opinions profondes du Ministre et journaliste se soient inversées ; le journaliste doute du Bien différentialiste et multiculturaliste qu’inlassablement il a promu – et sans doute pour cela commence d’écrire en secret le récit de cette affaire qu’il a pourtant charge d’étouffer –, le Ministre adopte dans sa pratique de Maire d’une ville de banlieue toutes les pratiques de Dialogue pseudo-consensuelles qu’il a longtemps combattues. Etc.

     

    L’auteur ouvre son roman avec une citation de Finkielkraut : « L’antiracisme est le communisme du XXI° siècle ». Le narrateur l’achève par une citation du Talmud : «  Celui qui fait preuve de miséricorde envers le cruel se conduira bientôt avec cruauté envers le miséricordieux. »

     

     

     

     

     

    Petit frère est un bon roman.

    Certains ne manqueront pas, n’ont pas manqué de dire qu’il est à thèse.

    C’est assez malhonnête.

    Je ne doute pas pourtant que Zemmour ait des opinions (mais une thèse ?) ; elles sont assez connues, apparemment.

    Cette thèse, si elle est, est tue. Aucune solution, dans ce bouquin.

    L’auteur en son roman ne trouve guère de porte-parole.

    Son narrateur même ne professe pas les opinions de l’auteur.

    (On peut peut-être dire que les remords du narrateur tombent dans les opinions de l’auteur.)

    Mais qui veut nous faire croire à l’existence d’un auteur neutre, hors du monde et comme objectivé ?

    N’ayant pas un personnage par lequel s’exprimer, l’auteur est contraint de s’exprimer en tous.

     

    (Au théâtre, j’appelle ça la dramaturgie. Je me laisse parfois aller à dire en plaisantant qu’écrire du théâtre commence quand on met ce qu’on pense soi-même dans la bouche d’un imbécile.

    Et sinon dans la bouche d’un imbécile, dans celle d’un personnage point unique, c’est certain. Il me semble parfois que la dramaturgie, technique mise à part, est commune au roman et au théâtre – cf. les notes de Corneille sur ce qu’il appelle le roman dans la pièce.)

     

    Petit frère est un bon roman.

    Il y manque donc beaucoup de choses : toutes celles que j’aurais aimé apprendre sur les personnages, et que je n’ai pas apprises. Manques qui se transforment en questions…

    Au vu de ses prétentions légitimes – décrire une « société » à son moment « critique », et plus encore les causes de ce moment que ses effets –, le livre est un peu court.

     

    Le livre est chez Denoël.

  • Il n'y a personne dans les tombes, de François Taillandier...

     

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    … est le troisième des cinq romans qui composent La grande Intrigue. Après Option Paradis et Telling, nous retrouvons les cousins Louise et Nicolas, leurs aïeux et descendants. Cet ensemble romanesque est une fresque morale, au sens où elle décrit en détail et sans jugement apriorique, l’immense changement dans les mœurs survenu en France, en un siècle. Récit au demeurant bien peu balzacien dans sa forme, tant la digression – alerte et fine – y tient lieu de fil conducteur, promenant son lecteur à travers les époques et les lieux, du XIX° siècle à l’Afrique, de la Province française qui va mourir à Paris, espace urbain hygiénisé plutôt que ville.

    Un monde meurt, on le voit, et la vie grouille, anarchique, sur son cadavre. L’autorité des règles anciennes a disparu. Elles éclairaient l’homme non moins qu’elles lui donnaient une ombre… Tout à présent est davantage libre et cru, comme de partout également éclairé, et l’homme a perdu son épaisseur et son mystère.

     

    Au centre de ce troisième volume, « mise en abyme » se trouve la préface à l’œuvre en cours, la préface à La grande Intrigue. Il y est essentiellement question des Evangiles, et d’un certain tombeau, demeuré vide. Il y est question de ce que c’est que le Christianisme, et de comment il autorise notre façon, ici, très simplement, de raconter.

    Au centre de ce troisième volume, au centre aussi, donc, des cinq volumes dont deux demeurent à paraître, il est question de la Résurrection.

    Et donc, de l’Espérance.

     

    Dans ce roman, tout est simple, léger, intelligent – et noir.

    Mais la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne la peuvent point comprendre.  

     

  • Tout faut : Sommaire

    Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait purement paranoïaque.

    Ouverture

    I – Les Provinces de l’Ennui, panorama, 2005

    II – Deus ex machina, essai, 2006

    III – Pour une Culutre citoyenne! farce, 2005

    IV – Spéculations, perspectives, cauchemar, comédie, 2006

    V – Sépulture sans sépulture, oratorio, 2007

    VI – Absolute Wonderland, morceaux, 2006

    VII – CDC, dialogues, 2006

    VIII – Territoires de la merde, farce, 2006

    IX – CQFD, notes sur la commande d’un texte et son refus par ses commanditaires mêmes, 2006

    X – Ce que j’ai fait quand j’ai compris que j’étais un morceau de machine ne sauvera pas le monde, fin, 2006

  • Fable, par La Porte et Chamfort

    Je donne ici l’article Fable du Dictionnaire dramatique de La Porte et Chamfort, datant de 1776, sans toucher bien sûr à la graphie ou à la ponctuation originales ; et précise qu’on peut accéder en ligne à l’intégralité de ce dictionnaire. Le portrait ci-dessous est celui de Sébastien-Roch-Nicolas Chamfort.

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    C'est, dans la Poëtique d'Aristote, une des six parties de la Tragédie. Il la définit, la composition des choses. Il divise les Fables, en Fables simples & en Fables implexes. Il appelle simples les actions qui étant continues & unies, finissent sans reconnoissance & sans révolution. Il appelle implexes, celles qui ont la révolution ou la reconnoissance, ou mieux encore toutes les deux.

    Dans la Fable simple, il n'y a point de révolution décisive. Les choses y suivent un même cours, comme dans Atrée. Celui qui méditoit de se venger, se venge. Celui qui dès le commencement étoit dans le malheur, y succombe, & tout est fini. L'inconvénient de ces sortes de Fables, c'est qu'elles ne portent pas assez loin la terreur & la pitié.

    La Fable implexe, dit M. Marmontel, est à révolution simple, ou à révolution composée. Dans le premier cas, s'il n'y a qu'un Personnage principal, il est vertueux, ou méchant, ou mixte ; & il passe d'un état heureux à un état malheureux ou au contraire. S'il y a deux Personnages principaux, l'un & l'autre passent de la bonne à la mauvaise fortune, ou de la mauvaise à la bonne ; ou la fortune de l'un persiste, tandis que celle de l'autre change ; & ces combinaisons se multiplient par la qualité des Personnages, dont chacun peut être méchant ou bon, ou mêlé de vices & de vertus.

    La Fable à révolution composée, ou double, doit avoir deux Personnages principaux, bons, ou mauvais, ou mixtes, & la même révolution doit les faire changer de fortune en sens contraire.

    Dans la Fable unie & simple, si l'on représente le malheur du méchant, ce malheur n'inspire ni pitié ni terreur ; nous le regardons comme la juste punition de son crime. Si c'est l'homme de bien qu'on nous retrace dans le malheur & la disgrace, son malheur à la vérité nous afflige & nous épouvante ; mais comme ce malheur ne change par aucune révolution, il nous attriste, nous décourage, & finit par nous révolter. Il ne reste donc à la Fable simple, que le malheur d'un personnage mixte, c'est-à-dire qui ne soit ni tout-à-fait bon, ni tout-à-fait méchant.

    Dans les Fables à double révolution, il faut éviter de faire entrer deux principaux Personnages de même qualité ; car si de ces deux hommes également bons ou mauvais, ou mêlés de vices et de vertus, l'un devient heureux & l'autre malheureux, l'impression de deux événemens opposés se contrarie & se détruit. On ne sait plus si l'on doit s'affliger ou se réjouir, ni ce qu'on doit craindre ou espérer. Il faut éviter aussi d'y faire périr l'homme de bien, & prospérer le méchant. Mais il faut observer la régle contraire, c'est-à-dire, que le méchant tombe dans l'infortune ; & que le Juste, le Vertueux, pour qui on s'intéresse, passe du malheur à la prospérité. C'est ainsi que la vertueuse Iphigénie, qu'on tremble de voir immolée selon l'Oracle de Calchas, se trouve sauvée ; & Eriphile sa Rivale, injuste & méchante, se trouve, par la même révolution, être la malheureuse victime désignée par l'Oracle ; & elle s'immole elle-même de rage & de dépit.

    La Fable tragique, selon Aristote, peut se combiner de quatre manieres différentes : la premiere, lorsque le crime s'achéve ; la seconde, lorsqu'il ne s'achéve pas ; la troisieme, quand il est commis sans connoissance, & comme involontairement ; la quatrieme enfin, quand il est commis de propos délibéré. Dans toutes ces combinaisons, le Poëte habile peut trouver de l'intéressant & du pathétique. Dans OEdipe, le crime est commis avant d'être connu, & la connoissance qu'en ont ensuite ceux qui l'ont commis, cause la plus grande terreur dans le Dénouement. Dans Mérope, & dans Iphigénie en Tauride, le crime est reconnu avant d'être commis, Mérope reconnoît son fils Egiste sur le point de l'immoler : Iphigénie reconnoît de même Oreste, son frère, au moment où elle va le sacrifier. Cette reconnoissance empêche le crime de se consommer. Mais le Spectateur n'en a pas moins frémi sur le sort d'Egiste & d'Oreste ; & le but de la Tragédie est également rempli dans ces Fables.

    Le grand Corneille a inventé une autre combinaison pour la Fable tragique, ou, si l'on veut, un autre genre de Fable ; c'est celle où le crime, entrepris avec connoissance de cause, ne s'achève pas. La fin de ces sortes de Fables n'a rien de touchant ; mais elles ne laissent pas de donner lieu, dans le cours du Spectacle, au plus grand pathétique & aux plus fortes émotions de l'ame, par les combats que doit éprouver celui qui a médité le crime. Il faut observer dans cette sorte de Fable, que celui qui a entrepris la [sic] crime, ne l'abandonne pas par un simple changement de volonté, mais qu'il en soit empêché par une cause étrangère.

    La Fable de la Comédie consiste dans l'Exposition d'une action prise de la vie ordinaire, dans le choix des caractères, dans l'intrigue, les incidens, &c; au moyen desquels on parvient à faire sortir le ridicule d'un vice quelconque, si le sujet est vraiment Comique ; ou à développer divers sentimens du coeur, si le sujet n'est pas véritablement comique.

    La Fable, soit Tragique, soit Comique, est ce qu'on appelle ordinairement le Roman de la Piéce.

  • Sollers Imperator et sa bande d'éculés

    Yannick Haenul, qui est une sorte de Harry Potter pour de vrai, a reçu le Prix Décembre 2007 pour son roman idiot, Cercle.

    Cercle n’est pas un roman raté. Un roman raté, somme toute, est un roman qui aurait pu être réussi. Je ne sais trop si le cercle en question est vicieux, mais son auteur au moins se mord la queue ; et tel est bien son seul talent.

    Je ne ferai pas aux zurés de ce prix prestizyeux l'insulte de penser qu'ils ont vraiment trouvé la moindre intelligence dans le navet stérile de notre prosateur ridicule. Ils sont loin en-deçà de toute appréciation qui ne soit pas d'abord réticulée. Nos golden boys s'occupent de cotations en bourse, c'est tout. Je ne sache d'ailleurs pas qu'ils aient jamais prétendu à autre chose. 

    On ne peut tout de même pas reprocher à Philippe Sollers, éditeur et défenseur de Yannick Haenel, de manquer de cohérence au prétexte qu’il serait juré au Prix Décembre. D’autant que ce Professeur ès lui-même trône là entouré de ses vassaux, le bouffon Beigbeder, le crétinissime cryptocommuniste Viviant et je ne sais trop quels Garcin-Noguez de derrière les gogos… Ce serait de mauvais aloi, dans notre Peredelkino-sur-Seine.

    Peredelkino qui, du coup, tire violemment sur le Poudlard.

    Dans cet univers de sorcellerie minable, il est tout simplement étonnant que Yannick Haenul ne soit pas lui aussi juré du Prix Poudlard, pardon, Décembre.

    Je trouve, même, que ce prix devrait être rebaptisé Prix Sollers.

    Le Prix serait décerné chaque année au meilleur livre de Philippe Sollers.

    Et comme évidemment il n’y a plus de meilleur livre de Philippe Sollers, on pourrait, par extension, le décerner à un quelconque de ses poulains qu’il entraîne dans ses écuries de la rue Sébastien-Bottin. N’importe lequel.

    Yannick Haenul, par exemple.

    Potter Noster.