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couple - Page 5

  • 2. Sagesse et boucherie

     

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    Ça avait dû lui arriver deux fois d’être amoureux d’une fille et de courir derrière et de se faire jeter. Après quoi, à voir d’autres garçons dans les mêmes affres idiotes, il perçut nettement le ridicule de la situation. Une feinte indifférence lui ramena les suffrages féminins, dont il usa quelques années. Et maintenant, il se demandait à quel moment son indifférence avait cessé d’être feinte ; et ce qu’il pourrait bien faire de tous ces appels d’offre. Bref, il était encore à mille lieues du silence.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • La Maison de Dieu, un poème

    L’incipit, déjà, en italiques comme une didascalie, est un petit chef d’œuvre. Le voici :

     

    Le Kilimandjaro est une montagne couverte de neige, haute de 6.021 mètres, et que l’on dit être la plus haute montagne d’Afrique. La cime ouest s’appelle le « Masai Ngàje Ngài », la Maison de Dieu. Tout près de la cime ouest il y a une carcasse gelée et desséchée de léopard. Nul n’a expliqué ce que le léopard allait chercher à cette altitude.

     

    Eh bien voilà, les poètes à la ligne déjà peuvent aller se rhabiller.

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  • Sur Mauvaise paix

     

    A Ambre, dont je ne sais rien ;

    aux autres lecteurs, connus et inconnus, amis ou ennemis, de ce blog.

     

     

    Commençons, par goût pour l’auto-dérision, par citer l’un de nos meilleurs auteurs comiques, heureusement décédé :

    « Ayant ainsi à tenir compte de lecteurs très attentifs et diversement influents, je ne peux évidemment parler en toute liberté. Je dois surtout prendre garde à ne pas trop instruire n’importe qui. »

    Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle

     

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  • Une lettre du salon

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    C’est un soir.

    Voici ce qu’il écrit sous la lampe :

     

    Mon amour. Est-ce que tu sais que je ne suis plus là que par devoir ? J’allais dire par fidélité, mais non. Est-ce que tu sais que Dieu seul, ou bien l’idée de Dieu, puisque tu préfères, m’empêche de me passer par la fenêtre ? Est-ce que tu as remarqué qu’il y a longtemps, je suis mort. Te souviens-tu que nous nous sommes aimés ? J’ai passé sur moi-même comme une armée en marche. J’ai écrabouillé longtemps le désir sous ma botte, il a salement couiné avant de crever d’un coup. J’ai mis toute ma force à cela, les dents serrées, sans ménager ces larmes qui n’auront pas coulé, et j’étais plutôt fort, je trouve. Je me suis abruti de fatigue jusqu’à ce qu’il n’y ait plus même de fatigue. J’ai bien calmé la brute, et l’ai exterminée toute, même. Quand j’avais peur, vois-tu, je n’avais peur de rien. Je passais par-dessus. Les filles me giflaient pour un mot. Les types ne me cassaient même pas la gueule. J’étais un western ambulant. Un bloc compact de violence. J’étais remuant, je tenais tête à tout, j’allais plutôt mal, j’enjambais les préliminaires et vomissais les conclusions. Cela me semble les souvenirs d’un autre. Je passais ma main dans tes cheveux. Tu souriais. Et comment dire ? Nous avions le temps de cela, oui. J’ai l’impression d’avoir vécu plusieurs années avec toi, corps emmêlés sur ce parquet. (Tu vois, ce n’est pas vraiment une lettre, plutôt une chanson populaire mal foutue.) Et maintenant je suis là, dans ce salon aux couleurs chaudes, à noter sur des feuilles ces pauvres phrases et toi, quand je relève le nez, je te vois. Tu es là, toute jolie, tellement loin, en train de regarder un magazine. Aucun mot ce soir ne franchira mes lèvres, aucun rire. La musique que tu as choisie, pas seulement écoutée, de sa dégradation en ambiance meublera le silence. Il ne fait pas mauvais ici ; bien au contraire, même. Il y a des choses à faire. J’ai l’impression de voir tout cela de très loin, comme l’enfant qui tient à l’envers la longue-vue. La mort ne viendra pas vraiment. Seulement la douleur. Le corps qui hurle. Et sur lequel il faut encore marcher. Pour achever le travail. Je vais bien.

     

    Il pose son stylo, se lève, ramasse difficilement un jouet d’enfant, le range, se rassied, pose les mains bien à plat sur la table et demeure immobile.

    Il prend la feuille, la chiffonne, la lance négligemment dans la poubelle. Puis quitte la pièce en claudiquant légèrement.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Un contrepoint romantique : Raison garder.

     

  • Raison garder

    Voici une courte saynète de commande.

     

    Elle a peut-être quarante ans, un peu moins ou un peu plus ; c’est une petite bourgeoise moderne, décontractée, sympathique et  vulgaire – elle est « prof » ou secrétaire de direction. C’est vers la fin de ce dîner dansant, elle a peut-être bu un peu, mais à présent elle déguste par saccades ce café qu’elle n’aime pas – il n’y avait pas de thé au menu – en regardant les gens danser.

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