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melville

  • Copier. Pour rien

    Copier est un exercice sain. A condition cependant de ne pas copier n’importe quoi. J’aime l’idée, qui me vient avec ce blog balbutiant, de copier. C’est un acte d’humilité, s’il est permis de le dire. C’est un acte d’admiration, aussi.

    J’ai la chance de n’être pas copiste. Je ne suis pas un moine (essentiellement parce que j’ai la malchance de vivre au XXI° siècle, et non pas au XIII°). Je n’ai pas pour profession de copier, par exemple, des actes juridiques. Aussi ne m’est-il pas loisible d’énoncer un I would prefer not to. Je ne suis pas Bartleby the Scrivener.

    J’ai même, a contrario, la chance de préférer. C’est une grande chance.

    Les écrivains citent. Certains plagient. Ces activités diffèrent de la copie. L’activité de copier n’a pas pour but de servir celui qui copie. Une épigraphe, une citation sont sensées servir, et plus souvent encore : justifier, celui qui les copie. A juste titre, parfois.

    Je ne suis pas non plus Pierre Ménard, auteur du Quichotte. Je n’ai pas très envie, pour tout vous dire, d’être un personnage de Melville ou de Borgès. Ni même un moine. Ni Isidore Ducasse. Je n’ai pas envie du tout de faire de la critique littéraire. Je veux bien être critique, mais pas critique littéraire. Pas du tout. L’expression, d’ailleurs, à bien la lire, laisse l’impression que c’est la critique elle-même qui est littéraire. L’aigreur, la jalousie, la frustration rôdent. Jouissent de régner, aussi, souvent. Misère.

    Non, j’ai simplement envie de prendre du temps, parfois, pour copier des pages que j’aime, sans volonté aucune de me les approprier.

    Pour rien, donc. Diront les cyniques.

    Eh bien, soit : pour rien.

     

     

    Les écrivains, je trouve, ne copient pas assez. Ils prendraient le fait de copier, peut-être, pour une punition. Les écrivains sont demeurés scolaires. A l’école, on copie quand on est puni ; et pour le reste, c’est interdit. Les écrivains ne copient pas ; mais à la fin du cours, ils doivent rendre leur copie.

    Je ne sais trop d’ailleurs si on publie les meilleures, pour donner l’exemple (ce qui serait désespérant) ; ou les pires, pour l’édification des imbéciles. Mon avis est que les copies publiées sont tirées au sort. Les volontés individuelles, les copinages institués, les luttes d’influences et autres choses d’intérêt constituent en eux-mêmes ce que je nomme ici tirage au sort. 

    Je me dis parfois que si les écrivains prenaient plus souvent le temps de copier, pour rien, des textes qu’ils aiment, des auteurs qu’ils admirent, ils seraient moins emmerdants, plus lucides ; certains mêmes arrêteraient tout net d’écrire leur prose et ce serait très bien. Pour eux au premier chef, et puis pour les pauvres couillons qui, par curiosité, achètent leurs livres, parfois même plusieurs fois.

    Le plus amusant, peut-être, c’est que ces mêmes écrivains que l’idée de copier, pour rien, une page ou plusieurs d’un auteur admiré rebuterait, ne cessent pas de se copier les uns les autres ; et comme entre eux ils se méprisent copieusement, chacun se rêvant au-dessus de la mêlée, ils préfèrent copier sans le savoir ce qu’ils méprisent plutôt qu’en conscience ce qu’ils admirent. Ce qui, en quelque sorte, les juge. Mais ne les condamne pas. Parce qu’ils sont déjà condamnés. Ce qui n’a aucune espèce d’importance.

     

    Bref, c’est la rentrée ! Et qu’est-ce qui arrive à ces prétendues singularités ? Eh bien, ils se font empiler ! ce qui, à notre époque de massification de tout, est certainement une catégorie pornographique. On devrait d’ailleurs leur suggérer d’utiliser des insultes d’un genre nouveau, généralement applicables aux artistes : Va te faire empiler ! par exemple.

     

     

     

    Et moi-même, dans cette page, j’ai écrit bien assez d’imbécillités ; je vais donc la quitter, et me mettre tranquillement à mon travail de copie. C’est plus sûr.