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lautréamont - Page 2

  • Canard du doute...

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    Je relis rarement les billets que je place sur Theatrum Mundi. Mais lorsque je le fais, la question qui se pose à moi, le plus souvent, quand je ne suis pas occupé à râler après telle ou telle facilité d’écriture, est celle-ci :

    – Je plaisantais, là, ou pas ?

    Après quoi, il me faut balayer la question : je ne trouverai pas de réponse. Pas d’autre, disons, que celle que dictera mon humeur, encore une fois…

    Une autre question vient alors :

    L’ironie est-elle la forme du doute ?

     

     

     

     

     

  • Romantisme encore

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    Oisive jeunesse

    A tout asservie,

    Par délicatesse

    J’ai perdu ma vie.

    Ah ! que le temps vienne

    Où les cœurs s’éprennent.

     

    Rimbaud, Chanson de la plus haute tour

     

     

     

     

    La prime à la jeunesse, à la jeunesse foudroyée qui plus est, fut au XX° siècle très romantiquement – quoique, du moins officiellement, contre le romantisme – attribuée à ces précoces poètes que furent Lautréamont et Rimbaud.

    Mais pourquoi ?

    Pour empêcher qu’on lise Baudelaire et Verlaine, non ?

    Pour faire écran, du moins.

    Certains même voulurent voir, religieusement, en Rimbaud et Lautréamont des manifestations quasi-exclusives de la Vérité. Ils ont fini par faire de ces poètes des Bernadette Soubirous de carnaval, voire de gay pride… Sérieusement : des Bernadette Soubirous de quoi ? sinon de leurs propres engagements débiles de l’époque.

    Les Bernadette Soubirous de leur invertissement – puisque ça rapporte, donc, d’inverser…

    Ces gens-là, cadavres ou vieux barbons désormais, nous bassinent encore avec la jeunesse, la leur bien sûr, qui est en toc comme tous les marchandises désormais, jeunesse foudroyée aussi, bien sûr, mais autrement (puisque autrement est leur sésame), et on raccroche au passage 1968, le joli mois de mai des cadavres de la Fausse Commune…

    Rimbaud ni Lautréamont n’y sont pour quoi que ce soit, dans cette affaire sinistre. Ils sont même les victimes de cette affaire : ils sont devenus illisibles, invisibles sous le déluge commercial, pardon, intellectuel…

    Et Artaud, donc !

    Il a souffert, Artaud. Oui.

    Et il en a torché, des pages déchirées de douleur.

    (Le très vieux verbe français se douloir, du temps que la douleur aussi avait son verbe, se conjuguait ainsi : je me deux).

    Mais il est juste bon désormais à servir d’alibi aux poètes casse-couilles à prétentions intellectuelles, aux philosophes bien en chaires, aux metteurs en scène d’institutions, à tout cette lie de l’intelligence qui n’y entend goutte, mais cite et cite et cite, et se bâtit ainsi une moelleuse carrière à Peredelkino-sur-Seine ; à tout ce qui empile des discours secondaires

    Artaud est foutu, lui aussi.

     

    C’est peut-être la leçon de notre époque férue de quantités, et de chiffres : l’œuvre poétique demeure inconnue ou, dans le meilleur des cas, disparaît bien vite –, ou bien n’atteint à la notoriété que pour se voir annulée, annihilée (que j’entends en somme comme : annexée au néant) par des masses énormes de commentaires imbéciles, lesquels ensuite donnent lieu à simplification, à cliché – par quoi l’image du poète devient icône, ses adorateurs sourds se prosternant idolâtrement devant…

    Bref, c’est fini.

     

    (Voir aussi ici.)

     

  • Copier. Pour rien

    Copier est un exercice sain. A condition cependant de ne pas copier n’importe quoi. J’aime l’idée, qui me vient avec ce blog balbutiant, de copier. C’est un acte d’humilité, s’il est permis de le dire. C’est un acte d’admiration, aussi.

    J’ai la chance de n’être pas copiste. Je ne suis pas un moine (essentiellement parce que j’ai la malchance de vivre au XXI° siècle, et non pas au XIII°). Je n’ai pas pour profession de copier, par exemple, des actes juridiques. Aussi ne m’est-il pas loisible d’énoncer un I would prefer not to. Je ne suis pas Bartleby the Scrivener.

    J’ai même, a contrario, la chance de préférer. C’est une grande chance.

    Les écrivains citent. Certains plagient. Ces activités diffèrent de la copie. L’activité de copier n’a pas pour but de servir celui qui copie. Une épigraphe, une citation sont sensées servir, et plus souvent encore : justifier, celui qui les copie. A juste titre, parfois.

    Je ne suis pas non plus Pierre Ménard, auteur du Quichotte. Je n’ai pas très envie, pour tout vous dire, d’être un personnage de Melville ou de Borgès. Ni même un moine. Ni Isidore Ducasse. Je n’ai pas envie du tout de faire de la critique littéraire. Je veux bien être critique, mais pas critique littéraire. Pas du tout. L’expression, d’ailleurs, à bien la lire, laisse l’impression que c’est la critique elle-même qui est littéraire. L’aigreur, la jalousie, la frustration rôdent. Jouissent de régner, aussi, souvent. Misère.

    Non, j’ai simplement envie de prendre du temps, parfois, pour copier des pages que j’aime, sans volonté aucune de me les approprier.

    Pour rien, donc. Diront les cyniques.

    Eh bien, soit : pour rien.

     

     

    Les écrivains, je trouve, ne copient pas assez. Ils prendraient le fait de copier, peut-être, pour une punition. Les écrivains sont demeurés scolaires. A l’école, on copie quand on est puni ; et pour le reste, c’est interdit. Les écrivains ne copient pas ; mais à la fin du cours, ils doivent rendre leur copie.

    Je ne sais trop d’ailleurs si on publie les meilleures, pour donner l’exemple (ce qui serait désespérant) ; ou les pires, pour l’édification des imbéciles. Mon avis est que les copies publiées sont tirées au sort. Les volontés individuelles, les copinages institués, les luttes d’influences et autres choses d’intérêt constituent en eux-mêmes ce que je nomme ici tirage au sort. 

    Je me dis parfois que si les écrivains prenaient plus souvent le temps de copier, pour rien, des textes qu’ils aiment, des auteurs qu’ils admirent, ils seraient moins emmerdants, plus lucides ; certains mêmes arrêteraient tout net d’écrire leur prose et ce serait très bien. Pour eux au premier chef, et puis pour les pauvres couillons qui, par curiosité, achètent leurs livres, parfois même plusieurs fois.

    Le plus amusant, peut-être, c’est que ces mêmes écrivains que l’idée de copier, pour rien, une page ou plusieurs d’un auteur admiré rebuterait, ne cessent pas de se copier les uns les autres ; et comme entre eux ils se méprisent copieusement, chacun se rêvant au-dessus de la mêlée, ils préfèrent copier sans le savoir ce qu’ils méprisent plutôt qu’en conscience ce qu’ils admirent. Ce qui, en quelque sorte, les juge. Mais ne les condamne pas. Parce qu’ils sont déjà condamnés. Ce qui n’a aucune espèce d’importance.

     

    Bref, c’est la rentrée ! Et qu’est-ce qui arrive à ces prétendues singularités ? Eh bien, ils se font empiler ! ce qui, à notre époque de massification de tout, est certainement une catégorie pornographique. On devrait d’ailleurs leur suggérer d’utiliser des insultes d’un genre nouveau, généralement applicables aux artistes : Va te faire empiler ! par exemple.

     

     

     

    Et moi-même, dans cette page, j’ai écrit bien assez d’imbécillités ; je vais donc la quitter, et me mettre tranquillement à mon travail de copie. C’est plus sûr.