Sarkozy - Page 2
-
Dormir le monde
-
Disparitions
« On croyait savoir que l’histoire était apparue, en Grèce, avec la démocratie. On peut vérifier qu’elle disparaît du monde avec elle. »
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle (1988)
-
Une fabrique soviétique de PQ
Les Hollandais avaient dit : Non.
Les Français avaient dit : Non.
– Rien à foutre, avait répondu l’Union Européenne.
L’UE.
Qu’on devrait appeler l’USEE.
L’Usée.
L’Union Soviétique Economique Européenne.
Et elle a refourgué sa camelote sous un autre nom.
Et maintenant…
Les Irlandais ont dit : Non.
Non.
Mais Non, en politique, ça ne diffère guère de Oui.
Selon le principe du nihilisme.
Alors voilà.
Les peuples disent Non.
Si l’Angleterre faisait un référendum, ce serait Non.
Si l’Italie faisait un référendum, ce serait Non.
Si les Vingt-Sept faisaient vingt-sept référendums, il y aurait au moins vingt Non. Allez, soyons très pessimiste, dix-sept.
Bureaucrates et pipolitiques n’ont pas l’air de comprendre que leur merdier bureaucratique, les gens, les vrais gens, tout simplement, ils n’en veulent pas.
Ils ne s’en foutent pas, non.
C’est bien plus clair :
Ils n’en veulent pas.
Vraiment pas.
Mais alors pas.
Et maintenant, je vais vous dire à quoi servent réellement les constitutions européennes.
Quand par voie référendaire, les peuples s’en mêlent, elles servent de torche-cul à leurs représentants.
Il faut dire que ces représentants, en bureaucrates avisés, pensent que la démocratie est le moyen politique qui permet de chier sur la gueule du peuple.
Et comme ce dernier est serviable, lorsqu’on le sollicite, il tend à ses représentants, pour qu’ils se puissent torcher, pour qu’ils soient propres en somme, le soviétique papier que ceux-ci avaient préalablement préparé…
Ce que c’est que l’amour, tout de même.
Donc :
On considérera le référendum comme antidémocratique.
Et comme les gens sont cons, ils ne vireront pas leurs représentants, ceux-là même qui leur chient sans modération sur la gueule.
Et l’on recommencera la bureaucratie soviétique européenne.
Au nom de la démocratie.
Et des autres saloperies du Bien.
Giscard d’Intestaing, qui a partagé pourtant avec son camarade Chirac, n’a pas encore fini de se torcher avec les nombreux exemplaires de son papelard inepte, que déjà les Irlandais viennent de retourner à Sarkozy (alias Mickey Grenelle, PDG du Bronzeculand-France, comme quoi tout se tient) les exemplaires de son papelard à lui.
– Merde. Ça risque de retarder l’entrée de la Turquie, a glapi désolée la fadasse du Medef.
Mais non, mais non.
Même pas.
-
Se convertir mieux pour gagner du temps plus
Alain Potent, journaliste à l’e-Monde, était là, dans un coin, et il avait dû poser une question, puisque Mickey Grenelle y répondait ainsi :
– Mais non, M’sieur Potent, qu’on aura pas d’armée en vrai. D’abord, parce que c’est mal. Et ensuite, d’abord parce qu’on peut pas. J’ m’explique. Si qu’on donnerait un budget à la Défense, tous les autres et même les copains, ils vont gueuler au fascisme et qu’ils auront bien raison. Si qu’on fait une armée avec l’Europe, tout le monde va trouver ça formidable vu que ce n’est pas possible de s’entendre à 27 plus les Turcs. Donc il reste l’OTAN et ça c’est de l’Atlantisme donc c’est mal parce que même la gauche maintenant elle cite le général de Gaulle. Donc on n’a qu’à rien faire, vu que c’est la paix, et je le rappelle, vu qu’on est un club de vacances, les plages, les gonzesses à poil et tout, je le rappelle et même, hein, je montre l’exemple avec ma Dolorès Blondie que je l’ai rencontrée grâce à meetic.gouv.fr. Ce que je veux, c’est qu’on va réussir que le Bronzeculand France devient une sorte de Dubaï de l’Europe, avec des tas de jeux partout, plein de paint ball partout, et une population locale tant pis si elle ferme sa gueule…
Ce n’était pas très clair, donc.
D’autant qu’il y avait aussi Kouchner qui lui soufflait des trucs que le Président balayait certes d’un revers de la main, mais qui avaient tout de même l’air de le déconcentrer pas mal. « Les amis de nos amis sont ennemis. Les ennemis de nos amis sont nos amis. » Des aphorismes dans ce goût-là, qui imprimaient sur la trogne du bon docteur K. cet air de fierté, sinon d’orgueil, de l’homme qui jouit de pervertir le plus élémentaire bon sens.
Puis Mickey Grenelle s’est brutalement tourné vers moi et m’a dit :
– Qu’est-ce que tu vas foutre, maintenant que tu n’as plus de boulot, pauv’ con ?
Je l’ai regardé, un peu ahuri.
Puis des paroles sont sorties de ma bouche, auxquelles je ne pouvais rien :
– Eh bien, euh… je vais me convertir à l’islam, je crois.
Grenelle a eu l’air positivement impressionné par ma réponse.
Il s’est approché de moi pour me dire quelque chose en secret ou pour me rouler une pelle, je ne sais trop, et je me suis réveillé en sursaut, trempé de sueur, puis j’ai gueulé des insultes qu’il serait inconvenant de reproduire ici.
Je me suis levé, j’ai allumé une cigarette en attendant que le café passe.
Il était six heures du matin et j’avais effectivement dormi mes quatre heures réglementaires.
Cette phrase puissante m’échappait régulièrement des lèvres :
– C’est la merde, putain, c’est la merde.
J’ai toujours été déprimé. Depuis tout petit. Sans raison.
Mais là, tout de même, je sentais poindre sous ces phrases rituelles rien moins qu’une victoire.
Le fond de calva dans le café m’a aidé à retrouver mes esprits.
La fête des mères.
– C’est la merde, putain, c’est la merde. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir offrir à ma mère ?
Et là, croyez-moi ou pas, j’ai pensé à une burka.
Oui, je sais, c’est étrange.
Mais c’est comme ça que je me suis souvenu de la soirée d’hier.
Il s’est passé quelque chose, hier. Tout en travaillant sur cette indocile machine informatique, je suis tombé amoureux d’Houria Bouteldja. J’y suis enfin arrivé. Il faut dire qu’elle est assez jolie, tout de même. Oh, bien sûr, c’est arrivé en regardant la télévision, pas en vrai. Le service public, sans doute. J’avais bu un peu, et comme souvent quand je travaille, j’avais coupé le son de ce bruyant appareil électro-ménager. Je m’étonne d’ailleurs que la plupart des gens tolèrent un appareil aussi bruyant et ne pensent jamais à lui couper le sifflet.
Bref, Houria m’apparut soudain, gesticulante, hystérique, – et muette.
C’était fascinant. Je ne résistai pas, abandonnai mon travail et tombai à genoux devant l’appareil. J’étais fait. J’étais ravi. Amoureux. Transi.
– C’est elle !
– Qui ça, elle ?
– L’avenir est féminin, tu as raison.
– C’est l’avenir et elle est déjà là !
– Féminin, mais pas seulement féminin.
– Oh non, pas seulement.
Je réalisai soudain que je dialoguais seul, chez moi, à genoux devant un poste de télévision. Décontenancé, je résolus de me servir un autre bon vieux whisky.
Avant, je n’aimais pas l’avenir.
Maintenant, c’est fini.
Hip hip hip houria !
Du coup, j’ai allumé une cigarette en culpabilisant. Même mon verre de whisky, je me surpris à le regarder de travers. Avec suspicion. Mais bon.
Et, troublé, je me remis au travail.
J’avais une commande à finir, et il était presque une heure du matin.
Un dialogue commandé par un Centre touristique régional. La visite guidée d’un village médiéval. Avec son lavoir, ses rues en pente, ses murs en vielle pierre volcanique, son église banale dont il faut faire une merveille d’architecture sans alourdir toutefois le dialogue de considérations techniques qui risqueraient de gonfler le public. Bref, un truc casse-couilles, purement alimentaire. J’en étais à la page 32, je touchais au but, le dialogue entre sainte Ursule et la journaliste Catherine Cazals, parsemé d’expressions en langue d’oc, était presque achevé.
J’eus soudain une idée de génie. Je sélectionnai les mots Catherine Cazals et commandai au traitement de texte (je ne ferai pas de pub pour Word ici) de le remplacer automatiquement par le mot Houria B. Ce qui fut fait dans la seconde.
Je venais de gagner mes galons de citoyen citoyen.
Génial. Cool.
Je compris vite néanmoins qu’il me faudrait revoir l’ensemble du texte. Ma brave sainte Ursule ne pouvait plus se contenter de raconter simplement son histoire ; il lui faudrait maintenant passer aux aveux. J’accentuai chez Houria ce côté inquisiteur qu’avait déjà Catherine. La sainte se repentait, admettait, difficilement d’abord, un certain nombre de mensonges, simulations, etc., puis, finalement, se sentait « libérée » d’avoir ainsi causé et finissait par demander conseil à la belle Houria…
J’aurais également volontiers remplacé sainte Ursule par sainte Ségolène, mais c’eût été une faute lourde.
Dans la foulée, j’envoyai un mail à mes commanditaires, demandant une augmentation conséquente. Ces imbéciles seraient malavisés de me la refuser : je ne vous dis pas le procès…
Houria, merci.
Cigare sur le balcon.
Revenu à la machine, je tapai sur un moteur de recherche (pas question non plus de nommer Google) son nom aimé. Au bout d’un moment, je tombai sur la vidéo d’un type nommé Yunis Al-Astal, député élu démocratiquement du Hamas, une organisation que soutient ma bien-aimée. Il disait ceci : « Très bientôt, si Dieu le veut, nous conquerrons Rome, tout comme Constantinople l’a été. »
Voilà des gens au moins qui n’ont pas perdu toute connaissance historique. Voilà des gens enfin qui nomment Dieu et se souviennent de Constantinople, capitale de l’Empire Romain jusqu’au 29 mai 1453. Voilà des gens qui se souviennent de Rome et de la Chrétienté. Des gens qui, en somme, n’ont pas renié leur propre histoire.
Voilà des gens qui vont gagner.
Time is Allah.
Et nous pouvons compter sur des loosers à la Grenelle pour les y aider positivement. Du coup, le féminin Mickey Grenelle enfin me devint sympathique.
D’où mon rêve.
-
Une blague d'enfant
– Moi, j’ai une blague !
– Vas-y, mais applique-toi à la dire bien.
– De quel côté un chat a-t-il le plus de poils ?
– Ben…
– Alors, un chat, de quel côté c’est, qu’il en a le plus, de poils ?
– Euh…
– Tu lui donnes ta langue ?
– Au chat ?
– Bah oui !
– Pas encore, non…
(Je ne vois toujours pas.)
– Alors de quel côté c’est qu’il en a le plus, le chat, de poils ?
– Cette fois, je donne ma langue.
(L’enfant jubile, puis braille :)
– A L’EXTERIEUR !
(On rigole.
Et on rigole.
Et on rigole encore.
Puis je dis :)
– Tiens, passe-moi Pomponnette (1), on va vérifier.
(Hurlements.)
Moralité : Blague d’enfant, blague d’écorcheur.
Moralité 2 : Le mot chat n’a pas de poils.
(1) J’aurais volontiers, en hommage au bon roman de Benoît Duteurtre La petite fille et la cigarette, dans lequel le malchanceux narrateur possède un chien nommé Sarko, nommé la chatte de cette histoire Ségo, mais j’ai eu peur de tomber sous le coup d’une quelconque loi – que je suis pourtant censé ne pas ignorer…